Jacques Véron est démographe et directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Ses travaux portent principalement sur la relation entre population, environnement et développement ainsi que sur la démographie de l’Inde. Il a publié dans la collection « Repères » L’Urbanisation du monde (2006) et codirigé un Dictionnaire de démographie et des sciences de la population (Armand Colin, 2011).
En introduction l’auteur rappelle l’existence de controverses sur la question : la démographie est parfois niée ou , au contraire, tenue pour seule responsable des déséquilibres environnementaux actuels. Il affirme à la fois la complexité de la question et les enjeux idéologiques qu’elle sous-tend. Un optimum de population est-il imaginable ? Peut-on échapper aux biais idéologiques qui pèsent sur les questions démographiques ?
Trop de gens sur terre ?
Jacques Véron rappelle les théories de Malthus, l’évolution de la population mondiale depuis 1800 marquée par une accélération de la croissance depuis les années 1950 ainsi que les différents auteurs qui ont écrit sur le sujet de Julian Huxley à Gaston Bouthoul, de Paul R. Erlich (la bombe P. – 1968) au rapport Meadows, d’Albert Jacquart à Barry Commoner (Printemps silencieux – 1962) ou David Lam.
Quelle est la bonne question ? « Trop d’humains » ou sur lune augmentation trop rapide de la population dans un monde fini ?
Se référant à Massimo Livi-Bacci (Our shrinking planet) et à Amartya Sen il relie croissance démographique et développement et propose une approche systémique de la question ?
L’environnement, entre nature et artifice
Il y a nécessité à définir le terme environnement, le rapport entre lé développement de la population et le développement de la production agricole et son coût écologique. L’auteur montre que l’échelle d’analyse (locale, mondiale) est importante. Il rappelle le rapport « Nous n’avons qu’une seule terre » de l’agronome René Dubos et l’économiste britannique Barbara Ward, publié en 1972, le sommet de Rio en 1992 et le rapport Brundtland (1987). Il montre la complexité du système terre et ses multiples interactions : démographie, économie, société, politique des différents pays. La rationalité d’une décision économique doit se poser en tenant compte de l’horizon temporel. L’auteur alerte sur les risques d’un raisonnement trop simpliste, trop idéologique que ce soit en matière écologique qu’en matière de progrès scientifiques.
Un droit au développement
Ce droit est reconnu par la communauté internationale depuis 1986. Ce chapitre permet de revenir sur les objectifs de l’ONU : Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et Objectifs de développement durable (ODD,). C’est un bilan en demi-teinte en ce qui concerne les OMD : des progrès mais insuffisants pour l’égalité hommes-femmes, pour l’équité entre les générations. C’est aussi l’occasion de rappeler la définition de « développement durable » par le rapport Brundtland (p.82).
L’avenir démographique du monde
L’auteur insiste sur le caractère incertain des projections à 30 ou 50 ans d’autant que la population mondiale est diverses, reprenant ici les travaux d’Alfred Sauvy et d’Alan T. Durning. Il développe des cas particuliers : Chine, Inde, à eux deux le tiers de l’humanité, l’Afrique sous pression. Il existe des scénarios très contrastés sans oublier la notion d’inertie démographique.
Laisser faire ou agir ?
Peut-il y avoir des politiques démographiques et à quelle échelle ? Avec quel respect de la liberté ?
La liberté en matière de procréation a été réaffirmée à la conférence du Caire en 1994. L’idée d’une stabilisation de la population mondiale est partagée mais les moyens pour y parvenir restent en débats. L’auteur rappelle les références idéologiques de Malthus à la décroissance et les mises en œuvre : Inde, Chine, Japon.
Paradoxe du vieillissement
Le problème est posé en quelques chiffres mais cette question est à considérer sous plusieurs angles : actifs/inactifs, espérance de vie/espérance de vis en bonne santé.
Les migrations internationales, enjeu démographique et politiques
L’auteur décrit les éléments du débat idéologique sur ce sujet et demande une expertise la plus neutre possible. La dimension politique est bien montrée par les votes du Pacte mondial sur les migrations de Marrakech (2018). L’auteur fait le point sur les débats français : Statistiques ethniques, théorie du « grand remplacement ». Il analyse les chiffres : part modeste des migrants internationaux dans la population mondiale, immigration intracontinentale, crise syrienne. Il rappelle avec quelques exemples que la mobilité des populations est très ancienne (référence aux travaux de Gildas Simon).
Enfin l’auteur tente un peu de prospective : quel potentiel migratoire ? Quelles motivations à migrer ?
Une urbanisation marquée par la démesure ?
C’est d’abord un état des lieux de la situation : toujours plus de citadins dans des villes toujours plus grandes. Se pose la question de la définition même de ville et des limites parfois floues entre urbain et rural. Y a-t-il un optimum dans la taille des villes ? Peut-on freiner la croissance urbaine comme en Chine ?
L’auteur montre la ville comme un lieu d’expression des disparités, un lieu de concentration des pollutions et s’interroge sur la possibilité de villes vertes.
L’explosion annoncée des migrations environnementales
La banque mondiale estime à 143 millions les migrants climatiques à l’horizon 2050. Pourtant des exemples historiques existent (Dust Bowl des années 30 – USA) mais le motif environnemental se saurait à lui seul expliquer ces migrations. L’auteur tente de quantifier les risques et montre aussi la résilience des populations (Banda Aceh).
Le puissant multiplicateur du mode de vie
Un raisonnement mathématique pour modéliser le rapport nombre d’habitants/environnement/mode de vie, l(auteur met l’accent sur les gaspillages, les déchets, le capital eau et la notion de « dépassement (rapport Meadows, « The Limits to Growth » ; Rees et Wackernagel, « Our écological Footprint »).
Dualité du progrès technologique
Un court chapitre pour dénoncer l’illusion des solutions miracles.
Une planète trop mondiale ?
La mondialisation des échanges est fondée sur les inégalités et la course aux prix bas, inégalités de revenus mais aussi de pouvoir de négociation. Le paragraphe: mobilité et épidémies est vraiment d’actualité.
Comment (ré)concilier population et environnement ?
L’auteur présente une argumentation en 7 points :(pP. 247-248)
- la liaison entre population et environnement est inéluctable
- il ne sert à rien de se demander si…
- on peut s’interroger sur les avantages d’une décroissance démographique
- on peut s’interroger sur les marges de manœuvre de chaque pays
- il importe que la fécondité continue de baisse
- donc le niveau de vie des populations doit progresser
- sans que cela se traduise par une hausse de la consommation
On ne peut que souscrire à son souhait d’une régulation dans le respect des libertés.