Enseigner l’histoire à l’école primaire : une réflexion sur les enjeux de l’enseignement de l’histoire aujourd’hui

L’ouvrage Enseigner l’histoire à l’école primaire, publié sous la signature de Walter Badierdirecteur-adjoint de l’INSPE Centre-Val de Loire à Orléans et enseignant-chercheur spécialiste de l’histoire de l’enseignement, constitue l’une des parutions des éditions Hachette Éducation, dans la collection « Profession enseignant », en 2021.

Âgé de 43 ans, Walter Badier est docteur en histoire après avoir soutenu, en 2015, une thèse intitulée Alexandre Ribot et la République modérée. Formation et ascension d’un homme politique libéral (1858-1895), sous la direction du professeur d’université Jean Garrigues. En 2016, Walter Badier est lauréat du Prix de thèses de l’Institut Universitaire Varenne, dans la catégorie « Philosophie politique et histoire des idées et de la République », lui permettant d’avoir sa thèse publiée par les éditions LGDF-Lextenso, dans la « Collection des Thèses » (n° 130).

Devenu maître de conférences en Histoire contemporaine à l’université d’Orléans (Laboratoire ÉRCAÉ – EA7493) au sein de l’INSPE Centre-Val de Loire, en juin 2020, Walter Badier a été nommé directeur adjoint à l’INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) CVL, à Orléans. En outre, il est secrétaire général et membre du comité de rédaction de la revue Parlement[s]. Revue d’histoire politique, depuis 2007. Il est également auteur de la collection « Citadelle », chez Hachette Éducation, comportant déjà 6 titres.

 

Enseigner l’histoire à l’école primaire : une réflexion sur les enjeux de l’enseignement de l’histoire aujourd’hui

Conscient des doutes, voire des inquiétudes, que cet enseignement génère chez les enseignants du 1er degré, Walter Badier s’attache à expliquer pourquoi et comment est enseignée l’histoire aujourd’hui, afin de fournir des clés essentielles de compréhension et de mise en œuvre dans la classe de primaire.

Dans son introduction (p. 9-12), par honnêteté intellectuelle, Walter Badier se situe « résolument » (p. 10) dans la perspective d’une « didactique ancrée dans la discipline et puisant en elle les ressources théoriques aussi que les pratiques pour irriguer l’enseignement de l’histoire » (p. 10, cf. Etienne Anheim et Bénédicte Girault). L’auteur fait le point sur les recherches sur l’enseignement de l’histoire ainsi qu’il réinterroge les pratiques scolaires.

L’ouvrage est divisé en 6 chapitres comportant un sommaire (p. 3-6), une préface (p. 7-8) signée du célèbre historien de l’enseignement en France Antoine Prost, une introduction de Walter Badier (p. 9-12), 6 chapitres : chapitre I (p. 13-30), chapitre II (p. 31-56), chapitre III (p. 57-76), chapitre IV (p. 77-100), chapitre V (p. 101-124), chapitre VI (p. 125-136) et, enfin, une bibliographie générale (p. 137-140). Notons qu’à la fin de chaque chapitre, le lecteur peut télécharger gratuitement des documents et que l’ouvrage comporte 16 activités pédagogiques.

 Une discipline scolaire comme les autres ?

Dans le premier chapitre, intitulé Une discipline scolaire comme les autres ? (p. 13-30), Walter Badier montre la spécificité de l’histoire en France ainsi que de son enseignement avec les grandes périodes de l’histoire à l’école (p. 17-23), la formation du citoyen (p. 23-27) et le poids des permanences (p. 28-30).

L’enseignement de l’histoire en milieu scolaire en France (p. 17-23) est marquée par trois grands moments que sont l’époque du « roman national » (de la Troisième à la Quatrième République), celui de l’expérience de « l’éveil » en histoire (des années 1960 aux années 1980) et, enfin, le temps des incertitudes qui couvre la période des années 1980 à de nos jours en faisant la distinction entre histoire et mémoire ainsi qu’entre devoir de mémoire et devoir d’histoire.

Ensuite, vient la question de la formation du citoyen (p. 23-27) par l’histoire qui a tout à la fois une finalité morale (lutte contre le racisme, par exemple), intégrative (de la mémoire commune par le roman national à la fragmentation des mémoires) et intellectuelle (la construction de l’esprit critique ainsi que l’apprentissage d’une pensée autonome et complexe).

