Le livre comprend également quelques pistes bibliographiques, un cahier central illustré. Le ton du livre ne s’apparente pas à un ouvrage universitaire, comme en témoigne l’insertion d’échanges avec des protagonistes du maïs. Ainsi elle avoue que c’est un échange avec Pierre Blanc, président du syndicat des producteurs de semences du Quercy, qui fut le déclencheur de ce livre.
Cette déclaration d’amour, que l’on aurait aimé parfois nuancée de quelques réserves (le maïs n’est-il qu’exceptionnel ?), s’adresse donc à la première céréale mondiale aussi abondante que le blé et le riz réunis.
Un constat de départ : le maïs est mal aimé
Sylvie Brunel cherche à analyser les raisons de ce désamour ; elles sont nombreuses et de nature très variée. Le maïs, comme d’autres plantes, est associée à une civilisation en l’occurrence basée en Amérique latine. Or, il se trouve que cette civilisation a en grande partie disparu. Le maïs a donc dû se trouver d’autres lieux d’adoption, et à ce titre il est vu comme une céréale étrangère, et donc suspecte. L’argument se comprend même si ce lien entre l’étranger et la peur apparaît un peu trop systématiquement affirmé. Elle poursuit ensuite en montrant que le maïs a été associé aux Etats-Unis, le grand puissant que l’on adore détester, mais également et de façon trop rapide aux OGM. Il n’en fallait pas plus pour que son pedigree apparaisse particulièrement chargé ! Ajoutons enfin quelques faits divers mal compris qui ont fini de condamner le maïs.
Maïsanto
Sylvie Brunel traite aussi plus particulièrement de la question des OGM. Elle l’historicise d’abord en rappelant que le maïs n’a jamais cessé d’être sélectionné. Elle rappelle aussi que plus rien de ce que nous mangeons n’est naturel. De plus, aujourd’hui, le bétail européen est en partie nourri par du soja et du maïs transgéniques venus de l’autre coté de l’Atlantique. Sylvie Brunel reprend donc le dossier et choisit d’isoler cinq éléments qui condamnent le maïs aux gémonies : toxicité, dissémination, résistance, transgression des lois de la nature et dépendance envers les brevets. L’examen de ces critiques est rapide même si l’essentiel est dit.
Un maïs à tout faire pourtant !
Pour l’auteur, une telle charge contre le maïs apparaît particulièrement injuste tant la plante rend des services. Elle sert à nourrir les hommes et les animaux. Elle cite l’exemple de Fatoumata en Afrique car le maïs a conquis le Bénin. Il accepte les mauvais sols, produit beaucoup et pousse plus vite. Alors certes, il a fallu modifier quelques habitudes alimentaires.
Elle est également prolifique : 10 % des terres et moitié des céréales mondiales. Elle est aussi utile dans la chimie verte, pour les fabricants de peinture. En plus, elle absorbe le CO2 et ainsi 10 hectares de maïs captent l’équivalent en CO2 d’une journée de circulation dans Paris.
Maïs et mondialisation
Le maïs est donc un bon exemple de la mondialisation et, comme évoqué auparavant, il représente aussi les peurs qui s’expriment à son encontre. C’est pourtant une plante qui fait preuve d’une grande adaptabilité. Sylvie Brunel en profite aussi pour remettre le maïs en perspective avec la question du développement durable. Elle revient sur le fait qu’on déplore aujourd’hui la colonisation de l’Europe par certaines espèces venues du Pacifique, or la biodiversité d’aujourd’hui a été profondément bouleversée par les plantes du nouveau monde ! Bref, le développement durable aurait fait beaucoup de mal si on l’avait appliqué au XVIe siècle et donc au maïs.
Des personnalités autour du maïs
Le livre de Sylvie Brunel entend aussi restituer sa place à l’homme. A ce titre elle évoque deux personnalités. Tout d’abord, Wallace qui faillit être président des Etats-Unis en 1945 et on peut imaginer un monde différent s’il s’était trouvé alors à la tête du pays. En effet, il fut vice président de Roosevelt en 1940 mais ses idées progressistes lui valurent d’être écarté au profit du chemisier du Texas Harry Truman. Wallace était un homme du maïs, on lui doit en grande partie la corn belt et il voyait aussi l’alimentation comme devant faire l’objet de transfert de technologies pour aider les jeunes nations à se développer ! Il est donc un pionnier de l’agrobusiness américain. Sylvie Brunel revient aussi sur le fait que le célèbre New Deal de Roosevelt comportait une importante dimension agricole due à Wallace.
L’auteur pointe également le projecteur vers le français Bidau qu’elle compare d’ailleurs à Henri Wallace. Cet apôtre du maïs disait d’ailleurs « méfions-nous d’être en retard d’une idée et en avance d’une crainte « .
L’eau : vrai ou faux problème ?
L’auteure choisit d’y consacrer tout un chapitre tant l’argument semble imparable et rapidement mis en avant par les détracteurs du maïs. C’est une culture de printemps et donc, contrairement au blé par exemple, elle pousse durant l’été ce qui le rend très visible du public. L’irrigation concerne le quart des superficies de maïs il n’y a donc rien de systématique ! La géographe insiste ensuite sur le fait que la France est loin de manquer d’ eau et plaide pour une approche où on ne mette pas dans le même sac des agriculteurs qui produisent pour vivre, et nous faire vivre, avec des populations obsédées par leur piscine. L’auteure aborde la question de l’efficience de l’eau, c’est-à-dire la quantité nécessaire pour fournir un kilo de matière sèche. Le maïs s’en tire très bien car avec 100 millimètres d eau on obtient 800 kilos de tournesol, 2 tonnes de blé et 3 tonnes de maïs. Enfin, elle imagine les conséquences si l’irrigation n’existait pas. Dans ce cas, pour avoir la même production qu’aujourd’hui il faudrait 600 000 hectares de terres supplémentaires à lui consacrer, ce qui peut paraitre paradoxal et difficile à tenir au moment où on se lamente sur l’extension du périurbain sur les terres agricoles.
Au total Sylvie Brunel propose dans ce livre une approche par un produit que l’on pourra utiliser en cours, notamment lorsque l’on parle de la mondialisation ou encore pour la question sur nourrir les hommes. Chant d’amour pour le maïs, elle en propose ici une approche originale et humaine.
© Jean-Pierre Costille Clionautes