Un livre à projets

Les éditions Autrement proposent ce livre à destination des « enfants de fin de collège (13-15 ans) en prolongement du programme scolaire d’Histoire du XXe siècle. Ce livre veut tenter de faire émerger une forme de culture commune. L’idée de cet ouvrage est de donner un aperçu des événements fondateurs de chaque état membre de l’Union européenne ; de montrer comment, qu’on le veuille ou non, les événements propres à chaque pays ont des répercussions dans l’Europe entière ». Cette déclaration d’intention explique le plan choisi.

Trois parties organisent donc le livre : une première partie s’intéresse à neuf moments forts de l’Europe de 1900 à aujourd’hui. La deuxième partie, de loin la plus conséquente, traite de chacun des vingt-sept. Ce déroulé de pays est entrecoupé de flashes sur un certain nombre de problématiques liées à l’union européenne. Une dernière partie propose une chronologie, un index et des biographies des « pères fondateurs ». L’ambition du livre est donc d’articuler le national et le supranational. Relevons aussi le parti pris graphique de l’ouvrage : des images, des photos et des illustrations de Ronan Badel a priori réalisées pour cet ouvrage accompagnent la lecture. Signalons que les éditions Gallimard sortent au même moment un livre qui ressemble intitulé « l’Europe : de l’Islande à la Moldavie ». Il est néanmoins plus large au niveau spatial et temporel.

Contrat rempli sur les principes.

Dans la première partie, on pourrait remettre en question le choix d’évènements du XX ème siècle uniquement alors que certains évènements plus anciens ont du poids, surtout si le sous-titre du livre est « Mémoires profondes ». Parmi ceux développés, on va du traité de Versailles à l’élargissement de 2004.
Dans la deuxième partie, chaque pays est traité à égalité. La présentation commence par un tour d’horizon succinct autour des incontournables (superficie, population, langue officielle, monnaie, devise, PIB et date d’entrée dans l’UE) puis deux dates sont choisies pour chaque pays. Le fait d’accorder le même nombre de pages à chacun des pays crédibilise la déclaration d’intention qui était d’ étudier la mémoire des 27 pays qui composent l’Union européenne.
Parmi les flashes, l’immigration en Europe ou encore les religions en Europe : du coup ces repères donnent un peu plus de profondeur historique à l’ensemble, même si cela aurait pu être plus important. On trouve les incontournables sur le fonctionnement de l’union européenne et des angles plus originaux notamment pour souligner le rôle du Danube en Europe.

Contrat rempli sur les textes.

Pour chaque article il y a généralement trois paragraphes organisés autour d’un titre ce qui en facilite la lecture.
Les articles sont généralement bien écrits. Ainsi pour Hitler, les auteurs proposent une bonne mise en perspective qui ne se limite pas à une présentation du dictateur à partir des années 30. Soulignons également la qualité des articles sur Aldo Moro ou Dubcek. Il en est de même pour l’Irlande.
On ne comprend pas toujours pourquoi, pour un pays, les deux événements choisis parmi le XX eme siècle ne sont pas présentés dans un ordre chronologique : doit-on en déduire un poids différent des deux éléments cités ? c’est le cas pour l’Espagne et la Hongrie. L’ouvrage ne recule pas devant des articles très contemporains, mais ô combien significatifs. Ainsi en est-il de l’affaire des monuments de la fin de la Seconde Guerre mondiale à Talinn : la statue du soldat soviétique est insupportable pour les Estoniens, car ils ne voient pas en lui la libération de leur pays, mais plutôt le début de l’asservissement sous le joug soviétique.
On est forcément curieux de savoir ce que les auteurs retiennent pour notre pays. Les deux vainqueurs sont la sécurité sociale et De Gaulle. On pourrait argumenter longuement sur le choix pour chaque pays : pourquoi parler de l’Ajax d’Amsterdam pour la Hollande ? N’y-a-t-il pas plus décisif se demande-t-on ? Mais là est toute l’intelligence du texte qui à travers l’histoire du club raconte toute l’histoire des Pays-Bas au XX ème siècle pour déboucher, de façon tout à fait cohérente, sur les tensions liées à l’assassinat de Pim Fortuyn. Néanmoins l’essentiel n’est pas dans des discussions sans fin sur les choix des auteurs : à l’issue de la lecture de ce livre ce seront donc plus de 50 repères qui seront possédés sur l’histoire des pays d’Europe si l’élève retient tout !
Remarquons enfin qu’il n’y a pas de vision lénifiante car Malte est présentée notamment sous l’angle des pavillons de complaisance.

Une mise en image plus discutable.

On aurait pu imaginer une mise en page plus débridée comme celle utilisée pour leurs atlas, avec des bulles, des encarts. Ce livre possède un côté très encyclopédique, avec les repères évoqués (PIB…) qui ne donne pas vraiment un coup de jeune à l’ensemble. Pourquoi ne pas aussi imaginer un cd avec quelques ressources notamment celles de la cartothèque d’Autrement qui est disponible en ligne ? A 29 euros le livre, on pourrait s’attendre à un « plus produit » ou à une plus grande sensibilité aux moyens modernes de communication, surtout pour la tranche d’âge visée !

Et en classe ?

Lorsque l’on aborde l’Europe, on peut tout à fait imaginer de faire présenter en début de cours par un ou deux élèves quelques pays en s’appuyant sur les articles qui leur sont consacrés. Cette entrée peut être utilement complétée par une utilisation-explication des drapeaux ou des fêtes nationales. On pourrait aussi concevoir un panneau avec les images de Ronan Badel qui sont accolées à chaque article, pour fabriquer au fur et à mesure un « mur d’Europe » comme une sorte de mémento de ces histoires particulières. En effet un certain nombre de photographies peuvent être considérées comme des repères culturels indispensables pour comprendre l’Europe d’aujourd’hui.

Au total cet ouvrage a tout à fait sa place dans un centre de documentation. Il réussit à offrir une vision assez complète de l’Europe en choisissant de passer par l’histoire plutôt que de décrire des institutions, des procédures.

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