Si la mixité scolaire a été instaurée dans les années soixante et soixante-dix, les chercheurs ont montré portant que l’école reste un lieu où les inégalités s’expriment et se vivent au quotidien. Face à ce constat, pas question de baisser les bras et les trois auteurs offrent avec cet ouvrage un guide convaincant pour tenter de remédier à cette situation. Précisons que Naima Anka Idrissi est chargée de cours à l’Université de Rouen et chercheuse en sociologie, Fanny Gallot, formatrice et chercheuse en histoire à l’Espe de Créteil et Gaël Pasquier formateur et chercheur en sociologie également à l’Espe de Créteil.
Un manuel qui allie théorie et pratique
L’objectif de ce manuel est double : comprendre que le système de genre et les inégalités entre sexes se reproduisent à l’école et envisager comment les enseignants peuvent participer à la construction de l’égalité des sexes et à la lutte contre les discriminations. C’est donc une perspective large qui n’isole pas la question du sexe. Le livre est à destination de tous les enseignants, premier et second degrés, filières générales et technologiques. La démarche est celle du questionnement plutôt que du clé en mains. Cela n’empêche absolument pas les auteurs de donner des pistes concrètes. L’ouvrage est donc organisé en dossier qui alternent les outils et les exemples. Les auteurs présentent d’abord l’intérêt de la thématique vu par un expert clairement identifiable grâce à des pages oranges, un menu déroulant des outils qui vont ensuite être expliqués et des exemples et des conseils sous forme de précautions notamment. Cette organisation claire et efficace aide à s’emparer de la thématique si on en est peu familier. Pour chaque exemple traité, on retrouve la même articulation avec contexte, objectif, étapes et déroulement. Précisons néanmoins que certains outils ne donnent pas lieu à des exemples. Le livre comprend également des prolongements sous forme de qr code et on trouve en fin d’ouvrage un lexique et une bibliographie.
Le genre, un concept pour (re)penser l’école
L’idée de genre a créé une polémique en 2013 et il s’agit donc d’abord de montrer l’intérêt de ce concept et son possible usage scolaire. Le genre est une construction sociale et historique. Un des outils proposé est d’interroger les stéréotypes et les auteurs proposent à la suite deux exemples concrets pour le faire. Cela peut s’envisager dès l’école primaire avec un travail sur les catalogues de jouets. Le livre propose une vision ouverte avec une proposition autour de « genre et handicap » ou encore envisage la grossophobie. Fort logiquement le chapitre se termine sur un outil qui invite à réfléchir sur l’enchevêtrement des dominations.
Dans la classe, dans l’école et les établissements
Huit outils sont proposés dans ce chapitre dont la question du placement des élèves dans la classe ou lors de la récréation. Du côté des experts, on rappelle que les recherches en éducation ont montré que les enseignants n’interrogent pas de la même façon les filles et les garçons, avec deux tiers de temps de parole pour ces derniers. De plus, les filles sont davantage sollicitées pour des rappels de cours alors que les garçons pour la construction de nouveaux savoirs. Il faut vraiment avoir en tête ces acquis de la recherche. Parmi les autres éléments à intégrer, le fait de savoir que les filles réussissent généralement mieux une tâche de mathématiques lorsque celle-ci leur est présentée comme un exercice de dessin plutôt que de géométrie. Soulignons aussi que 80 % des sanctions au collège concernent les garçons et donc, d’une certaine façon, la sanction peut participer à la construction d’une certaine masculinité.
Les auteurs prennent le temps, par des encarts, de souligner les avantages et les précautions à prendre lors de telle ou telle activité. Extrait du site Matilda, ils proposent une de ses activités à savoir demander aux élèves de dessiner l’espace de la cour en identifiant les différents espaces où il y a les filles et les garçons. Ensuite, il s’agit de réaliser un deuxième plan afin de confronter le premier dessin à la réalité avec une observation le temps d’une récréation. On peut terminer par un relevé des jeux pratiqués.
