Dans sa préface, Antoine DÉRY (directeur général adjoint de la Commission des Laurentides) insiste sur les apports des données probantes en éducation. Les recherches, correctement évaluées, nous permettent aujourd’hui de lister correctement les facteurs favorisant la réussite des élèves et de proposer les actions pour être plus efficace. C’est le cas pour la transmission des savoirs (pour instruire) comme pour la gestion des comportements (pour éduquer). Le Soutien au Comportement Positif en est un exemple. Il s’agit d’une approche davantage proactive que réactive qui met en avant la prévention, ce qui s’apparente à un véritable changement de paradigme (l’évolution du comportement des adultes doit être à l’origine de l’évolution du comportement des élèves). Mais l’implantation de ce type de programme demande de la rigueur pour garantir son efficacité.

C’est ce que développent les trois auteurs de cet ouvrage. Steve BISSONNETTE est professeur au Département d’éducation de la TÉLUQ. Il est connu pour son engagement dans le développement de l’enseignement explicite. Clermont GAUTHIER est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’université Laval. Mireille CASTONGUAY est enseignante de formation et a rédigé une thèse sur les liens entre les recherches sur l’efficacité de l’enseignement et les contenus des programmes de formation à l’enseignement. Dans six chapitres, ils présentent ainsi les pratiques et les stratégies éducatives efficaces pour prévenir mais aussi gérer les écarts de conduite mais surtout pour créer un environnement sécuritaire, ordonné, prévisible et positif favorisant l’apprentissage à la fois à l’échelle de la classe et d’un établissement scolaire.

L’introduction constitue l’occasion « d’expliciter » l’enseignement explicite. Le rôle de l’enseignant est de dire, de montrer et de guider. Dans cette perspective, il peut diviser le contenu de son enseignement en 3 étapes « séquencées et fortement intégrées » : la préparation et la planification (P) – l’enseignement, c’est-à-dire l’interaction avec les élèves (I) – le suivi et la consolidation (C). Dans le cadre de l’enseignement explicite des comportements, la préparation consiste à anticiper les éléments importants de la gestion de classe, la période d’interaction qui vise à transmette les règles de vie de classe s’étale à peu près sur les 3 premières semaines  et la consolidation se poursuit sur le reste de l’année. L’ensemble des stratégies utilisables dans ces différents moments est rassemblé dans les 2 premiers chapitres, davantage théoriques, et les 4 chapitres suivants, plus pratiques.

 

Chapitre 1 : La pédagogie d’hier à aujourd’hui et le souci de l’ordre pour enseigner

La forme scolaire actuelle constituée d’un maître et d’écoliers ensemble dans le même espace date du XVIème siècle. Très vite, des manuels de pédagogie rassemblant les savoirs et savoir-faire pour aider à bien faire la classe, apparaissent. Face à cette déjà massification au XVIIIe siècle, la question de l’ordre devient prégnante. Seule, la maîtrise du contenu par le maître ne suffit plus. Il faut contrôler les savoirs, mais aussi l’enfant, le groupe et l’espace. Par exemple, le manuel de Bally (1819) contient de multiples consignes sur l’administration des récompenses et les sanctions comme des détails sur le matériel, le mobilier, l’emploi du temps,… L’élimination du désordre, « source de péché », est donc un héritage pédagogique de cette période. Toutefois, la pédagogie contemporaine doit faire face à la complexification du métier d’enseignant, devenu « impossible » (PERRENOUD, 1993 et BUCHETON plus récemment) ? Il est dorénavant nécessaire de répondre aux demandes individuelles, toujours dans un collectif, et d’obtenir la collaboration des élèves par la persuasion, afin de garantir une réelle motivation. Le postulat fondamental est devenu « l’éducabilité des élèves » (MEIRIEU, 1991).

 

Chapitre 2 : L’évolution des recherches sur la gestion de classe

Les auteurs proposent tout d’abord une étude des Éléments de pédagogie pratique à l’usage des Frères des écoles chrétiennes de 1901. Y sont rappelés plusieurs notions : autorité morale du maître, les règles, l’émulation par la récompense des efforts (notes), la surveillance. Les punitions sont évoquées. Elles doivent être rares, justes, courtes, sérieuses et non afflictives. Il en existe 3 grand types : la réprimande, la réparation et l’expiation. Au même moment, on trouve également de nombreux livres qui portent sur la gestion de classe dans le milieu anglo-saxon. BAGLEY spécifie notamment que c’est par l’apprentissage que l’enfant pourra inhiber ses instincts et que la punition ne peut être utilisée qu’en dernier recours en cas d’échec des autres stratégies. De nouvelles études apparaissent, notamment aux Etats-Unis, dans les années 1970. Elles démontrent que les enseignants efficaces dans la gestion de classe font tout pour prévenir les problèmes avant qu’ils n’émergent. Le rythme, la captation de l’attention et l’importance du contexte, de l’environnement de travail apparaissent comme des leviers. Les perspectives béhavioristes insistent par ailleurs sur la supériorité du renforcement positif sur la modification des comportements des élèves. Il semble donc important d’établir les règles de conduites attendues, de les communiquer clairement tout en informant sur les conséquences des manquements. On peut toutefois regretter que les jeunes enseignants n’ont pas toujours accès à ces avancées scientifiques lors de leur formation initiale.

