Le parti pris de Danielle Alexandre est clair : nourrir la réflexion et alimenter la pratique. Ce livre est donc une « palette de propositions » mais sans oublier les fondements théoriques. L’auteure a également  publié « Anthologie des textes clés en pédagogie ». Le présent ouvrage est structuré en huit parties, subdivisées en chapitres. Comme à chaque fois dans cette collection, on trouve un certain nombre d’encadrés et un résumé des principaux points en fin de chapitre. Il contient en outre un système de corrélats pour circuler à l’intérieur du livre.

Pour être sûr que les élèves apprennent

Danielle Alexandre rappelle d’abord que le travail de l’enseignant ne se limite pas à donner des informations, mais son rôle est bien de « créer les conditions pour que chaque élève puisse les transformer en connaissances ». Elle synthétise les apports de plusieurs penseurs de Piaget à Bruner en passant par Vygotski. Elle énonce quelques acquis comme le fait qu’apprendre passe par d’indispensables tâtonnements ou encore qu’on apprend mieux et plus vite grâce à la médiation de tiers. Il faut agir sur les conceptions des élèves, les faire émerger mais cela n’est pas suffisant. On mesure ici l’importance du conflit cognitif, c’est-à-dire ce moment où l’élève se rend compte que ce dont il dispose ne suffit pas à résoudre le problème qui lui est posé. Il faut donc déstabiliser et rééquilibrer. Danielle Alexandre présente le principe de la situation problème et souligne également qu’il faut « faire agir pour apprendre ». Elle précise utilement que l’on confond parfois activité et apprentissage. Elle revient ensuite sur les apports de pédagogues mais aussi sur celui des neurosciences cognitives. Il est indispensable de donner des repères aux élèves sur la manière dont fonctionne leur cerveau. Elle cite fort à propos le propos de Jean-Luc Berthier : «  la science explique et inspire, elle n’impose rien de façon dogmatique ». Danielle Alexandre donne enfin quelques repères sur la classe inversée.

Mobiliser tous les élèves

L’auteure se demande ensuite si on peut « se mobiliser sur ce qui n’a pas de sens ? ». Elle souligne l’importance de tisser le sens des activités. Elle rappelle les apports de Dominique Bucheton sur l’importance des gestes quotidiens de tissage. La compétence de l’enseignant est de concevoir et de distribuer des tâches « qui vont mobiliser les élèves ». Il est indispensable de laisser du temps aux élèves pour échanger, confronter leurs avis. Elle montre aussi combien les projets peuvent être mobilisateurs pour les élèves : cela implique un travail sur la durée, de l’autonomie et, là encore, une mise en équipe. L’auteure plaide également pour la diversité des approches avec les élèves. Elle invite à reconsidérer le format du cours dialogué en précisant que des interventions d’élèves ne sont pas forcément l’indice que le cours a fonctionné. Parmi les possibilités à explorer, notons celle des écrits courts, pratique possible à différents moments d’une séance. Elle donne quelques pistes également pour rendre attrayants des exercices mécaniques. 

Relever le défi de l’hétérogénéité

Avant tout, il faut considérer qu’une certaine hétérogénéité des classes n’est pas pénalisante. Danielle Alexandre explique comment mettre en oeuvre une pédagogie différenciée réaliste au quotidien. Elle donne des conseils et rappelle aussi que chaque enseignant a, consciemment ou pas, tendance à considérer que la méthode qui lui convient le mieux est la meilleure pour les élèves. Pour faire autrement, on peut jouer aussi sur les modalités pratiques : travail autonome, en binôme ou en groupes. Elle consacre un chapitre entier à cet aspect et donne des pistes et invite notamment à ne pas être obnubilé par le bruit : il existe un bruit positif. Il faut constituer des groupes pas trop nombreux et clairement définir les tâches. 

L’approche par compétences

Danielle Alexandre précise d’abord ce qu’on entend par « compétence » en insistant sur le fait qu’il s’agit d’un concept « pas si flou qu’on le dit ». Elle passe en revue les points positifs et négatifs de la compétence. Rappelons-nous qu’il « n’y a de compétence qu’en acte ». Un avantage en tout cas est que cela permet de travailler de façon décloisonnée, ce qui ne signifie pas abolir les disciplines. 

Evaluer pour faire progresser

L’auteure rappelle d’abord qu’aujourd’hui tout se note. Elle précise les différentes formes possibles et l’évaluation formative ne doit pas se contenter de pointer les difficultés . Elle doit inclure des réponses adaptées pour les réduire. Elle cite la formule de  Jean-Pierre Astolfi : « les fonctions d’entraineur et d’arbitre sont trop souvent confondues. C’est toujours celle d’entraineur dont le poids est minoré. » Elle montre ensuite que bien évaluer c’est également une question de posture. Il faut oser ne pas tout corriger dans une copie et renoncer au « pointage exhaustif des erreurs ». L’auteure développe ensuite la question de la scientificité des notes et revient sur les travaux d’André Antibi. Elle présente d’autres façons possibles de faire : sans note, par contrat de confiance. Elle va même plus loin avec l’idée d’élèves évaluateurs. 

Prévenir et réduire les difficultés des élèves 

Philippe Meirieu souligne «  On fait plus de la même chose alors que c’est autre chose qu’il faudrait faire, on se fixe sur le combien pour éviter de s’interroger sur le comment ». Un chapitre est consacré aux stratégies d’aide mobilisables au quotidien dans l’urgence et évoque notamment les gestes d’étayage dans le cours, s’appuyant ici sur les travaux de Dominique Bucheton. Danielle Alexandre revient sur l’importance de la reformulation, y compris réalisée par un élève. Elle revient une deuxième fois sur le statut des erreurs et en distingue les formes, toujours selon les travaux de Jean-Pierre Astolfi. La partie aborde également la technique des entretiens d’explicitation développée par Pierre Vermersch. 

L’écrit et l’oral, points cruciaux des apprentissages

Danielle Alexandre montre qu’il est indispensable de créer des espaces de travail du langage au sein de chaque cours et dans chaque discipline. Elle pointe le fait que, trop souvent, le travail écrit dans les classes est centré uniquement sur la production d’écrits définitifs. L’enseignant doit se positionner comme un accompagnateur dans la production plutôt que d’être uniquement le correcteur. 

Métier professeur : développer des compétences professionnelles 

L’auteure s’appuie sur le triangle pédagogique que constitue le professeur, l’élève et le savoir. Le premier doit créer les conditions de la rencontre entre les deux suivants. Les travaux d’Anne Jorro développent la question de la bonne posture professionnelle et il faut se souvenir qu’il n’existe pas de posture idéale. Au contraire, il faut savoir l’ajuster en fonction du contexte. L’enseignant a parfois le sentiment d’avoir énormément de choses à gérer, idée que Dominique Bucheton traduit par le concept de « multi-agenda ». Elle invite à se poser quelques questions comme : les savoirs ne disparaissent-ils pas au profit du seul pilotage des tâches ou encore quelle est la part des échanges langagiers ? Le livre revient enfin sur la question de l’autorité et invite à se méfier du mythe de l’autorité naturelle. 

L’ouvrage de Danielle Alexandre offre donc de nombreuses pistes et répond parfaitement à ce qu’il annonce, à savoir un lien permanent entre la réflexion et la pratique. Il pourra se révéler utile à tout enseignant désireux de faire le point sur ses pratiques dans le souci de les renouveler.

Jean-Pierre COSTILLE