Des disciplines scolaires pour éduquer à la sexualité
Parler de sexualité n’est jamais évident avec des élèves et utiliser des post-it peut être une stratégie qui permet une certaine libération de la parole en raison de l’anonymat garanti. Là encore, la partie sur les précautions à prendre est d’ailleurs fournie et pleine de bon sens. Les auteurs rappellent que les schémas sur les organes sexuels sont souvent inexacts et imprécis. Catherine Laffay propose des conseils faciles à appliquer, et qui peuvent en même temps être intéressants, comme ne pas toujours représenter le sexe féminin de face le faisant apparaître comme béant, mais de côté pour montrer la position de ses différentes composantes. Le livre aborde toutes les thématiques avec la question des élèves trans ou la question des normes sexuelles. La littérature peut s’avérer alors être un outil utile comme le montre l’exemple du travail de Marion Coste à partir d’un extrait des Misérables. C’est aussi une façon de souligner que l’on peut aborder des thématiques actuelles en utilisant des textes de littérature de référence.
L’orientation
Les auteurs reviennent d’abord sur le constat établi depuis de nombreuses années, à savoir les différences d’orientation qui existent entre filles et garçons à résultats équivalents. Parmi les exercices ici proposés, un des moyens simple à mettre en œuvre, mais efficace, est de travailler sur les représentations sur les professions. Les auteurs utilisent également un moyen comme la préparation et la réalisation d’un barbecue pour montrer les différenciations sexuelles à l’oeuvre. Il est indispensable de dénaturaliser la répartition des tâches domestiques. Hugues Demoulin souligne enfin l’importance d’appréciations non stéréotypées ce qui peut se faire en se situant sur les registres des acquis, du parcours et le travail effectué.
Construire et mettre en oeuvre une leçon
L’objectif de ce dossier est de montrer comment se prépare une séance en amont. Le choix des documents est évidemment crucial ainsi que leur contextualisation pour éviter tout anachronisme. Parmi les séances que l’on peut mener avec les élèves, il peut s’agir de faire analyser un manuel scolaire aux élèves. On peut s’appuyer sur une dizaine de pages d’un de leurs manuels avec un tableau à double entrée à compléter. D’autres exemples concrets sont abordés autour de l’heroic fantasy, des chansons sexistes en montrant que le rap n’est pas forcément le seul concerné ou encore qu’il est possible d’utiliser la littérature jeunesse. Le dossier suivant envisage le cas des ouvrières en grève entre 1936 et 1981. Le sport peut représenter une autre entrée intéressante et l’ouvrage propose de débattre en classe de la personne de Caster Semenya. L’ouvrage propose là encore des approches très larges et s’empare aussi de la laïcité. On peut signaler une activité très intéressante qui consiste à étudier un quartier au prisme du genre avec une enquête sur le terrain. Sage précaution donnée par les auteurs : ne pas observer son propre lieu de vie car tout y parait « naturel ». Pour que l’activité soit efficace, il est nécessaire de disposer d’une grille d’analyse et l’ouvrage en propose justement une ici sous forme de qr code.
La langue un outil pour l’égalité
Ce dernier dossier embrasse la question de la langue. Parmi les prolongements on trouve ici un guide pratique pour une communication sans stéréotype de sexe. Il y a également des propositions vraiment concrètes comme ce travail proposé à partir d’un texte de Bernard Friot ou les élèves sont invités à choisir s’il s’agit d’ « il » ou « elle « pour chacune des actions décrites dans le texte.
Pour découvrir un extrait de l’ouvrage, c’est ici
Cette boîte à outils du professeur remplit parfaitement son rôle en donnant les acquis de la recherche et en offrant ensuite des pistes concrètes pour mettre en oeuvre un enseignement différent où se manifeste, à tous les niveaux, et tout le temps, l’égalité filles-garçons. Un ouvrage fortement conseillé.
(c) Jean-Pierre Costille pour les Clionautes