 

Chapitre 3 : Les interventions préventives

Les enseignants les plus efficaces effectuent plus d’interventions préventives. On peut en distinguer 5. L’établissement de relations positives avec les élèves est la première. Il s’agit de les convaincre de leur possible réussite par des rétroactions positives lors de la réalisation des tâches scolaires. Elles permettent de développer un sentiment de compétence chez l’élève et de le faire passer d’un état d’esprit fixe à un état d’esprit dynamique. On peut la résumer par la formule Réussite = Efforts x Stratégies (R + x S). Constamment, par l’écoute et l’empathie, la balance doit toujours pencher du côté des feed-backs positifs. Aussi, la classe doit être un lieu de climat positif, où il fait bon vivre. Les comportements sont des objets d’enseignement, clairement explicités. Une punition n’enseigne pas les comportements appropriés. La mise en place de routines vise à limiter le sentiment d’insécurité. Par le regard et la circulation, les élèves doivent également se sentir constamment sous la supervision de l’enseignant. De même, l’utilisation d’un système de renforcement des comportements positifs peut être mis en place. Il peut s’agir de renforcement sociaux (à l’oral par exemple) et/ou tangibles (matériels). L’organisation de la classe doit faciliter la supervision des élèves avec pour objectif constant de maximiser le temps d’enseignement et d’apprentissage des élèves en organisant ce « territoire » qu’est la classe. Enfin, il faut utiliser l’enseignement explicite pour favoriser la réussite du plus grand nombre.

 

Chapitre 4 : Les interventions correctives

Il est d’abord important de graduer les sanctions en distinguant les écarts de conduite mineurs et majeurs. Dans le premier cas, une intervention indirecte (un regard) ou directe (verbale) brève, individuelle et claire peut suffire. On peut aussi « réenseigner » les comportements attendus, donner un choix entre le bon et le mauvais comportement avant de donner une punition qui sera en lien avec le comportement. Pour les écarts majeurs, il faut essayer d’accumuler des données sur le comportement de l’élève qui peut être dû au contexte personnel et/ou scolaire. Il faut se questionner sur la fonction du comportement, identifier les raisons. Une partie de la sanction pourra alors être internalisée et/ou externalisée vers des professionnels aux compétences plus spécialisées.

 

Chapitre 5 :  La gestion efficace des comportements à l’école : le soutien au comportement positif

A l’échelle de l’école, un Soutien au Comportement Positif peut être organisé. Ce changement de paradigme, d’un mode punitif, coercitif à un mode préventif, proactif, demande d’abord l’adhésion du plus grand nombre (au moins 80% des personnels de l’établissement). Son pilotage doit être assuré par un Comité qui supervisera le vote de valeurs communes, l’élaboration d’une matrice comportementale, la création de supports visuels en lien avec un enseignement explicite des comportement et la mise en place d’un système de renforcement. La question de la formation des personnels est aussi décisive. Une fois la classification des comportements attendus réalisée, un arbre décisionnel (résumant « qui gère quoi ? ») doit aboutir à une harmonisation des interventions dans l’établissement. L’objectif est de gagner en cohérence et en efficacité. Enfin, un véritable travail de compilation des données doit permettre d’organiser une prévention selon le modèle de Réponse à l’Intervention (RàI) comportementale de la prévention universelle à la prévention individuelle pour répondre au plus près aux besoins des élèves. Selon une étude réalisée dans 11 écoles québécoises ayant suivis les préconisations du SCP, la taille d’effet est sortie à -0,62 soit une baisse 39% des écarts de conduites majeurs. [Une expérimentation est en cours dans des collèges de Bourgogne-Franche-Comté].

 

Chapitre 6 : Les attitudes professionnelles à privilégier en gestion des comportements d’hier à aujourd’hui

Pour aborder les attitudes professionnelles, les auteurs ont choisi de comparer dans ce dernier chapitre les 12 vertus d’un bon enseignant selon le frère Agathon (1834) et les caractéristiques des attitudes professionnelles d’Haberman (2011). Les « enseignants étoiles »  qui « poussent les élèves à devenir des apprenants à long terme » se distingueraient des autres dans les domaines suivants : le milieu scolaire (par leur résilience face aux demandes de la bureaucratie), les élèves (par leur capacité d’adaptation), l’enseignement (par une approche préoccupée par l’éducation des enfants et des attentes élevés pour les apprentissages), les relations avec les élèves (basées sur l’attention à leurs besoins et la motivation), la gestion des défis quotidiens (par leur capacité à se remettre en question et d’être honnête avec eux-mêmes et avec leurs élèves), la réussite à l’école (en valorisant l’effort, le respect et l’engagement).

 

Comme le souligne OLIVER (2011), « un nombre considérable d’études attestent que les compétences en matière d’organisation de la classe et de gestion de comportement ont une forte incidence sur la capacité des nouveaux enseignants à persévérer dans leur carrière ». Il semble donc indispensable de mettre cet ouvrage dans leurs mains, ainsi que  dans celles de tout enseignant souhaitant, à l’échelle de sa classe où de celle de son établissement, ajuster ses attitudes et postures professionnelles face à la prise en compte de plus en plus complexe que ce soit du collectif que de l’individuel. Ils pourront alors s’initier à l’enseignement explicite des comportements, validé par des données probantes, ainsi que l’enseignement explicite des contenus.

On pourra utilement compléter cet ouvrage par Enseignement explicite : pratiques et stratégies – Quand l’enseignant fait la différence. Partant des mêmes postulats, il offre des exemples concrets de mise en œuvre de l’enseignement explicite en précisant par exemple les types de rétroactions. Un focus supplémentaire permet également un approfondissement des gestes professionnels adaptés.