L’auteur, docteur en géographie, enseigne à l’INALCO. Ses travaux portent sur l’espace de l’ex-Union soviétique, en particulier les aspects géopolitiques et énergétiques. L’ouvrage traite de la géopolitique de la Russie dans son étranger proche à travers quatre thèmes. Des fondements géo historiques de la puissance russe à la géopolitique de la langue russe, en passant par les structures régionales et la géopolitique des hydrocarbures.
Les bases de la puissance russe
En se basant sur une analyse de diverses théories (Tocqueville, Mackinder..), l’auteur démontre le caractère central de l’espace russe. Eurasiatique, celui-ci a vocation à se préoccuper des affaires européennes comme asiatiques. Il reprend là l’idée d’une opposition entre puissance continentale et puissance maritime tout au long de l’histoire
Une puissance russe qui voudrait désormais rétablir son impérialisme sur son étranger proche. Pour cela elle bénéficie d’atouts : son poids au sein de l’ex-CEI (démographique, économique..), l’héritage de l’ex-URSS dont elle a capté l’essentiel mais qui lui a valu un fort affaiblissement durant les années 90. Le début du XXI° siècle marque le retour sur la scène internationale de la Russie grâce à un retour de la croissance économique et une reprise en main politique.
Le pivot central des organisations régionales issues de l’ex-Union soviétique .
Pour beaucoup d’occidentaux, la disparition de l’Union soviétique a entraîné la fin des relations entre les ex-républiques, or de nombreuses organisations de coopérations régionales ont vu le jour. L’auteur les passe en revue les unes après les autres, montrant leurs objectifs respectifs, l’évolution de leur composition et le renforcement ou non de leur activité. Au-delà de l’énumération, on est obligé de constater la persistance de relations de toute nature entre les membres de la CEI et la Russie. La Russie demeure un partenaire incontournable pour ses voisins et a réussi là aussi à redresser la barre pour éviter une poursuite de perte d’influence.
L’affaiblissement du GUAM qui semblait avoir vocation à rassembler les pays hostiles à la Russie semble définitif. La guerre en Géorgie en 2008, les dernières élections ukrainiennes, montrent une reprise en main par la Russie et souligne l’absence de cohésion de ses opposants.
Elle est désormais acteur du jeu en Asie centrale, reprenant le dessus sur l’influence américaine. Tandis que la création de l’organisation de coopération de Shanghai élargit les perspectives de coopération régionale en comptant dans ses rangs un pays qui n’est pas dans la CEI, et non des moindres, la Chine. Les deux puissances ayant un intérêt commun à la stabilité de l’Asie centrale et à l’amélioration de leurs relations.
Un acteur incontournable dans le grand jeu des hydrocarbures eurasiatiques.
La Russie bénéficie de nombreux atouts dans ce domaine. Sa position géographique et l’héritage du réseau de conduites de l’ex-union soviétique en fait un espace de transit obligé pour une grande partie des producteurs de l’ex-CEI.
Une situation comparable à celle dans laquelle se trouvait la Russie vis-à-vis de l’Ukraine et de la Biélorussie. Mais les crises entre la Russie et ses voisins réticents, ont fini par tourner à l’avantage de la première. Elle a prise le contrôle du réseau national de distribution biélorusse et développe de nouveaux réseaux avec le soutien de certains de ses partenaires européens soucieux de la sécurité de leurs approvisionnements (Nord Stream via la Baltique). La Russie a su utiliser l’arme énergétique a son profit. La croissance asiatique lui ouvre également de nombreux marchés limitrophes.
Dans le même temps, le projet BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) destiné à permettre l’exportation des hydrocarbures de la Caspienne a eu du mal à voir le jour. Le retrait kazakh du projet a affecté les perspectives de rentabilité. Tandis que le soutien russe aux séparatismes abkhazes et ossètes fait peser une menace sur cette voie d’approvisionnement. Seul le Kazakhstan semble résister à l’influence russe grâce à sa position et aux investissements occidentaux.
Langue et la géopolitique.
L’auteur montre comment la langue russe est remplacée par les langues nationales dans les nouveaux états. Langues dont la connaissance est souvent exigée pour les emplois publics. Un moyen simple d’affirmer son identité et d’écarter ainsi les Russes vivant encore dans les ex-républiques des postes de responsabilité. De nombreux russes ont alors émigré, surtout des républiques du Caucase et d’Asie centrale.
Dans les années 200, la situation change , le gouvernement russe voit dans la diffusion de la langue un moyen de consolider son influence et de nombreuses structures s’y emploient. Les médias russes restent largement diffusés dans l’étranger proche. Tandis que les centres universitaires russes continuent à accueillir de nombreux étudiants en provenance des républiques.…
A travers la langue se pose la question de l’identité des nouveaux états et des rapports avec la Russie. L’auteur étudie ainsi le cas des différents états de la CEI. A travers ceux-ci, on comprend mieux les origines et les enjeux politiques de ces questions identitaires. Le russe est parlé dans les régions peuplées de Russes (Crimée), mais aussi dans les républiques sécessionnistes de Géorgie. Surtout, il reste la langue de communication majeure entre les divers groupes des états de la CEI.
Un ouvrage dense qui au-delà de la seule Russie permet de découvrir la complexité des relations entre les membres de la CEI et les nombreux enjeux qui en découle. L’ouvrage met bien en avant les enjeux énergétiques et à ce titre sa lecture peut donner des pistes pour le traitement de ceux-ci dans le cadre du programme de seconde.
François Trébosc ©