« Les véritables arguments d’un peintre sont ses peintures ».
Si le peintre Gustave Caillebotte (1848-1894) connaît aujourd’hui une renommée internationale, sa prédilection pour la représentation des figures masculines et les portraits d’hommes n’a pas été abordée. Le musée d’Orsay propose une exposition d’octobre 2024 à janvier 2025 sur l’originalité de l’artiste à peindre les hommes, faisant entrer dans son œuvre un répertoire inédit de ses contemporains.
Ce carnet d’expo est rédigé par le commissaire de l’exposition, conservateur en chef et directeur de la conservation et des collections du musée d’Orsay, Paul Perrin.
Un mécène artiste moderne
On connaît l’importance de Gustave Caillebotte pour le mouvement impressionniste. Issue du milieu manufacturier parisien, la famille du peintre investit dans l’immobilier et assure des revenus confortables aux enfants. Après des études supérieures, Martial se consacre à la musique tandis que Gustave se lance dans la peinture en s’inscrivant dans l’atelier de Léon Bonnat et à l’école des Beaux-Arts.
Sa première œuvre, Raboteurs de parquets envoyée au Salon de 1875 est refusée. Caillebotte se rapproche alors du groupe des impressionnistes. Devenu riche après la mort de ses parents, il organise et finance les expositions de ses nouveaux amis. Lui-même présente des toiles d’un format et d’un point de vue inédits qui « déroute les traditions » selon un critique. Le peintre apparaît comme le chef de file du mouvement. Cependant dans les années 1880, le groupe se disperse et Caillebotte trouve d’autres centres d’intérêt comme le nautisme, la philatélie ou l’horticulture, tout en conservant son titre d’artiste peintre.
L’exaltation de la masculinité
Selon l’historien Alain Corbin, le XIXe serait le siècle du triomphe de la virilité. La masculinité recouvre différentes formes comme le courage, l’héroïsme, la maîtrise de soi. Caillebotte s’intéresse au versant viril de la modernité et s’interroge sur les conditions de vie masculines toutes catégories sociales confondues. Il peint des professions, des loisirs et des espaces urbains surtout fréquentés par les hommes.
Il fait donc entrer dans la peinture un répertoire réaliste nouveau issu de l’observation de son entourage : des sportifs, des ouvriers, des bourgeois en promenade ou des hommes nus dans leur intimité. Le peintre aime représenter des travailleurs investis dans une tâche commune où l’individu disparaît au profit du groupe.
Avec la proclamation de la Troisième République, le contexte politique favorise les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui s’expriment dans les sociabilités masculines particulièrement appréciées par le peintre. Ce dernier y puise son inspiration. Ses contemporains sont « des objets » à regarder, eux mêmes observateurs, sujets de réflexion sur l’existence. Ils témoignent des interrogations de l’artiste sur sa propre identité.
Le lecteur ne boude pas son plaisir en parcourant ce carnet d’expo où les pages se déplient afin d’admirer des œuvres choisies, reprenant les thèmes de l’exposition. Ce petit ouvrage invite à redécouvrir un artiste majeur à l’aulne des nouvelles recherches.