Enfin, le poids des permanences dans l’enseignement de l’histoire (p. 28-30) est constaté et modélisé par les « 4 R » relevés par l’historien-didacticien François Audigier (Réalisme, Résultats, Référent consensuel et Refus du politique) ainsi que par l’association du couple séculaire de l’histoire et la géographie, cette dernière étant souvent desservie au profit de l’histoire.

Quelle histoire enseigner aujourd’hui ?

Avec le deuxième chapitre, nommé Quelle histoire enseigner aujourd’hui ? (p. 31-56), Walter Badier fait le distinguo entre le savoir savant avec l’histoire scientifique et ses mutations (p. 34-40), le savoir à enseigner avec les Instructions officielles (p. 40-52) et, enfin, du savoir enseigné aux connaissances des élèves (p. 52-56).

Le savoir savant ou l’histoire scientifique et ses mutations (p. 34-40) est marqué successivement par la naissance de l’histoire scientifique au XIXe siècle (avec l’école méthodique dont les représentants les plus influents sont Charles-Victor Langlois, Charles Seignobos ou encore Ernest Labrousse et, en contrepoint, le sociologue François Simiand, le plus violent critique de ce courant historique, à la fin du XIXe siècle), l’école « Les Annales » qui rompt avec les 3 idoles que sont l’histoire politique, individuelle et chronologique, et enfin, l’école de la « nouvelle histoire » qui élargit du territoire de l’historien avec l’histoire des mentalités, des minorités (femmes, ouvriers, etc…), culturelle, le renouveau de la biographie et, enfin, l’histoire globale (activité 1).

Le savoir à enseigner ou les Instructions officielles (p. 40-52) est avant tout une histoire nationale, dominée par la politique et encore structurée autour des grands hommes (mais, ce savoir est en évolution et s’intéresse de plus en plus aux anonymes) ainsi que l’intégration des questions socialement vives (QSV) telles que le fait colonial, religieux (activité 2), par exemple, et, enfin, l’interdisciplinarité avec l’histoire des arts (activité 3) sans oublier l’enseignement moral et civique ou EMC (activité 4).

Du savoir enseigné aux connaissances des élèves (p. 52-56), l’auteur commence par les savoirs à maîtriser par l’enseignant, ensuite, par l’évaluation des connaissances et des compétences (évaluation 4 en téléchargement) et, enfin, par la perception de l’histoire de France par les adolescents en France, marqué par une histoire politique au masculin et par une histoire centrée sur les guerres (évaluation 4 : Le temps de la Révolution et de l’Empire).

La chronologie, toujours d’actualité ? 

Avec le troisième chapitre, titré La chronologie, toujours d’actualité ? (p. 57-76), Walter Badier aborde la notion du temps qui est, pour l’écolier, une notion abstraite et multiple (temps naturel, temps ressenti et temps de l’historien). Il commence par la construction du temps chez l’enfant (p. 61-68) et termine le chapitre III par les spécificités du temps historique (p. 68-76).

La longue et difficile construction du temps chez l’enfant (p. 61-68) est examinée par les phases de développement (le temps vécu, perçu et historique) ainsi que par la succession, la durée (activité 5) et la distinction présent/passé (activité 6).

Les spécificités du temps historique (p. 68-76) sont ceux du respect de la chronologie (l’écueil du déterminisme et une nécessaire discontinuité), le découpage en périodes (les siècles et la périodisation), l’importance des évènements (la définition historique de l’évènement, la place des évènements dans l’histoire scientifique et la place des évènements dans l’enseignement de l’histoire) et, enfin, les frises historiques (un outil difficile à maîtriser, des usages multiples ainsi que la construction de frise-bandeau ou de frise-tableau avec deux exemples donnés en téléchargement).

Les élèves, des « apprentis historiens » ?

Dans le quatrième chapitre, dénommé Les élèves, des « apprentis historiens » ? (p. 77-100), Walter Badier aborde le sujet des pédagogies actives avec l’approche socioconstructiviste et le fait que la démarche de l’histoire doit-elle être celle d’une classe d’élèves ? L’auteur pose la question de la mise en place de situations de recherche (p. 80-86), de la mobilisation de modes de raisonnement (p. 86-94) et, enfin, des pratiques langagières (p. 94-99).

