« Population & Avenir, revue indépendante alliant rigueur et pédagogie, vous présente une analyse originale des enjeux actuels. Vous y trouverez une source d’informations, de réflexions et d’argumentaires amplement illustrés par des cartes, des graphiques, des tableaux, des schémas… »
Éditorial par Gérard-François Dumont
Les jeux olympiques de Paris et l’aménagement du territoire
Toute ville qui accueille les Jeux olympiques réalise des aménagements de son territoire. Cela peut-il bénéficier non seulement à cette ville ou également aux territoires du pays dans son ensemble ?
Le grand bénéficiaire des Jeux a été Paris et son aire urbaine, non seulement pour les dépenses des millions de visiteurs, mais aussi du fait des multiples chantiers réalisées. Des opérations d’aménagement se sont multipliées : infrastructures sportives, d’hébergement, ainsi que celles liées aux mobilités. Les héritiers de ces aménagements sont essentiellement les Franciliens, mais guère les Français vivant hors de la région capitale. Dans une France dont la centralisation s’est accentuée ces dernières décennies, les Jeux olympiques et paralympiques ne peuvent être considérés comme ayant constitué un atout pour une politique nationale d’aménagement du territoire.
Dossier par Gwénaël DORÉ et Gérard-François DUMONT
France : de la désindustrialisation à la réindustrialisation ? Quelle nouvelle géographie industrielle ?
Le phénomène de désindustrialisation a été particulièrement intense en France. Mais quelle a été son ampleur ? Quelle a été sa géographie ? Et quels sont les enjeux d’une souhaitable réindustrialisation ?
En 1973, l’industrie employait en France, comme salariés ou non-salariés, près de 6 millions de personnes. Depuis, la baisse a été presque continuelle. Elle a été accentuée après la crise économique de 2008, et le nombre d’emplois industriels s’est retrouvé à 3,3 millions en 2022. En un demi-siècle, dans une période de croissance de la population active, la France a donc perdu près de la moitié de ses emplois industriels. La part de l’emploi industriel dans le total des emplois s’est donc effondrée. Mesurée en considérant la tranche d’âge 25-54 ans pour harmoniser la série statistique, la chute est spectaculaire : en 1975, 29,2 % des emplois relèvent du secteur industriel, 18,7 % à la fin du XXème siècle et 12,3 % au début des années 2020. La part de l’industrie dans le PIB de la France s’est aussi abaissée en dépit de la hausse de la productivité : alors quelle atteignait en France 23 % en 1970, elle n’en représente plus en 2022 que 10%.
Cette désindustrialisation est l’un des éléments explicatifs essentiels du déficit structurel de la balance commerciale qui s’est installé à partir des années 2000. Mais, elle ne s’est pas produite au hasard. Après la période gaullo-pompidolienne des années 1960-1970 des grands projets industriels, nombre d’élites françaises ont considéré que le déclin de l’industrie était inévitable. La désindustrialisation résulte donc d’un double choix de substituer les services à l’industrie et d’abandonner la production industrielle aux pays à bas salaires tout en escomptant conserver sur les territoires français les activités de conception et d’innovation.
Le processus d’externalisation a aussi engendré le passage d’emplois de la catégorie « industrie » à la catégorie « service ». Un autre facteur tient aux gains de productivité grâce à la mécanisation, à l’automatisation ou à une meilleure organisation de la production. Troisième facteur, la production industrielle transférée de France à l’étranger, ce qu’on a appelé des délocalisations. Mais le facteur premier des pertes d’emplois industriels a été dû à des fermetures d’établissement ayant perdu toute rentabilité et n’étant donc plus compétitifs. Il en est résulté de la désindustrialisation de la France une nouvelle géographie des emplois.
Auparavant, pendant l’ère industrielle, la géographie industrielle de la France métropolitaine était duale : une diagonale Le Havre / Marseille séparait une moitié nord-est où se trouvaient la très grande majorité des emplois industriels et une moitié sud-ouest très maigre en emplois industriels. Avec la désindustrialisation, cette carte duale a disparu. Trois grands types de bassins de vie industriels peuvent être distingués. Les bassins ex-industriels sont le plus souvent situés dans la moitié nord-est de la France, même si un certain nombre est situé dans le centre de la France. Les bassins tradi-industriels, également dans la moitié nord-est de la France, ont vu leur part d’emplois dans l’industrie baisser, mais seulement à environ 40% et elle demeure donc importante. Leurs entreprises industrielles ont su adapter leur méthode de production ou leur type de production pour conserver de la rentabilité. Parfois, certains bassins ont su attirer d’autres types d’entreprises industrielles pour compenser des partes d’emploi dans ce secteur. Les bassins néo-industriels ont su s’adapter aux évolutions de la compétitivité et de nouvelles entreprises industrielles ont été créées, ce qui a permis de maintenir la part de l’emploi industriel, voire parfois de l’augmenter. Ils se situent plutôt dans la moitié sud-ouest de la France métropolitaine.
