Virginie Baby-Collin est professeurs de géographie à l’université d’Aix-Marseille et chercheure à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme. Spécialiste des migrations, elle est l’auteure d’un très récent Atlas des migrations en Méditerranée (Actes Sud, 2021). Farida Souiah est professeure assistante de sciences politique à l’Emlyon Business School de Lyon. Ses travaux portent sur les migrations, les politiques migratoires et les mouvements sociaux.
L’ouvrage est le premier du genre entièrement consacré aux enfants dans les mouvements migratoires. Il réunit 29 chercheurs et chercheures qui ont travaillé sur les mobilités enfantines, familiales, la scolarisation des enfants migrants, les trajectoires de différentes générations de migrants.
Dans leur introduction, les deux auteures rappellent qu’il y avait 25 millions de mineurs en migration en 1990 alors qu’ils sont 36 millions en 2020. Ils représentent environ 12,8% des migrants internationaux. Elles resituent les origines des Migration studies en France, qui à partir des années 1990, ont cessé de penser la migration de manière dichotomique et segmentée, entre un espace d’émigration et un autre d’immigration, pour envisager ce qui les relie, mettant ainsi en évidence les espaces sociaux transnationaux qui articulent les zones de départ et d’arrivée. Ce livre entend apporter de manière illustrée, située et nuancée des éléments qui permettent de mieux saisir la manière dont les migrations et les mobilités, subies ou choisies, affectent les enfants et les jeunes. Les contributions réunies dans cet ouvrage mettent au jour le poids des inégalités de genre, d’origine, de classe, dans les trajectoires, et soulignent les difficultés, les limites, les contradictions des politiques de gestion de ces jeunesses, aussi bien dans les domaines de la protection de l’enfance, de la scolarisation ou de la formation que dans celui de la gestion des flux migratoires.
L’ouvrage est tout à fait passionnant et constitue une référence incontestable sur mobilités transnationales des jeunes. Les articles sont répartis selon cinq problématiques. La première concerne les mobilités enfantines et les familles transnationales. La deuxième s’intéresse aux mineurs migrants non accompagnés. La troisième étudie la scolarisation des élèves migrants. La quatrième se concentre sur les trajectoires scolaires de certains enfants. Enfin, la dernière partie recueille des témoignages commentés sur quelques expériences de jeunes mobiles internationaux en Afrique, en France, en Angleterre ou dans les Émirats arabes unis.
Parmi les nombreux points révélés par les différents articles, beaucoup précisent les profils des jeunes migrants. Ainsi en est-il du concept de « jeunes transnationaux » (p.32) qui recouvre à la fois les jeunes qui migrent, ceux de la seconde génération et ceux qui restent dans le pays d’origine mais dont les parents ont migré. Tous ces jeunes entretiennent des liens divers et multiples avec un pays d’origine et un pays de destination, que ce soit dans le cadre de flux matériels ou immatériels, d’argent, d’idées et de biens.
Aurélie Fillod-Chabaud évoque les nombreux cas d’adoption par kafala en France. Il s’agit d’un dispositif, dans les pays du Maghreb, permettant le recueil légal d’un enfant par un tuteur (dit kafil) qui s’engage à prendre en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un mineur (dit makfoul). Dans les années 1980-1990, l’apparition de la kafal en tant que mode de recueil légal d’enfants entend faire face à la crise sanitaire qui fait rage dans les orphelinats du Maroc et d’Algérie et à se positionner contre l’adoption en adéquation avec les principes de l’Islam. La loi du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfance, permet aux Français ne résidant pas sur le territoire national de faire accéder à la naturalisation les enfants recueillis par kafala.
Paul Nicolas montre, dans un article éclairant construit à partir de 72 trajectoires scolaires de jeunes migrants que l’âge d’arrivée de ces enfants est un élément important. Arriver jeune est un atout pour intégrer un système scolaire étranger, mais encore faut-il que le choc du déracinement, plus violent pour de jeunes enfants, n’ait pas fait trop de dégâts psychologiques. Enfin, Yaël Brinbaum, toujours sur ces trajectoires scolaires, révèle qu’en moyenne les enfants d’immigrés ont de moindres performances scolaires et rencontrent davantage d’échecs scolaires, ainsi que des orientations secondaires plus fréquentes vers les filières les moins valorisées. Son travail met à jour des aspirations scolaires genrées et différenciées selon l’origine. Les familles maghrébines, subsahariennes et asiatiques, par exemple, ont apparemment les mêmes aspirations en termes de niveau d’ambition que les familles françaises d’origine. L’avantage scolaire des filles semble confirmé parmi les descendants d’immigrés, quelle que soit l’origine. Les écarts sexués apparaissent plus ou moins grands selon l’origine.