Les éditions Payot rééditent la première biographie de George Washington écrite en 1896 par Woodrow Wilson. Cette version française avait été éditée en 1981. Celle de 2007 est préfacée par Jacques Portes (nouveau président de l’APHG) et est accompagnée d’une bibliographie en français et en anglais.

Wilson, quand il écrit ce texte, n’est pas encore président des Etats-Unis. Professeur d’économie politique et de droit à l’université de Princeton, il est alors l’un des plus grands intellectuels américains de son temps. Dans cette biographie, Washington n’apparaît pas vraiment comme un révolutionnaire. Wilson trace le portait d’un moraliste, père de la Nation. Cette biographie participe à la construction du nationalisme américain, entamée dans le cadre de la réconciliation entre le Nord et le Sud après la Guerre de Sécession.

Voilà brièvement résumé les grands traits du portrait du père de la nation américaine tracés par Wilson.

C’est en 1656 que John Washington, fondateur de la lignée qui a donné le héros qui nous occupe, migre en Amérique. Il arrive dans les colonies d’Amérique dans le cadre de la Restauration des Stuarts, qui encourage le peuplement des territoires situés en Amérique du Nord. Les années qui précèdent la naissance de Georges Washington sont décrites par Wilson de manière quasi-idyllique. L’auteur trace le tableau d’une presque parfaite vie à la campagne. C’est donc dans ce contexte que naît en 1732 Georges Washington. Il appartient à la quatrième génération de Washington. Il perd son père à l’âge de 12 ans. Membre d’une famille nombreuse, le testament paternel ne lui accorde qu’une part congrue de l’héritage. Il va donc devoir prendre en main son avenir pour subvenir à ses besoins. Il commence à travailler à 16 ans comme arpenteur sur la « frontière ». A 20 ans, exécuteur testamentaire de son frère aîné, il est, par ailleurs, adjudant de district dans un contexte agité : celui des rapports de force engagés par les colons contre les Français et les Indiens sur la « frontière ». Washington est colonel quand débute la guerre de 7 ans entre le Royaume d’Angleterre et le Royaume de France. Wilson présente Washington, au combat comme dans la vie, comme invulnérable, ayant un grand sens de l’honneur et du génie pratique. Il met en avant sa bravoure mais aussi sa modération, sa prudence.

Dépeint comme un héros, apprécié de tous, élu de la chambre des Bourgeois du Comté de Frederich, sa carrière est bien engagée quand il épouse en 1759 Martha Curtis, une jeune et riche veuve. Il se retrouve ainsi l’un des plus opulents planteurs de Virginie au début des années 1760. A partir de 1764, le Royaume d’Angleterre accroît la pression fiscale sur les colonies : taxe sur les vins, les sucres, mise en place d’impôts directs… Ces mesures viennent s’ajouter à l’absence de liberté absolue de commerce des colonies avec toutes les parties du monde (même si les occasions de contourner la loi sont multiples). Entre 1764 et 1773, les contentieux s’accroissent entre les colonies et la métropole (envoi de pétitions, adresses au roi, boycott des produits britanniques). C’est la décision du gouvernement anglais de contraindre les ports coloniaux à prendre livraison des cargaisons de thé de la Compagnie des Indes Orientales qui provoque le passage à l’action des membres du Congrès en 1774. Notre homme apparaît alors comme un modéré, quelqu’un de posé qui ne cède pas d’emblée à l’agitation révolutionnaire. Il accepte, toutefois, de prendre la tête de l’armée coloniale en 1775. « Ce fut comme l’accomplissement d’une prophétie » (page 139).

Le siège de Boston, ville tenue par les Anglais, est la première victoire que Washington inscrit au tableau des faits militaires de la Guerre d’Indépendance. Hélas ! Le cours de la guerre lui réserve quelques déconvenues en raison, notamment, de « l’insubordination de ses généraux ». Il n’hésite pas à prélever sur sa fortune personnelle la solde de ses hommes. Dans ce contexte, l’aide tardive de la France apparaît néanmoins comme d’autant plus décisive que banqueroute et trahisons diverses affectent l’armée fédérale.

De retour en Virginie, après neuf ans passés sur les champs de bataille, auréolé de gloire, il essaie de reprendre sa vie antérieure de planteur et de propriétaire d’esclaves. Mais, très vite, le sens du devoir le pousse à l’action politique. Le nouveau pays est en difficulté : il est alors incapable de rembourser les dettes contractées auprès des pays européens lors de la guerre d’indépendance. Il est, par ailleurs, confronté à la révolte de Shays. Estimant que mal gouverné, le pays irait à sa perte, Washington accepte, dans un premier temps, de présider les débats qui permettent d’adopter la Constitution, avant de devenir, après hésitations, le premier président des Etats-Unis en 1789. Inaugurant la fonction, sa tâche consiste essentiellement à définir et à imposer l’échelon fédéral aux Etats : impôts, monnaie, politique étrangère, politique répressive contre les Indiens sur la « frontière ». En 1793, Washington brigue un second mandat estimant que sa tâche n’est pas achevée : position américaine à préciser dans le cadre des conflits européens, pouvoir fédéral éprouvé par le refus de certains Etats de payer la taxe sur les spiritueux… Toutefois, il refuse un troisième mandat et se retire dans sa propriété de Mont Vernon. Il s’éteint en 1799, victime d’un refroidissement.

Cette biographie est l’occasion pour Wilson de tracer un portrait vivant de la société du XVIII° siècle. Toutefois, son regard d’homme du Sud sur l’esclavage est très peu critique. De même, Wilson présente les Indiens comme des sauvages « heureusement » domptés par Washington. Cet ouvrage hagiographique est à lire aujourd’hui avec en tête le contexte de son écriture : celui de la construction du nationalisme américain. Le retour à la « source » est intéressant en ce sens.
Malgré tout, les ouvrages de Bernard Cottret (La Révolution américaine. La quête du bonheur. Paris, 2003), de Marcus Cunliffe (George Washington, l’homme et la légende. Paris, 1966.) et de Gordon S.WOOD (La création de la République américaine. 1991) offrent un regard distancié qui permet d’appréhender le personnage de manière plus objective.
Les programmes scolaires de collège comme de lycée offrent une part limitée à cet homme. Son rôle peut être évoqué lors de la leçon sur la guerre d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique en quatrième et en seconde ainsi qu’à l’occasion de cours de géographie sur les Etats-Unis, même si le temps imparti est trop court pour entrer dans les détails.

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