Pour se changer les idées, que diriez-vous de photographies sur la crise de la Covid ? Chaque année, l’Agence France Presse publie ses meilleures photographies et elle a décidé de sortir une édition spéciale sur le thème. Comme toujours l’ouvrage prend appui sur les 1700 journalistes et 201 bureaux de l’Agence à travers le monde. Cela permet une approche différente de cet évènement, notamment en donnant à voir une crise où l’ennemi est invisible. De plus, comme le dit Hubert Védrine, « pour la première fois l’humanité s’est mise à avoir peur en même temps de la même chose ». Le livre est structuré en plusieurs thématiques introduites chacune par un texte et comprend également des focus. Les images sont contextualisées et commentées par le photographe ce qui permet de dépasser la sidération ou l’étonnement qu’elle provoque au début.
Epicentre
L’ouvrage commence évidemment à Wuhan avec cette image prise le 30 janvier 2020 d’un homme par terre, mort, entouré de deux personnes lourdement équipées pour se protéger. Après des images du marché de Wuhan, on trouve celles longuement montrées par le pouvoir chinois sur la construction ultra-rapide d’un hôpital puisqu’il fut réalisé en dix jours. Au passage, les photographes témoignent de leur quotidien et notamment du fait qu’ils devaient souvent travailler clandestinement pour prendre des clichés qui ne soient pas ceux voulus par le pouvoir chinois. Un premier focus est fait sur l’après confinement en Chine avec ces équipes d’agents de désinfection ou cette mariée qui pose au bord d’un lac.
La ligne de front
Plusieurs images impressionnantes ponctuent cette entrée et témoignent des difficultés des soignants. « Le spectaculaire et le terrifiant font irruption dans nos paysages du quotidien ». Tous les visages ont alors tendance à se ressembler. Un montage sur une double-page donne à voir ces équipements montés en hâte pour accueillir un maximum de monde, que ce soit à Lahore ou à Erevan. Le tour de la planète montre aussi les différences de moyens pour lutter contre la pandémie. Le focus s’intéresse notamment aux maisons de retraite et de façon plus globale à tous ces « drames à huis clos ».
Derrière les chiffres
Il s’agit de remettre des visages sur des chiffres effrayants. On découvre des images de fosses communes au Brésil ou ces bénédictions de cercueils à la chaine en Italie. Les photographes rappellent que se pose sans cesse la question de l’équilibre entre le témoignage et la pudeur et l’empathie. Le focus donne à voir des images de ces villes d’habitude si animées et qui ressemblent alors à des villes fantômes : Moscou, Manchester ou Buenos Aires partagent le même destin.
La planète en apnée
Cette partie de l’ouvrage raconte le confinement à travers la planète avec plusieurs clichés frappants. On se rend compte que la préoccupation pour le papier-toilette concerna de nombreux pays, que le télétravail fut parfois compliqué et que beaucoup ont cherché à faire du sport avec les moyens du bord. Les fenêtres et les balcons devinrent de nouveaux lieux de sociabilité. Le focus sur les masques à travers le monde est aussi une image marquante.
Le monde d’avec
On découvre ici les façons de s’adapter à cette situation qui tend à persister. Les flèches au sol, les brigades de désinfection font désormais partie du quotidien. Le sport se fait en salle… et sous bulle protectrice. Plusieurs images sont réellement hallucinantes comme ces rideaux câlins au Brésil ou ces écoliers de Taïwan derrière leur protection jaune. D’autres images montrent le quotidien des magasins mais aussi l’arrêt des lieux de culture. Et, s’il faut rappeler les gens à l’ordre sanitaire, on peut le faire comme ce policier de Chennai en Inde équipé d’un masque réalisé par un ami artiste. Le focus développe la question de la bonne distance avec des ouvriers de Wuhan ou des files d’attente organisées au marché municipal de Piura au Pérou.
Nouvelle donne
« On apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser » disait Albert Camus dans « La peste ». Que sera le monde après cette pandémie ? Cette partie montre des images de production de vaccin, de vacances à la maison à Magedebourg ou de personnes déguisées en Dark Vador qui ordonnent à des villageois philippins de rester chez eux. L’ouvrage se termine par quelques dates repères ainsi qu’une rubrique « les mots du coronavirus ».
C’est donc un ouvrage pour mémoire, du moins on l’espère !, qui documente cette pandémie qui a bouleversé et bouleversera encore la planète à travers ses inévitables conséquences.
Jean-Pierre Costille pour les Clionautes