Les éditions Nathan ont récemment publié des ouvrages de géopolitique découpant finalement le monde en quatre :
*Europe

http://www.clionautes.org/?p=1114

*Afrique-Moyen-Orient

http://www.clionautes.org/?p=1117

*Amériques

http://www.clionautes.org/?p=1120

*Asie.

En appoint de ces ouvrages de synthèse, l’éditeur décline cette collection en fichiers, accompagnés d’un cd-rom de QCM pour que les étudiants puissent « revoir et mémoriser en un temps record » ; il faut donc y voir un complément reprenant les problématiques, et le plan, du volet dirigé par Alain Musset et pour lequel des efforts de pédagogie sont à souligner : chaque fiche est en fait un plan détaillé accompagné d’un document, d’un encart Repères et, dans certains cas une fiche Zoom clôt une sous-partie en étudiant un cas particulier (« Intégration régionale et OGM au Mexique », « Los Angeles: dynamisme, impasses et renouveau dans la capitale du futur »).

Intitulé « Géopolitique des Amériques », le pluriel s’expliquant selon Frédéric Leriche par l’existence de deux ensembles identifiables (Amérique du Nord, Amérique du Sud) mais aussi sûrement car « les spécificités des Américains nous sont plus familières »,

(http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/geographie/Pages/82_Dossierspecial_FLeriche.aspx)

ce livre s’ouvre sur une géohistoire des Amériques. Avec la période des découvertes européennes (Colomb) puis de la mise en ordre par les Européens des territoires, la pénétration du continent s’effectue dans le sens Est/Ouest.
Vient ensuite la période de constructions des territoires nationaux contre l’Europe, parfois au nom d’idées européennes (Bolivar), mais aussi contre ses nouveaux voisins, en témoignent les guerres aux frontières des nouveaux états sud-américains. Construction des identités en parallèle où les notions de métissage et multiculturalisme sont souvent à géométrie variable.

Puis trois chapitres observent ces Amériques sous l’angle du doublet centre/périphérie et à trois échelles: continentale, sous-continentale et nationale.

A l’échelle du continent, les Etats-Unis bien sûr constituent le centre évident du continent, polarisant une grande partie de l’espace américain mais un centre aujourd’hui contesté politiquement (Chavez), économiquement (le Brésil) par une partie des périphéries. Mais plutôt que d’un centre et d’une périphérie, les auteurs préfèrent, à juste titre, souligner « l’emboîtement des centralités » et donc des marginalités : mégalopoles/espaces ruraux, ville-capitale/reste du pays (Montevideo et l’Uruguay), edges cities/bidonvilles («des villes aux agglomérations : où sont les centres ? », « les bidonvilles, expressions locales des inégalités nationales »). Une telle diversité de situations, de tels écarts n’empêchent pas des tentatives d’intégration économiques aux frontières américano-mexicaine ou brésilo-paraguayenne, intégration grâce au développement de réseaux de transports en Amazonie ou dans le sous-continent sud-américain mais les auteurs signalent le caractère asymétrique ou la modestie de ces dynamiques.

A l’échelle régionale, l’Amérique latine est présentée comme en cours d’intégration à la troisième mondialisation, définie comme « une fluidification des capitaux, l’intensité des flux migratoires et la libéralisation des échanges ». Après une double décennie (1980-2000) douloureuse marquée par la généralisation du consensus de Washington, l’insertion croissante de cette Amérique dans la mondialisation est une évidence qu’illustre l’accélération des flux financiers vers le sud du continent, et notamment des IDE, la croissance des échanges commerciaux mais ce phénomène génère ses travers : forme de satellisation du Mexique dans le cadre de l’ALENA, poids écrasant du Brésil dans le cône Sud.

A l’échelle nationale, l’ouvrage ne pouvait faire l’économie d’un chapitre sur les Etats-Unis, plus convenu, explicitant quelques-uns des mythes américains, traitant des centralités étatsuniennes en mettant l’accent sur la ville. Son intérêt réside surtout dans la fiche consacrée à la crise immobilière, une synthèse de deux pages pour expliquer cet événement historique : la crise immobilière trouve son fondement dans l’une des aspirations américaine, devenir propriétaire, ce qui n’a pu se réaliser pour nombre d’Américains qu’au prix de crédits immobiliers dits à risque (les subprimes loans) et d’un surendettement de millions de ménages, qui n’ont pu rembourser faute de liquidités et de possibilités de vendre leurs biens immobiliers sur un marché en complète dépression du fait d’une forte croissance de l’offre. Et d’une crise immobilière, on est passée à une crise bancaire américaine puis mondiale du fait de l’imbrication forte des systèmes bancaires.
Quelques réflexions bien senties sur l’hyperpuissance inutile de l’ère Bush Junior ou encore l’impossibilité d’un empire américain malgré l’existence, jusqu’à récemment, d’un projet impérial méritent le détour. Empire impossible car des oppositions internes et des écueils externes rendraient cet empire, même bienveillant (Robert Kagan, « The Benevolent Empire »), irréalisable : internes car les Américains ne le souhaitent pas, externes car le monde actuel, multipolaire ne pourrait plus être contrôlé par un seul état.

On a donc là un petit livre qui, ne le cachons pas, servira plus sûrement aux enseignants de lycée qu’à ceux de collège. Les documents sont exploitables et l’enseignant s’appuiera facilement sur des fiches dont le plan est utilisable dans le secondaire. On pense ici à la fiche 54, « Organisation spatiale des Etats-Unis : le territoire comme dimension spatiale de la puissance économique » dont le plan est clair (analyse spatiale : centre et périphéries depuis 1990 ; au cœur de la puissance : les villes et les espaces d’interfaces ; des vides pas si vides : Heartland mythologique, Hawaï géopolitique, Alaska pétrolier) ; plan que l’on pourra étoffer à l’aide des fiches sur la frontière Etats-Unis/Mexique, California is back (Atlas de la Californie ou encore les Mégalopolis, un des hauts lieux de direction du monde.

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