« Les féministes sont toutes des mal-baisées », voilà le genre de poncifs que nous avons tous déjà entendu sur les féministes. De façon générale, même dans notre société occidentale actuelle, il est rare d’entendre une femme dire qu’elle est féministe, tout simplement parce que se dire « féministe » implique immédiatement les images d’hystériques, ringardes, ou encore moches.
A l’heure du « Me too » ou de « balance ton porc », il est aberrant d’entendre encore de tels clichés sur le mouvement de défense des droits des femmes, pire encore d’écouter les femmes dire « je suis féministe mais… » comme pour se distinguer du mouvement lui-même.
Ce n’est pas la première fois que l’autrice se penche sur la question du féminisme puisqu’elle est spécialiste d’histoire politique, sociale et culturelle des femmes et du genre ; il s’agit d’ailleurs ici de la deuxième édition, revue et augmentée, d’un ouvrage paru une première fois en 2012. Professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Angers, Christine Bard dirige également la collection « Archives du féminisme » aux Presses Universitaires de Rennes.
Le cheminement choisi par Christine Bard pour cet ouvrage est facile d’accès puisqu’il est chronologique. Elle commence ainsi par le XIXe siècle pour achever ce parcours sur les mouvements les plus contemporains. En s’appuyant très fréquemment sur de nombreux extraits de textes, la chercheuse nous propose un livre d’une grande érudition, au risque de le rendre austère. Elle convoque ainsi des auteurs qui se déclarent eux-mêmes féministes et d’autres qui ne le sont pas. L’historienne précise toutefois dès son introduction qu’elle n’a pas cherché à écrire un ouvrage exhaustif sur ces idées reçues relatives au féminisme mais bien à analyser ceux qui lui semblaient à la fois les plus pertinents et les plus fréquemment mobilisés.
Et c’est justement l’impact de ces lieux communs sur la société et sur le mouvement féministe que Christine Bard cherche à décortiquer en revenant sur leurs origines et sur leurs conséquences. On découvre ainsi que l’idée selon laquelle les féministes seraient toutes laides date du XIXe siècle. On doit ce poncif à l’un des plus des plus illustres économistes et sociologues français, Pierre-Joseph Proudhon, qui présentait la femme intelligente comme « laide, folle et guenon ».
Il est également surprenant de découvrir que les femmes du Mouvement de libération de la femme (MLF) apparu en 1970, avaient totalement occulté le combat de leurs aînées en faveur du droit de vote. Elles se pensaient en effet comme les premières à combattre pour l’égalité sous une forme radicale.
L’autrice nous invite donc à dépasser nos préjugés, et finalement à nous demander tout ce que nous devons au féminisme mais aussi à nous approprier ses combats, ne serait-ce que dans le choix de l’éducation que nous donnons à nos enfants, ou juste dans celui d’un livre.