La crise économique de 2008, puis la pandémie Covid-19 (2020-2021) ont joué un rôle de révélateur, montrant une France n’étant plus capable de fabriquer des produits essentiels. En lien avec les besoins nés de la transition écologique, de la numérisation et des besoins pharmaceutiques, des ouvertures d’établissements industriels sont nécessaires, possibles, en cours, voire récemment réalisés. Or, réussir à développer de l’emploi industriel suppose de surmonter de nombreux enjeux. Un premier tient aux coûts de production. La réindustrialisation suppose aussi des politiques publiques favorisant une bonne image de l’industrie auprès des jeunes, des formations initiales et continues aux métiers de l’industrie. Créer des établissements industriels nécessite par ailleurs des emprises foncières, ce qui peut être en contradiction avec la loi sur le zéro artificialisation nette. Toutefois, de nouvelles perspectives, comme l’économie circulaire, apparaissent quant à l’émergence de modèles de développement productif alternatif. La réindustrialisation doit donc répondre à la fois à la nécessité de créer des richesses, donc des emplois, autant qu’aux enjeux de souveraineté et d’environnement.
Document pédagogique (libre de droits)
La nouvelle géographie de l’emploi industriel en France
Exercice pédagogique par Alexandre DUCHESNE
Métropole et colonies : la Nouvelle-Calédonie
Cette proposition s’insère dans le thème 3 du programme de Première générale intitulé « La troisième République avant 1914 ».
En introduction, les élèves partent de publications liées à l’actualité en Nouvelle-Calédonie pour repérer les débats actuels et les principaux acteurs. Ensuite, dans une perspective historique, ils étudient plusieurs documents sur la conquête et la mise en valeur de d’île puis la naissance d’une société coloniale calédonienne entre 1853 et 1914. La conclusion insiste sur le fait que les débats actuels sur le corps électoral calédonien sont le reflet de l’héritage colonial.
Analyse par Konstantinos N.Zafeiris
Corse : des littoraux aux flux de mobilité intense
Pendant longtemps, le peuplement et les activités économiques de la Corse étaient dispersés à l’intérieur des terres. Ce n’est que dans les années 1960 que la population des communes littorales devient plus élevée que celle des communes de l’intérieur.
Le tourisme, devenu une activité majeur pour l’économie corse, a débuté très modestement au milieu du XIXème siècle. Le départ d’un véritable tourisme s’effectue sous le Second Empire, et, en 1968, Ajaccio est déclarée officiellement station hivernale. Après la 2nde Guerre Mondiale, un tourisme plus large, désormais surtout estival, s’est progressivement installé avec le déplacement des campings puis des villages de vacances familiales. Aujourd’hui encore, en dépit des richesses naturelles et patrimoniales de l’intérieur, le tourisme privilégie les littoraux : sur un ensemble d’environ 10 millions de nuitées touristiques annuelles, près de 8 sont comptabilisées sur les littoraux. Les deux-tiers des hôtels et les trois-quarts des campings sont sur le littoral. De même, ces dernières décennies, la plupart des résidences secondaires construites l’ont été dans des communes littorales.
Ce développement du tourisme n’a été possible que par l’essor de l’offre de transport entre la Corse et le continent. Les mouvements de passagers pour l’année 2023, se sont élevés à près de 3,8 millions pour les flux maritimes sur lignes régulières et à 4,3 millions pour les flux aériens, soit au total plus de 8 millions de passages annuels auxquels s’ajoute un trafic maritime hors lignes régulières. La Corse dispose aussi de 6 ports principaux. Les 3 aéroports littoraux, Bastia, Ajaccio et Calvi, ont été créés au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale sur des pistes aménagées par les Américains et progressivement améliorés. L’aéroport d’Ajaccio-Napoléon Bonaparte est le premier pour le trafic de passagers avec 1,6million de passages pour l’année 2023.
Les activités littorales tiennent aussi à l’existence de ports non commerciaux associés à une activité professionnelle, la pêche, ou aux loisirs. La filière pêche compte environ 310 emplois directs, avec une production annuelle d’environ 1 200 tonnes en moyenne. Quant aux ports de plaisance, ils accueillent majoritairement des bateaux appartenant à des touristes qui ont choisi la Corse pour y pratiquer le nautisme.