La mise en place de situations de recherche (p. 80-86) commence par les représentations des élèves, en construisant le savoir historique à partir de leurs représentations et à mettre en place des situations-problèmes (activité 7) ainsi que par la problématisation qui est une pratique intéressante et recommandée mais peu mise en œuvre réellement (activité 8) dans les classes.

Walter Badier insiste sur la mobilisation de modes de raisonnement (p. 86-94) plus complexes comme la comparaison passé/présent (du passé vers le présent puis du présent vers le passé avec l’activité 9) ainsi que la formulation des hypothèses (activité 10) et la justification (activité 11).

Les pratiques langagières (p. 94-99), quant à elles, sont également importantes avec les différents types d’écrits (écrits de travail et de référence avec l’activité 12) et l’oral.

 Les documents, une évidence ?

Dans le cinquième chapitre, appelé Les documents, une évidence ? (p. 101-124), Walter Badier souligne l’importance de choisir des documents variés (p. 105-112) et des documents au service des apprentissages (p. 112-123).

La question de la variété des documents (p. 105-112) est fondamentale car l’histoire est « une connaissance par traces » et que pour l’historien « Tout est source » d’où la difficulté d’exploiter en classe et l’exploitation des documents-sources (activité 13). L’enseignant doit avoir une palette de documents très large car tout peut être document mais il doit également respecter certains principes (nombre de documents limité, support de document bien identifié par les élèves, etc…).

Avec des documents au service des apprentissages (p. 112-123), l’enseignant doit avoir pour démarche d’exploiter les documents pour construire l’histoire, pour illustrer un propos, découvrir une thématique (activité 14), rechercher des informations, acquérir des repères patrimoniaux (activité 15) et exploiter des documents pour développer les compétences des élèves telles que la compréhension d’un texte, l’analyse d’une image et le développement de l’esprit critique (activité 16).

L’histoire, ça se raconte ?

Dans le sixième chapitre, intitulé L’histoire, ça se raconte ? (p. 125-136), Walter Badier revient sur la polémique entre transmission versus constructivisme afin de mieux la dépasser en insistant sur la compétence de l’enseignant à bien savoir raconter l’histoire qui est le meilleur moyen de le transmettre sans oublier le fait que le récit par l’enseignant est une pratique pédagogique en débat (p. 129-132) ainsi que les caractéristiques d’un récit historique (p. 132-136).

            En effet, le récit par l’enseignant a toujours été une pratique pédagogique en débat (p. 129-132) avec le rejet du récit à partir des années 1970, puis la recherche d’un nouvel équilibre dans les années 1990 et 2000 avec le retour en grâce du récit et l’intérêt porté sur la mise en récit de l’histoire.

Les caractéristiques d’un récit historique (p. 132-136) est, tout à la fois, la narration du récit historique comportant des éléments explicatifs (la recherche des causes par les historiens et la recherche des causes en classe).

Enseigner l’histoire à l’école primaire : un vade-mecum pour les professeurs des écoles en histoire ?

Walter Badier n’a pas rédigé de conclusion mais, en revanche, la bibliographie générale est divisée en deux parties : l’histoire scientifique (historiographie et épistémologie) et l’enseignement de l’histoire.

En conclusion, l’auteur aborde les thèmes fondamentaux (le temps, les documents, le récit…) sous forme de questionnement. S’appuyant sur la littérature scientifique produit par des didacticiens, il réalise un état des lieux pour chacun d’eux. Il présente ensuite les démarches à mettre en œuvre, accompagnées d’exemples d’activités à faire en classe, qui s’appuient concrètement sur des documents textuels ou iconographiques. Une bibliographie complète, généraliste et par thème, est également proposée, sans oublier les documents disponibles en téléchargement. Ainsi, cet ouvrage court (140 pages) constitue-t-il un véritable vade-mecum pour les enseignant(e)s du premier degré. Indubitablement, il comble un manque qui pourra accompagner les enseignant(e)s qui souhaitent approfondir leur connaissance de cette discipline qu’est l’histoire, les guider dans leur pratique, et aider les candidats au CRPE.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)