Cette bande dessinée est le résultat d’une étroite collaboration entre Jordan Mechner1 au scénario, Etienne Le Roux2 et Loïc Chevallier3 au dessin ainsi qu’Elvire de Cock4 à la couleur.
Au premier regard, le lecteur pourra apprécier la colorisation de la couverture et le coup de crayon que l’on pourra retrouver tout au long de l’œuvre.
« 1775, L’empire Britannique est la plus grande puissance mondiale. Sortie victorieuse de la guerre de Sept Ans qui l’opposait à la France, la Marine anglaise règne sans partage sur les mers. Mais dans les colonies américaines, les décrets royaux ont nourri les rancœurs et allumé la flamme de la résistance […] »
Cet ouvrage s’inscrit dans un contexte de post guerre de Sept Ans. Des insurgés tentent (en vain) de résister aux troupes anglaises massées à Boston. Inférieurs humainement et à court de munitions, les insurgés sont vite dépassés et massacrés.
On comprend de suite que les tensions entre insurgés et anglais occupent tous les esprits. Des réunions secrètes s’organisent et de grands noms comme Benjamin Franklin, Benjamin Harrison, Thomas Jefferson ou encore John Jay (tous membres du Congrès) se réunissent afin d’organiser la rébellion de l’Amérique (soutenue par Washington).
Déclarée officiellement en état de rébellion ouverte, l’Amérique va devoir faire face à l’arrivée supplémentaire de 20 000 soldats anglais. Dès lors, il est urgent de trouver un soutien de poids. Sileas Deane va alors être envoyé en France afin de négocier secrètement le soutien de la France.
La mission est simple : Des armes, des uniformes et tout le ravitaillement nécessaire à une armée de 25 000 hommes en échange d’avantages commerciaux dont bénéficiait la Grande-Bretagne.
La suite de la bande dessinée va se concentrer sur la rencontre entre ce personnage et Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais.
Écrivain, dramaturge et musicien, De Beaumarchais est également intégré au service personnel d’espionnage du roi (est évoqué ici l’affaire du chevalier d’Éon5). Lors de son séjour à Londres, il entend parler des graves problèmes entre l’Angleterre et ses colonies et en réfère à sa Majesté. Il y voit l’occasion pour la France d’en tirer parti. Malgré le refus initial du Roi de s’engager dans un conflit ouvert avec l’Angleterre, De Beaumarchais n’abdique pas et sous-entend pouvoir aider les colonies américaines sans impliquer le Roi.
« Procurez-moi en sous-main un million de livres et je monterai une compagnie de transports privée. La couverture parfaite sous un nom espagnol, par exemple […] Nos arsenaux sont bourrés à craquer de poudre et de pièces d’artilleries obsolètes qui prennent la poussière depuis la fin de la guerre. Je rachèterai tout le stock et reverserai donc votre million initial droit dans le trésor royal […] Puis je revendrai ces armes et munitions aux Américains. Ils n’ont pas d’argent mais si nous acceptons d’être payés en produits agricoles, comme le tabac, deux expéditions suffiront à doubler votre investissement. Nul ne saura jamais que c’est vous qui avez fourni la somme initiale ».
De son côté, Elias Deane arrivé à Paris, rencontre le secrétaire d’État des affaires étrangères (De Vergennes) pour évoquer le conflit en Amérique. La réponse officielle ne change pas mais le ministre encourage ce dernier à prendre contact avec De Beaumarchais, gérant d’une compagnie d’import-export (preuve que la Couronne y accorde de l’importance sans vouloir s’y impliquer officiellement).
L’espionnage étant monnaie courante au XVIIIe siècle, il est donc normal de le voir illustré ici par l’intervention de Bancroft (proche de Deane pendant son séjour en France) s’en allant informer l’ambassadeur anglais de ce qui se trame en France.
Discrètement Deane et De Beaumarchais se rencontrent ; Commence alors les premières tractations. Des navires d’Amérique apporteront du tabac et repartiront avec les cales chargées de matériels pour les insurgés.
Une correspondance entre Elias Deane et son beau-fils James Webb (resté sur le continent) permet au lecteur d’appréhender la rudesse du champ de bataille à Boston en 1775 ainsi que les affrontements sur mer (on comprend alors que les messages échangés entre Deane et le Congrès ne parviennent pas aux destinataires respectifs).
C’est à partir de 1776 que les premiers bateaux (dont l’Eurydice) vont quitter le port de Bordeaux chargés de canons, de pièces d’artilleries, de poudre ainsi que de tentes, de couvertures et de bottes d’uniformes. Les victoires des insurgés dans les colonies laissent entrevoir l’idée d’une possible défaite anglaise.
Alors que certains diplomates comme Arthur Lee (de l’État de Virginie) doute de l’honnêteté de Beaumarchais et accuse certains membres du Congrès (comme le Dr Franklin) de profiter de la situation pour s’enrichir, le Dr Bancroft entre en contact avec le ministère des affaires étrangères à Londres pour dévoiler toute l’affaire. Cela mène alors à l’interception de l’Eurydice et à la capture de toute sa cargaison. Il faudra toute la ruse de notre homme d’affaires français pour réussir à faire passer cette intervention anglaise comme un affront pour le royaume de France (et recevoir l’aval du roi Louis XVI pour poursuivre le projet).
Le tome 1 se conclut sur l’abandon de la ville de Boston par les Anglais au profit des insurgés pour concentrer leurs forces sur la ville de New York. L’inquiétude grandit parmi les membres du Congrès mais tous espèrent encore davantage d’aide de la France.
En conclusion, nous avons ici une bande dessinée très agréable à lire qui permet au lecteur d’en apprendre davantage sur l’aide apportée par la France aux colonies d’Amérique pour leur indépendance. On pourrait également dire de cet ouvrage que le contexte historique n’est que le prétexte pour faire la biographie de Pierre Caron de Beaumarchais. Qu’importe, l’ensemble fonctionne plutôt bien et il est fort probable que le lecteur (que je suis !) attendra avec envie le tome 2.