Développement, Suds : voici des termes très utilisés en géographie mais qui nécessitent sans cesse d’être réexaminés et actualisés. C’est à cet exercice que se livrent Jean-Louis Chaléard, spécialiste de l’Afrique, et Thierry Sanjuan, spécialiste de la Chine. Signalé sur Eduscol récemment, ce livre constitue un ouvrage de synthèse essentiel pour tout professeur d’histoire-géographie. Il est structuré en quatre parties et est agrémenté de nombreuses cartes, de repères historiques sur le développement, d’une sitographie bibliographie, d’une liste des acronymes utilisés ainsi que d’un index des toponymes dans les pays du Sud.

Héritages et cadre du développement

La question du développement nécessite obligatoirement une approche avec de la profondeur historique, en remontant par exemple aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Le chapitre 1 se charge donc de cette explication de texte en rappelant les différentes acceptions du mot « développement » ainsi que leur charge idéologique. Il est à noter qu’en 2016 la Banque mondiale a abandonné l’expression « pays en développement » en raison de la diversité des situations. On retrouve par ailleurs les informations de base à connaitre comme le fait que la catégorie PMA regroupe actuellement 48 pays, aux trois quarts africains. Une fois les mots décryptés, les auteurs reviennent sur les voies de développement utilisées, rappelant la grande scansion entre d’abord des politiques interventionnistes au lendemain des indépendances puis, depuis une trentaine d’années, des politiques plutôt libérales. On trouvera des encadrés très synthétiques sur le développement en Côte d’Ivoire, longtemps considéré comme un modèle, ou alors le cas de Taïwan. Le chapitre suivant revient plus spécifiquement sur la mise en question de l’Etat avec, en parallèle, l’importance grandissante des acteurs non gouvernementaux. Le dernier chapitre de la partie se focalise sur la transition démographique qui est le principal défi de ces pays. Plusieurs chiffres permettent de prendre conscience à la fois de sa réalité et de sa diversité.

La mondialisation des Suds

Cette deuxième partie est consacrée aux dynamiques à l’œuvre dans le cadre de la mondialisation. Jean-Louis Chaléard et Thierry Sanjuan relèvent la multitude des processus de mondialisation à l’œuvre après avoir précisé les différences entre « globalisation » et « mondialisation ». Cette partie permet d’actualiser les connaissances en soulignant l’insertion des Suds dans le commerce international. La part des pays en développement est passée de 33 à 48 % du commerce international entre 2000 et 2012. Il faut aussi noter que le commerce Sud-Sud est passé de 8 % du commerce mondial en 1990 à 25 % actuellement. Le fait le plus visible, ce sont les mobilités internationales mais il faut prendre le temps d’examiner la réalité des chiffres : il y avait 152 millions de migrants internationaux en 1990 et 243 millions aujourd’hui. Pourtant, en pourcentage, ce chiffre ne représente que 3,3 % de la population mondiale, soit légèrement moins que les flux qui existaient à la fin du XIXème siècle. De plus, si les migrations Sud-Nord représentent 33,3 % du total, celles qui sont Sud-Sud totalisent 32,8%. Pour continuer, il faut aussi souligner quel est le profil type du migrant : diversification et qualification sont les deux termes à retenir. Les auteurs s’intéressent ensuite aux « nouvelles échelles macro-régionales ». Ils rappellent d’abord les trois phénomènes majeurs que sont la maritimisation, la littoralisation et la métropolisation. Cela permet de mettre en évidence quelques exemples de réussite en développant en parallèle une approche notionnelle.

Les dynamiques spatiales

Cette partie s’intéresse aux traductions spatiales de tout ce qui vient d’être mis en évidence. Trois points saillants se détachent : l’urbanisation généralisée et les processus de métropolisation, la diversification des espaces ruraux et les enjeux géopolitiques ainsi que le défi environnemental. Sur les 50 plus grandes agglomérations mondiales prévues en 2030, 33 seront en Asie au sens large. Ce qu’il faut retenir surtout, c’est que ces mégapoles sont « le lieu de gigantesques bidonvilles comme Rio De Janeiro dont entre un quart et un cinquième de la population relève de ce type de quartiers ». Parmi les autres aspects fondamentaux, se pose la question de l’agriculture et des campagnes dans la globalisation. Le paradoxe demeure : l’agriculture occupe en moyenne plus de 50 % des actifs mais c’est dans les pays du Sud que l’on trouve la plupart des populations souffrant de sous-alimentation et de malnutrition. La production agricole augmente bien mais elle est grignotée par l’augmentation démographique. Le chapitre se termine en mettant en évidence des « espaces ruraux diversement globalisés ». Les auteurs envisagent ensuite la question environnementale et rappellent quelques chiffres qui font frémir : les villes les plus polluées sont Peshawar au Pakistan ou Kaduna au Nigéria avec des taux de particules fines vingt fois supérieurs à ce qu’on constate à Paris. On trouve également des informations intéressantes sur le barrage de NamTheun 2 souvent présenté comme un modèle de développement durable. La réalité c’est tout de même le déplacement de plus de 6 000 personnes et 100 000 personnes affectées en aval. Le chapitre 12 s’intéresse aux tensions identitaires et aux conflits territoriaux à travers trois zones : l’Afrique tropicale, le Proche et le Moyen Orient et l’Amérique centrale. Les auteurs proposent des grilles d’analyse pour comprendre pourquoi il y a conflit : territoire, ressources…

Quelle place pour les Suds dans la globalisation ?

Cette dernière partie propose une synthèse en distinguant les pôles de puissance, les lieux d’ancrage, de développement et de laissés pour compte. Cette approche est particulièrement utile pour la mise en œuvre de ces questions dans nos enseignements. Les auteurs pointent d’abord leur regard sur les grands pays émergents. C’est assez rapide car l’Afrique du Sud est traitée en une demi-page. Au-dela des Brics habituels, les auteurs évoquent l’Indonésie, l’Iran et la Turquie. Ils montrent ensuite quels sont les trois types principaux de lieux d’ancrage : les NPIA, les pays exportateurs de pétrole, les enclaves de richesses artificielles, c’est-à-dire les paradis fiscaux. Le chapitre 15 se focalise sur les pays intermédiaires et, comme le précisent les auteurs, « ils se définissent largement par défaut ». On pourra prolonger l’approche sur la Cote d’Ivoire avec un encart qui s’interroge sur le renouveau de ce pays. Enfin, Jean-François Chaléard et Thierry Sanjuan envisagent les marges : les PMA représentent 12,5 % de la population mondiale en 2014 mais 1,2 % du commerce international. Haïti est abordée sous forme d’un encart.

En conclusion, les auteurs reviennent sur la question du développement à l’heure de la mondialisation. Il faut souligner le bon dosage du livre qui propose des encarts sur des pays, des typologies géographiques, des approches notionnelles ainsi que des cartes, indicateurs et une approche à plusieurs échelles. Un ouvrage très utile pour nos enseignements.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes