Le prolixe, le génial, le polyvalent Paul Claval a encore frappé ! Voici que sort, en cette rentrée 2011, aux Carnets de l’Info son dernier manuscrit portant sur un des thèmes qu’il a précédemment étudié : la ville. C’est en 1981 qu’il publie La logique des villes dans lequel il montre que ce qui fait la ville n’est pas sa forme (continuité du bâti) mais les modes d’organisation de l’espace visant à faciliter les liens entre les hommes. Les villes apparaissent comme les carrefours des interactions sociales sans pour autant que l’aspect culturel de la ville ne soit oublié.

Ici, le professeur émérite de la Sorbonne, envisage la thématique sous un autre angle. Il raconte, qu’à la suite d’un entretien avec un étudiant japonais qui travaillait, en thèse, sur la formation des banlieues ouest parisiennes, c’est là qu’il a pris conscience de la particularité de l’urbanisme à la française. La notion de beau y est forcément associée, contrairement à ailleurs. Le but de Paul Claval est de montrer « comment l’aménagement des villes ou de l’espace, à un moment donné, reflète à la fois l’idée que l’on se fait du beau et celle que l’on a de la société. »

Ennoblir, embellir et aménager vont ensemble. Cette triple vision apparaît à la Renaissance quand est redécouverte la perspective. Le lecteur aurait sans doute eu bien plus de facilités à adhérer à ce discours si celui-ci était illustré. A défaut de pouvoir se reporter à des illustrations, des pré-requis importants sont nécessaires pour pouvoir comprendre et apprécier les parallèles suggérés entre les œuvres citées par Paul Claval. Cela nuit considérablement à l’efficacité du discours. Au delà de cette remarque, la démonstration menée par Paul Claval est intéressante puisqu’il montre comment à travers les âges l’esthétique a marqué la ville. A l’époque moderne, architecture et urbanisme sont encore réservées et destinées à l’élite : « Les sociétés nées de la Réforme et de la Contre-Réforme sont fortement hiérarchisées. Leurs princes et leurs classes dominantes désirent justifier leurs positions et conforter les pouvoirs qu’ils exercent. L’urbanisme d’ennoblissement et d’embellissement répond à leurs besoins et à leurs aspirations. » C’est à la fin du XVIII° siècle que « la volonté d’ennoblir l’espace se combine avec le souci d’assurer un fonctionnement efficace. » Mais, c’est seulement à la fin du XIXème siècle qu’est forgé le terme d’urbanisme par l’architecte catalan Ildefonso Cerdà. Celui d’aménagement apparaît dans les années 1920 – 1930. Il faut alors répondre à des besoins : « les premières phases de la Révolution industrielle avaient multiplié les problèmes auxquels devaient faire face les villes, mais n’avaient pas modifié les moyens techniques mobilisables pour les résoudre. » Cette réflexion sur la ville amène les gestionnaires à considérer l’ensemble urbain autrement. Urbanisme et aménagement « apparaissent comme des thérapies sociales et économiques » des villes. C’en est fini du temps où l’urbanisme était réservé aux classes supérieures ou moyennes. Au XXème siècle, il doit répondre à l’ensemble des besoins de la population urbaine. La dimension esthétique est présente, y compris dans le mouvement moderniste. Est ainsi brassé en moins de 300 pages l’histoire de l’urbanisme et de l’aménagement urbain de la Renaissance à nos jours.

C’est donc un texte d’histoire que livre ici Paul Claval. Un livre qui ravira les professeurs d’histoire des arts qui enseignent en terminale la thématique : Architecture et urbanisme au XXème siècle. Voilà de quoi renouveler l’approche de cette question inscrite, depuis un certain temps, au programme du baccalauréat L (enseignement de spécialité : Histoire des Arts). A 77 ans, Paul Claval nous donne les moyens de nous recycler ! Pas mal, non ?

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes

Lire l’interview de Paul Claval dans la Fabrique de l’Histoire (en direct du FIG) : http://www.franceculture.com/player?p=reecoute-4315931#reecoute-4315931