Dominique Bucheton et Yann Mercier-Brunel défendent dans cet ouvrage le métier de formateur. Ils veulent faire comprendre le rôle de médiation indispensable. Fruit de dix ans de travail, il s’agit ici de montrer sans modéliser.

Les auteurs

Dominique Bucheton a été enseignante et formatrice. Elle a été professeure des Universités en Sciences du langage et de l’éducation. Récemment, elle publié une tribune retentissante où elle invite à rebâtir l’école avec et non contre les enseignants. Yann Mercier-Brunel a été professeur des écoles, formateur puis maitre de conférences en Sciences de l’éducation.

En guise d’introduction

Dominique Bucheton pose clairement les choses : formateur, un métier impossible oui, mais décisif ! Impossible d’abord dans le sens où son statut est peu reconnu. Le système de l’alternance a besoin d’être repensé. Les auteurs tirent ici les leçons d’une recherche au long cours où ils ont co-construit avec une équipe de formateurs des modélisations de l’action des formateurs. L’objectif du travail était notamment de comprendre ce qui se passe lors d’un entretien entre formateur et formé.

Entre deux pôles

Comment apprendre à enseigner ? Il y a deux pôles entre lesquels l’histoire de l’école n’arrête pas de naviguer. Il y a celui de la confiance faite aux premiers des concours, mais qui se heurte parfois au mur de la réalité. L’autre est plus modeste et efficace et consiste à réserver un temps et des institutions à cet apprentissage.

Etat des lieux et des recherches sur le développement professionnel

Cette partie est composée de cinq chapitres. Les auteurs pointent d’abord l’instabilité de réformes aux intentions contradictoires. Une réforme succède à une autre, sans aucune évaluation de ce qui a été fait auparavant. La formation initiale n’est pas épargnée par cette valse des réformes. Le chapitre suivant se focalise sur la fonction de formateur avec une question essentielle : suffit-il de savoir faire pour savoir former ? Le CAFFA est créé en 2015 et en 2021 les règles du CAPIPEMF changent. Les auteurs proposent ensuite une «  petite bibliothèque du formateur » autour de treize concepts et approches théoriques. Ce sont autant d’invitations à creuser chacun. Parmi les concepts, citons l’accompagnement, la communauté de pratiques ou encore les postures d’accompagnement. Le chapitre 4 insiste sur l’importance du langage. L’entretien conseil est en effet une médiation langagière complexe. Le livre s’attarde sur cet aspect à travers plusieurs dimensions à connaître.

Au coeur des dilemmes de l’entretien

La deuxième partie constitue le coeur de l’ouvrage. Elle explore les échanges langagiers entre des formateurs et des stagiaires. Les auteurs se montrent sceptiques sur l’utilité dans une telle situation d’un référentiel de compétences. Ils varient selon les pays, ce qui interroge. Etudiées pour l’agir enseignant dans la classe, cinq grandes préoccupations ont été   identifiées : l’objet central, le tissage, l’atmosphère, le pilotage et l’étayage. Le formateur doit tendre vers plusieurs buts. Il doit, par exemple, analyser la singularité de l’expérience observée dans son contexte, mais aussi apporter des conseils techniques et tenter de faire construire et verbaliser des règles professionnelles.

Du côté des formateurs et du côté des stagiaires

Le livre s’arrête sur diverses postures d’étayage et d’accompagnement des formateurs lors des entretiens. Elles ne se succèdent pas mais s’enchâssent entre elles. Pour bien faire comprendre les spécificités de chacune, l’ouvrage propose la transcription d’échanges entre un formateur et un professeur en formation. Le livre examine donc successivement la posture d’accueil, de valorisation, de description du contexte, d’exploration « problématisante », de traduction « technologique », d’enseignement et enfin de conseil.  Pour chacune, des types de gestes sont indiqués comme le geste d’apostrophe ou de déplacement de focale. Le livre envisage ensuite le point de vue  des stagiaires. Là aussi, les auteurs multiplient les exemples pour donner à comprendre comment se situe le stagiaire dans l’entretien. 

Quelques principes à retenir pour le formateur

Arrivé à ce point, on trouve un utile récapitulatif. L’éthique professionnelle tout d’abord qui consiste à ne pas imposer des conduites, ou alors bien considérer que le temps est une composante majeure du développement professionnel. Il faut se garder de vouloir donner du clé en main et il convient de « faire parler pour faire penser ». Il faut, de la part du formateur, une solide culture pluridisciplinaire et insister sur le sens des savoirs enseignés.

Vers des recherches technologiques et collaboratives sur la formation des enseignants

La première entrée de cette troisième partie est consacrée à un récit d’une longue recherche collaborative, plus de dix ans,  entre deux chercheurs et des formateurs à partir de huit corpus d’entretiens filmés. La deuxième concerne le groupe incubateur de Montpellier qui se veut un laboratoire pour une « alternance intégrative des enseignants ». Au coeur de ce dispositif les MESA ou mises en situation accompagnées avec une visée centrale : faire analyser, réfléchir et réguler ensemble en croisant les objectifs des formateurs et des stagiaires. Les auteurs dégagent dix principes à partir de ces expériences. Ils soulignent l’importance de la pluridisciplinarité, des recherches inscrites dans un temps long ou encore une recherche réellement collaborative.

En conclusion, Yann Mercier-Brunel se demande : « quelles perspectives pour la formation des enseignants et avec quels formateurs ? ». Etre formateur implique une culture scientifique, mais nécessite aussi une culture de l’accompagnement. L’accompagnement passe par le langage lors de l’entretien professionnel. Or, il est dommage que les formateurs ne constituent pas un corps au sens réglementaire du terme.

Cet ouvrage fait donc le point sur le métier de formateur, en explore de nombreuses pistes qui sont autant d’invitations à continuer à se former pour être plus efficace dans son rôle.

 

Voir aussi la recension de Nicolas Prévost ICI