Dossiers de synthèses sur l’économie, les institutions et la société. Une conception pédagogique qui privilégie la synthèse des connaissances, et offre une pluralité d’approches et l’intervention de nombreux spécialistes.
Dans son dossier de novembre-décembre 2017, les Cahiers Français proposent de faire un point sur l’écologie à l’épreuve des faits. Il ne fait quasiment aucun doute que l’empreinte écologique de l’homme est (de plus en plus) forte, que les activités humaines ont un impact majeur sur l’ensemble de l’écosystème terrestre au point que certains parlent d’une nouvelle ère géologique (l’Anthropocène). La nécessité d’agir semble aujourd’hui urgente pour ne pas dépasser les « limites planétaires ». Pourtant les exigences écologiques paraissent contradictoires avec notre idée de la liberté.

Dans les années 1960, Rachel CARSON publie Silent Spring (Printemps silencieux) sur l’effet des pesticides sur l’environnement. Dominique VIEL se demande 50 ans après, où en sommes-nous ? En 2015, d’après le PNUE, nous avons utilisé 84 milliards de tonnes de matières, soit 10 fois plus qu’au début du XXème siècle. En 2017, l’empreinte de l’humanité atteignait l’équivalent de 1,7 planète. On perd chaque année dans le monde 12 à 16 millions d’hectares, soit l’équivalent de la moitié de la surface agricole française avec pour conséquences artificialisation des terres, érosion hydrique et pollutions. La déforestation se poursuit au rythme de 15 millions d’hectares par an. L’auteur nous alerte. Sur les 5000 dernières années, l’effondrement de civilisations entières s’est produit lorsque deux fragilités ont convergé : l’appauvrissement en ressources et la croissance des inégalités.
Mais comment revenir sur des modes de vie désormais si bien ancrées se demande Dominique BOURG. L’approche libérale de la liberté s’est peu à peu imposée pour aboutir à une société focalisée sur la consommation et la croissance avec des répercussions écologiques. L’instauration d’une « dictature verte » n’est pas souhaitable pour l’auteur qui propose une économie « permacirculaire » où les différents acteurs décideraient démocratiquement des moyens de parvenir à une limitation de leur empreinte écologique. L’agriculture en est un exemple. Pour Thierry DORE et Gilles TRYSTAM, si la transition écologique est nécessaire, il faut se garder de toute solution systématique. Il s’agit de s’adapter à la diversité des agricultures, tout en continuant de garantir l’accès aux aliments et leur sécurité sanitaire, de répondre aux diverses attentes des consommateurs et de satisfaire les exigences écologiques. Il faut identifier localement les règles permettant de satisfaire au mieux ces objectifs parfois contradictoires, sans vouloir prôner une conversion systématique vers telle ou telle forme d’agriculture.
Dans un article particulièrement intéressant, Magali REGHEZZA tente d’établir les liens entre développement durable et territoires en France. La France apparaît comme un pays leader après la réussite de la COP21 à Paris. Mais Magali REGHEZZA insiste sur la nécessité de territorialiser, c’est-à-dire de traduire à l’échelle locale, la durabilité. Les projets d’aménagement ou d’urbanisme (éco-quartiers par exemple) sont des exemples d’application de volontés étatiques à l’échelle locale. Pour Olivier LAPORTE, la ville intelligente (smart city) pourrait également participer à la réduction de la pollution par les transports ou à une meilleure gestion des ressources en eau. Pour lui, la transition urbaine paraît indissociable de la transition écologique. Mais si la ville intelligente peut fournir les outils d’une meilleure gestion voire d’une meilleure gouvernance, « elle semble à l’opposé de l’urgence de durabilité de notre siècle » car économiquement insoutenable , socialement inéquitable et archaïque écologiquement. Il apparaît donc davantage nécessaire de « renaturer » les villes pour construire une « autre relation du citadin avec son environnement biophysique ». Yves CROZET traite spécifiquement de la question des transports. Ils entraînent des externalités négatives (conséquences sur la santé, le réchauffement climatique,…) mais aussi positives (en tant que facteur de mobilités). Le Grenelle de l’environnement lancé en 2007 avait préconisé un report modal des modes les plus polluants vers les modes moins émetteurs permettant ainsi de garantir les mobilités tout en diminuant les impacts négatifs des transports. Mais le bilan est aujourd’hui maigre. Il semble maintenant important de se tourner vers des couples « activité-localisation » plus respectueux de l’environnement.
Alors comment répondre plus globalement à l’urgence écologique ? Jacques LE CACHEUX propose une action sur les prix, pénalisant les activités les plus polluantes, entraînant ainsi un transfert vers de nouveaux emplois. Dans le cadre d’une transition écologique, cette solution apparaît comme plus réaliste qu’une pression sur la règlementation ou même l’interdiction, qui peuvent être trop brutales voire contre-productives. Olivia MONTEL fait ensuite l’historique de l' »utopie » de la décroissance, terme mal choisi. « Il s’agit de changer de modèle de société, d’abandonner l’impératif de la croissance, non de le remplacer par l’impératif opposé » (Serge LATOUCHE). Enfin, le dernier article de Benoît LEGUET pose la question de l’indispensable coopération internationale.

Les horizons variés (agronome, géographe, économiste..) des différents auteurs des articles permettent à ce dossier de brasser les différents éléments du développement durable. Les problèmes sont clairement posés, des solutions souvent nuancées sont parfois proposées, mais surtout, ces articles nous obligent à nous interroger, parfois de manière philosophique, à nos actions à la fois collectives et individuelles. Quelques extraits pourraient être bien utiles, notamment pour des élèves de lycée, pour amorcer réflexion et discussion sur ce sujet.