L’ouvrage est divisé en trois parties, la première étant logiquement consacrée à l’espace et au développement.
Le présentation de cette première partie est assez classique, elle montre bien que la diversité culturelle entre le monde sinisé, le monde indien , l’Asie du Sud-Est correspond à des diversités de paysages également. Une part spécifique consacrée dans le premier chapitre aux structures urbaines des états et à la constitution de mégalopole. On appréciera pour l’étude de Mumbaï la partie consacrée à la Metropolisation, page 32.
Encore une fois, pour le programme de terminale, le chapitre de population et développement rédigé par Nicolas Balaresque se révélera particulièrement précieux. Il est clair que le poids des hommes est bien au cœur de la croissance des espaces les plus dynamiques du continent, mais il convient d’aborder les enjeux du vieillissement et cette lancinante question des femmes en Asie, qui conduisent les enfants uniques des couples chinois à aller chercher une épouse dans le nord du Vietnam.
Un essai de géohistoire et d’histoire connectée
L’auteur s’essaye également la géo histoire en évoquant la partie connectée de ces mondes asiatiques avec le monde occidental, et on aurait pu aisément trouver quelques références à Jean-Louis Margolin dans ce domaine. Cette première partie se conclut par une réflexion sur la période qui s’ouvre avec la seconde guerre mondiale, la guerre froide, mais également ce que l’on a pu appeler, et qui est traité par Michel Bruneau, le miracle japonais.
La question qui est posée est bien entendue celle des processus d’intégration, notamment à partir des axes maritimes.
La deuxième partie fait un inventaire des puissances régionales, bien entendu avec une étude particulièrement suivie de la Chine. Sébastien Colin est l’auteur de cette partie, qui montre comment la Chine s’inscrit dans une démarche mondialisée, en permanente mutation avec pour objectif de s’imposer comme puissance mondiale. On n’y trouvera, et cela n’est pas inintéressant, une référence à la puissance culturelle et au soft PowerPoint (page 175.)
Anne Viguier pour sa part traite de l’Inde, en montrant sa diversité, dans tous les domaines, ainsi que la mutation économique que le territoire a pu connaître depuis l’indépendance. On est passé d’une économie encadrée, avec une bureaucratie particulièrement omniprésente, et à certains égards prédatrice à une économie libérale, mais dont les tendances bureaucratiques ne semblent pas avoir disparu. L’Inde a pu valoriser cet héritage de la colonisation britannique qu’a pu être la langue anglaise en devenant « le bureau du monde », tandis que la Chine a longtemps été « l’atelier du monde », avant de prétendre devenir, ce qui fait partie de ses projets « le laboratoire de recherche du monde ».
Rémi Scoccimarro est en charge des deux chapitres consacrés au Japon, en montrant quand même que le déclassement, c’est-à-dire le passage en 2010 du deuxième au troisième rang parmi le classement des puissances économiques mondiales, doit être relativisé. L’appareil productif japonais reste inséré dans la région la plus dynamique du monde, et le Japon dispose de différents instruments de son influence qui lui permettent de maintenir ses capacités d’innovation et de développement.
Le Japon en panne ?
Il n’en demeure pas moins que l’auteur parle de l’archipel comme d’un modèle en panne avec une société en crise. Il est vrai que le Japon connaît une sorte d’impasse industrielle, avec la forte concurrence de la Corée du Sud et de la Chine, y compris dans certains segments du haut de gamme. Le vieillissement et la dénatalité, la sclérose politique, ne viennent pas arranger les choses, et il y a tout à craindre qu’une certaine forme de radicalité identitaire dans l’actuel premier ministre, Schinzo Abe, vainqueur des dernières législatives, ne soit à l’origine de tensions qui pourraient devenir sérieuses. En Asie orientale le Japon est au cœur d’un certain nombre de litiges frontaliers, entre la question des Kouriles avec la Russie, et celle des îles de mer de Chine orientale, l’archipel des Senkaku.
La troisième partie montre toutes les situations de déstabilisation que l’Asie connaît.
Une part spécifique consacrée aux impératifs de l’énergie avec la place particulière que l’Asie centrale peut occuper, et notamment le Turkménistan, devenu un grand fournisseur de gaz naturel pour la Chine. La crise environnementale est probablement le facteur de déstabilisation le plus menaçant pour la stabilité politique de la Chine. Et les vertueuses déclarations du parti communiste chinois en la matière montrent bien que les dirigeants du pays, même confirmés lors du dernier congrès, ont parfaitement conscience du problème. Reste évidemment à faire la part des choses entre les différents intérêts contradictoires qui traversent la société chinoise. Le renforcement du pouvoir personnel du président Xi Jiping montre qu’il n’est pas question d’accepter des remises en cause « démocratiques » qui pourrait conduire à une nouvelle crise de type Tiananmen en 1989.
La démocratisation et la remise en cause de la corruption
En matière de transformations politiques et sociales, l’auteur principal de l’ouvrage revient sur les classes moyennes et la démocratisation, mais il convient de rappeler que cela ne signifie pas pour autant l’accès au pluralisme politique pour ce qui concerne la Chine. Il n’en demeure pas moins que dans d’autres pays d’Asie, même si des problèmes de politique intérieure viennent perturber le processus, les classes moyennes contribuent incontestablement à une certaine forme d’ouverture politique. Le changement culturel peut-être le plus intéressant serait que, malgré la persistance de la corruption, évoquée au chapitre 19 , il semblerait que la remise en cause récente de ce fléau ne contribue là aussi à la démocratisation. On fera tout de même quelques réserves à propos de la Chine où justement la lutte contre la corruption est devenue un instrument de régulation du pouvoir autour du numéro un du pays et du parti.
On s’intéressera tout particulièrement au chapitre 20 et 21 qui traitent des États-nations et de leurs relations complexes avec leurs minorités. L’Inde et le Sri Lanka à des échelles différentes connaisse des problématiques relativement proches, tandis que la Chine, empire unitaire inscrit dans la longue durée se voit fragilisé sur certaines de ces périphéries. Il résout le problème par une sorte de colonisation rampante telle qu’on peut le constater au Tibet comme au Xin JIang.
Pour ce qui concerne les litiges maritimes en mer de Chine du Sud, les auteurs consacrent un zoom à la sentence arbitrale du 12 juillet 2016. Celle-ci qui avait été initiée par les Philippines va clairement l’encontre des intérêts chinois. La Chine a qualifié cette sentence arbitrale de nulle et non avenue en s’appuyant sur la souveraineté ancienne de la Chine sur les îles, ce que n’hésite pas à renforcer en émergeant des vestiges de poteries anciennes à proximité de ces îles, pour en attester l’occupation qui remonte à des temps immémoriaux.
Encore une fois, cet ouvrage permet de faire un vaste tour d’horizon que l’on pourra bien entendu avec des recherches plus précises compléter. Il contient incontestablement l’essentiel des des thèmes que l’on doit trouver pour aborder la géopolitique de ce nouveau centre de gravité du monde que constitue l’Asie. Peut-être que il aurait été pertinent de bouleverser la géographie traditionnelle est de faire apparaître dans ce volume la partie Asie de l’Eurasie, telles que Vladimir Poutine l’envisage.