Les littoraux corses ont pris une grande importance dans la vie économique et dans le peuplement de la Corse avec l’essor du tourisme et le développement des deux villes principales où se concentrent les activités tertiaires, Ajaccio et Bastia. Une politique mieux équilibrée pourrait rechercher un allongement de la saison touristique en associant littoral et intérieur tout en maintenant une grande rigueur dans le respect de l’environnement.
Le point sur… par John F. MAY et Jack A. GOLDSTONE
États-Unis : Quelle prospective démographique ? Un dépeuplement possible à moyen terme ?
Aux États-Unis, depuis la fin des années 1990, la fécondité s’est avérée plus élevée que celle du reste du monde occidental et l’immigration soutenue. Mais cet « exceptionnalisme démographique américain » n’est-il pas révolu ?
Au cours des quatre dernières décennies, les conditions démographiques plus favorables aux Etats-Unis tiennent d’abord au fait que les indicateurs de mortalité états-uniens, notamment le taux de mortalité infantile et l’espérance de vie à la naissance pour les deux sexes, étaient dans l’ensemble légèrement meilleurs que la moyenne des pays de l’OCDE. Deuxièmement, les Etats-Unis ont bénéficié de niveaux de fécondité relativement élevés, en particulier par rapport à l’Europe occidentale. A partir de 1978, l’indice de fécondité a augmenté et est resté supérieur à 2,0 enfants par femme pendant 20 ans, de 1989 à 2009. Troisièmement, au cours de cette période, les Etats-Unis ont élégamment bénéficié d’importants flux annuels d’immigration, ce qui a renforcé leur dynamisme démographique. Depuis, la donne a changé. Les conditions de mortalité aux Etats-Unis se sont plutôt détériorées depuis 2020.
Depuis 2008, le nombre annuel de naissances et l’indice de fécondité générale ont diminué de manière significative. L’une des raisons est que la crise économique de 2008 s’est accompagnée d’une forte baisse de la fécondité au sein de la communauté hispanique des Etats-Unis. Quand à l’immigration aux Etats-Unis, elle a également diminué. Ce phénomène est du aux politiques restrictives en matière d’immigration adoptées par l’administration Trump (2017-2020), bien que la pandémie de Covid-19 de 2020 ait également joué un rôle.
Lors du dernier recensement, organisé le 1er avril 2020, les Etats-Unis comptaient 331 449 281 habitants. A la mi-2023, la population des Etats-Unis était estimée à 335 millions d’habitants. Les Etats-Unis sont donc le 3ème pays le plus peuplé du monde, derrière l’Inde et la Chine, et devant l’Indonésie. Selon la variante moyenne des projections démographiques des Nations Unies, les Etats-Unis pourraient atteindre 375,4 millions d’habitants à la mi-2050 et 394 millions d’habitants à la mi-2100.
Toutefois, des projections démographiques plus récentes publiées par le Bureau du recensement des Etats-Unis fournissent des résultats nettement plus bas de la future population des Etats-Unis. Le scénario « principal » projette que la population états-unienne atteindrait un pic à 366 millions d’habitants à la fin du XXIème siècle. Le scénario à « forte immigration » signifierait une augmentation de la population chaque année jusqu’à 435 millions d’habitants en 2100. Le scénario à « faible immigration » projette une population états-unienne connaissant un pic à 346 millions d’habitants en 2043, puis un dépeuplement à 319 millions en 2100. Enfin, le scénario à « immigration zéro », qui suppose l’absence totale d’immigration de personnes nées à l’étranger, projette un déclin de la population qui commence dès 2024 et s’accélère ensuite. Dans ce scénario hypothétique, la population devrait s’abaisser à 226 millions en 2100, soit environ 107 millions de moins que la population états-unienne estimée pour 2022. Dans tous ces scénarios, à l’exception du scénario à forte immigration, la population états-unienne connaît une période de dépeuplement au cours du XXIème siècle.
Conjugué à un vieillissement accéléré de la population, ces tendances démographiques pourraient aboutir à une pénurie de main-d’œuvre et auront un impact sur le dynamisme de l’économique américaine, l’avenir géopolitique des Etats-Unis et même ma place du pays dans le monde. Des politiques seront certainement souhaitables pour améliorer les conditions de mortalité et et des politiques pro-natalistes devraient être mises en œuvre. Mais les politiques d’immigration se révèleront cruciales. L’immigration est effectivement d’une importance cruciale dans la détermination de la trajectoire démographique future des Etats-Unis. Il apparaît que l’augmentation des niveaux d’immigration aux Etats-Unis pourrait être le levier politique essentiel si les Etats-Unis ne souhaitent pas, au cours du XXIème siècle, connaître une période de dépeuplement.