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ÉDITORIAL par Gérard-François DUMONT
L’IMMIGRATION EN EUROPE AU MILIEU DES ANNÉES 2010 : UNE « CRISE MIGRATOIRE »

L’utilisation du terme de « crise migratoire », à laquelle seraient confrontés les pays européens depuis le milieu des années 2010 est-elle justifiée sur les plans quantitatif et qualitatif ?

Sur le plan quantitatif, il est vrai que des pays de l’Union Européenne ont enregistré un nombre de migrants plus élevé au milieu des années 2010 que les autres années proches. C’est le cas de l’Allemagne qui a reçu 1 544 000 immigrants en 2015 (contre 404 000 en 2010). Mais d’autres pays, l’année 2015 ne montre aucun signe particulier, si ce n’est la poursuite d’une évolution à la hausse.  Sur le plan qualitatif, les facteurs explicatifs ne sont pas nouveau et relèvent surtout d’enjeux géopolitiques. L’existence de flux d’immigration élevés sur une courte période n’est pas rare depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Selon l’auteur, l’utilisation du terme « crise migratoire » démontre plutôt « l’incapacité à comprendre la réalité des dynamiques migratoires et, en conséquence, un refus de déployer les actions géopolitiques qui auraient permis de limiter les drames humains liés à ces flux migratoires ».

 

DOSSIER par Gilles POUPARD
FRANCE : DES FRACTURES TERRITORIALES MAIS UNE DIVERSITÉ DES TERRITOIRES GAGNANTS

Pour l’auteur, le discours opposant une « France des métropoles » dynamique et adaptée à la mondialisation à une « France périphérique » condamnée au déclin est caricatural et décalé par rapport à la complexité et à la diversité du développement des territoires.

Les divergences dans le développement des régions ou des territoires français s’expliquent en partie par les mutations de l’économie depuis la fin des Trente Glorieuses. On observe conjointement trois mouvements d’ampleur : une perte d’emplois dans les métiers de l’agriculture et de la fabrication, un gain dans les métiers de la santé-social et des services de proximité, un gain dans les fonctions dites « métropolitaines ». Ils ont des effets géographiques cumulatifs : les régions et zones d’emplois les plus marquées par les pertes dans l’agriculture et la fabrication sont souvent celles qui ne bénéficient pas des créations d’emploi dans les fonctions en croissance. On peut aussi ajouter l’accessibilité comme facteur explicatif des dynamiques territoriales.

Mutation de l’économie et accessibilité ont engendré des écarts importants et croissants entre les régions. On observe notamment un glissement progressif et continu de l’emploi vers le sud et l’ouest. Depuis 1999, les divergences se sont encore accentuées, soit des créations d’emplois plus vives dans le Sud et des pertes d’emploi plus fréquentes dans les régions septentrionales. Un espace en forme de U, qui longe la façade Atlantique, borde la Méditerranée et remonte vers Lyon, se distingue. « Depuis 1975, ce sont presque toujours les mêmes qui gagnent et toujours les mêmes qui perdent ».

Il est important de souligner que la France des territoires « perdants » n’est pas « périphérique », mais plutôt celle du Nord, de l’Est et du Centre. Par ailleurs, les territoires « gagnants » sont divers, relevant de plusieurs modèles de développement : métropolitain bien sûr (avec un tertiaire qualifié et l’informatique surreprésentés) mais aussi industriel, touristique ou présentiel. Ils ont tous les mêmes points communs : l’attractivité résidentielle (solde migratoire positif) et la forte croissance des cadres des fonctions dites métropolitaines, qui se déroule en effet aussi en dehors des métropoles. Cette diversité des voies du dynamisme rend illusoire la recherche d’un modèle unique de développement qui présenterait des risques d’aggravation des fractures territoriales et des divergences à l’œuvre.

 

DOCUMENT PÉDAGOGIQUE (libre de droits)
FRANCE : LES FONCTIONS DITES « MÉTROPOLITAINES » SE DÉVELOPPENT AUSSI HORS DES MÉTROPOLES

 

EXERCICE PÉDAGOGIQUE par Alexandre DUCHESNE
LA MÉDITERRANEE MÉDIÉVALE : UN THÈME POUR TRAVAILLER L’ANALYSE DE DOCUMENTS

Les phases de travail sur documents sont des moments essentiels pour comprendre la démarche historique au lycée. L’auteur propose une méthode d’analyse de document(s) à utiliser dans le chapitre 2 (la Méditerranée médiévale : espaces d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations) du thème 1 (le Monde méditerranéen : empreintes de l’Antiquité et du Moyen Age).

 

LE POINT SUR…par Franck L’HOSPITALIER
PÉRIURBANISATION : UN PROCESSUS DISCONTINU ET DIVERSIFIE

Depuis les années 1960, la France a enregistré une urbanisation de territoires de morphologie rurale situés au-delà des agglomérations urbaines. Mais, comme le montre les exemples de Cesson et de Vert-Saint-Denis en Seine-et-Marne, ce processus n’est nullement linéaire.

La croissance démographique est alimenté depuis les années 1960-1970 par des flux migratoires essentiellement en provenance de l’agglomération de Paris, donc du centre de Paris ou de sa proche banlieue. A Cesson, cela se traduit par la construction de lotissements pavillonnaires sur un modèle anglo-saxon. Ici comme à Vert-Saint-Denis, le phénomène de périurbanisation s’explique aussi par le développement de l’automobile. Leurs habitants ont fait le choix d’habiter à distance de Paris parce que leurs déplacements sont facilités par l’emploi de la voiture.

Si en 2015, Cesson franchit la barre des 10 000 habitants grâce à la réalisation de plusieurs projets immobiliers, Vert-Saint-Denis ne retrouve pas son nombre d’habitants du recensement de 2019 à cause notamment de la baisse du nombre de personnes par ménage. Se posent malgré tout, dans les 2 communes, les mêmes problématiques : réponse aux besoins d’une population accrue par des infrastructures scolaires, culturelles ou sportives ; gestion des déplacements en augmentation continue ; évolution des gouvernances territoriales (intégration à la CA Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart).

 

ANALYSE par Laurent CHAMONTIN
UKRAINE : ÉVOLUTIONS GÉOPOLITIQUES ET IMBROGLIO TERRITORIAL

L’Ukraine apparaît à la fois comme le théâtre et le « retentissant déclencheur » d’un conflit géopolitique entre « système occidental » et « système russe ». Depuis l’indépendance, ce pays encore en construction est traversé par un contraste net le long d’un axe courant de Kharkiv à Odessa, avec une zone orientale plus industrialisée et russophone et une zone occidentale plus « pro-européenne ».

Après une longue période de latence, la révolution orange de 2004 et la révolution Euromaïdan de 2013-2014 ont confirmé la contestation d’un système politique fortement influencé par l’héritage impérial et soviétique. Mais cette volonté de Kiev de se tourner vers une Union Européenne perçue comme plus attractive par la population constitue une perte de face intolérable pour le Kremlin en plein discours de l’aura impériale. La Russie met donc l’Ukraine sous pression militaire (annexion de la Crimée, présence non officielle au Donbass) mais aussi économique (transport du gaz).

Mais cinq ans après la surprise stratégique de l’annexion de la Crimée (2014), l’Etat ukrainien est toujours debout, son armée a été remise sur pied, et les indices d’une progression de l’unité nationale en contrecoup de l’offensive russe sont tout à fait significatifs. Un Accord d’Association a été signé avec l’Union Européenne en 2015. Les réformes progressent et dans la sphère civile, les défis de la modernisation concernent tous les domaines.