« Miroir de la folie : chacun s’y reconnaît en voyant son portrait » Sébastien Brant, La nef des fous, 1494

Cet ouvrage est le fruit de la collaboration d’Elisabeth Antoine-König, conservatrice générale au département des Objets d’art et de Pierre-Yves Le Pogam, conservateur général au département des Sculptures, tous deux au musée du Louvre. Rédigé à l’occasion de l’exposition « Figures du fou, du Moyen-Age aux Romantiques », ce carnet s’avère un bon complément du catalogue. Il propose une vision particulière de la représentation du fou, moins centrée sur la religion mais plus profane.

Un chapitre liminaire éclaire le lecteur sur l’imagerie du fou dans l’art

Dans le premier sens du terme, du latin follis, le fou désigne celui qui est empli de vent, donc dépourvu de toute sagesse. Pourtant la maladie mentale n’est pas représentée.

Au XIVe et au XVe siècle apparaissent les fous ou bouffons de cour qui seraient des simples d’esprit utilisés pour amuser. Souvent bien traités, ils deviennent des familiers des puissants. Au contraire, certains moqueurs sont remarqués par leur finesse d’esprit, tel Triboulet mis en scène par Rabelais.

Issu des fêtes du carnaval, le fou peut incarner l’envers du monde, où les rôles sont renversés. Ces fêtes d’origine religieuse montrent la faiblesse et l’humilité et s’imposent dans le monde profane avec des pièces de théâtres, des défilés et des effigies brûlées lorsque le retour à l’ordre s’impose.

Les œuvres d’art incluent donc largement les fous. Ces grotesques affublés de grosses lunettes, symboles de la myopie intellectuelle ou de capuchons à oreilles d’âne, de grelots, deviennent au début de la Renaissance des messagers plus inquiétants sur l’évolution du monde : la remise en cause des institutions et des croyances séculaires, l’affrontement des nations dans des guerres de plus en plus meurtrières.

Les tableaux de Hieronymus Bosch ou de Pieter Bruegel illustrent le pessimisme sur la nature humaine entraînée par la violence et les tentations diaboliques. Les joyeuses kermesses dépeignent des villages gagnées par une certaine folie.

A la fin de la Renaissance, après la Réforme et la contre-réforme, le triomphe de la raison met un coup d’arrêt à la représentation de la figure du fou qui devient trop scandaleux. Sa présence se raréfie pendant deux siècles.

La résurgence d’un certain nombre d’images apparaît avec le romantisme et sa sensibilité au sublime et au morbide. Elle s’associe au nouveau regard sur la folie et la naissance de la psychiatrie. Fous et bouffons occupent alors le devant de la scène en littérature comme au théâtre. Ils interrogent sur le passé comme sur l’avenir.

Des œuvres commentées exposées en miroir

Selon la tradition des carnets d’expo, les volets dépliables permettent une extension des pages afin de comparer et de mettre en regard des œuvres sur le même thème. Ainsi peut-on observer les fous d’amour sur une valve de miroir, une sculpture ou une tapisserie, la folie de l’amour sur différents supports, où la femme fatale entraîne l’homme vers une danse qui peut être macabre.

Le lecteur averti parcourt toujours avec plaisir ces carnets d’expo qui résument l’essentiel, permettant un avant goût d’une future visite au musée concerné.