Quand il était petit, Claude Bataillon voulait être ethnologue. Comme son papa n’était pas assez riche pour lui offrir les voyages et les séjours qui font le propre de ce métier, il est devenu géographe ! Spécialiste du Sahara et de l’Amérique Latine, il se livre aujourd’hui, dans la veine de la mode biographique, à une étude de la communauté des géographes de sa génération. Il étudie cet ensemble comme une tribu. Dans les années 1970, Claude Bataillon avait engagé un travail similaire à celui présenté aujourd’hui autour des personnes de Dresch, George, Birot et Monbeig sans que l’ensemble ne soit publié. L’exercice biographique avait été concluant, en revanche, cela n’avait pas été le cas de leur retour sur expérience et le fait de porter un regard critique sur le système. Aujourd’hui, Bataillon a choisi six « spécimens » pour cette étude, sept si on compte Bataillon, lui-même, dont il est aussi beaucoup question. Au-delà d’être géographes, ils ont la particularité d’être nés dans les années 1930 et d’avoir marqué l’histoire de la géographie par la portée de leurs travaux. C’est ainsi que Paul Claval, Olivier Dollfuss, François Durand-Dastès, Armand Frémont et Fernand Verger sont étudiés à la loupe.

Après une présentation générale de la conjoncture institutionnelle et scientifique des années 1960-1970 en introduction, se trouve une première partie, intitulée Récit, qui se compose d’une trame narrative racontant la vie de chacune de nos vedettes. C’est ainsi que l’on retiendra qu’au-delà d’avoir usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’Institut de géo comme les autres protagonistes parisiens que sont Durand-Dastès, Dollfus et Verger, Claude Bataillon a en commun, avec tous, d’avoir connu deux crises qui ont fortement marqué leur carrière (la guerre d’Algérie et mai 1968) avant de participer à l’édification de la revue : L’Espace Géographique. Cette partie Récit fait revivre ces géographes nés dans les années 30. La langue de bois n’est pas de mise. Il n’hésite pas à écorner au passage, la réputation de profs de fac, responsables d’un ennui manifeste.

La seconde partie de l’ouvrage est à la fois composée d’autobiographies (à l’exception du chapitre consacré à Olivier Dollfuss, décédé en 2005) et d’un best off de leurs écrits (extraits de textes reproduits), fort utiles pour les candidats à l’épreuve sur dossier du capes, au moins dans sa version actuelle. C’est une belle initiative d’avoir fait choisir par leur auteur des extraits et de les reproduire. L’ensemble constitue une sorte de Reader Digest de la géographie.

L’ouvrage se clôt d’un index fort utile qui présente en quelques lignes des mots clés mais aussi de courtes biographies de personnes citées dans l’ouvrage au fil du récit : Bastié, Beaujeu-Garnier, Bertrand, Birot, Blanchard, pour ne citer que ceux présents à la lettre B.
On a donc, au final, un ouvrage qui mérite le détour et qui vient compléter le Comment je suis devenu géographe, paru au Cavalier Bleu en 2006.

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes.

Pour lire un autre compte-rendu sur cet ouvrage : http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3345