Ce livre relate l’histoire vraie d’un jeune garçon qui va connaître un destin singulier. Il a 14 ans lorsqu’il quitte l’Arabie Saoudite où il est né et où il réside pour étudier au Pakistan. Le jeune vendeur de rue, souhaite un avenir stable pour lui, il est ambitieux et commence alors les démarche afin d’aller étudier l’anglais à Karachi. Le monde est sur le point de changer et même si Mohammed n’en comprend pas tous les enjeux, le 11 septembre 2001 va avoir un impact concret sur sa vie. En effet, un vendredi après sa visite hebdomadaire à la mosquée il se fait arrêté par la police locale. Le début du cauchemar commence. Très vite il va rencontrer les premiers interrogateurs américains, puis les tortures vont débuter. «Parfois les Pakistanais me torturaient à l’électricité. Certains se contentait de signer un papier disant qu’ils l’avaient fait». Le jeune homme va rentrer brutalement dans le monde adulte. Très vite il va être vendu aux Américains (échange de détenus supposés dangereux et terroriste contre une prime de 5000 $ !) «Mais j’étais heureux. Je pensais que les américains allaient trouver la vérité, comprendre que les pakistanais les avaient trompés, et me renvoyer en Arabie».
Après un transfert mouvementé et violent Mohammed se retrouve donc dans la prison cubaine de Guantánamo. Il va découvrir le racisme, le plaisir de la vengeance, la torture morale, l’humiliation, les multiples interrogatoires. Il va aussi finalement apprendre l’anglais, découvrir la solidarité entre détenus et l’humour particulier de la situation «n° 2». Le livre est en permanence illustré par de nombreuses reproductions de documents officiels, notamment les rapports disciplinaires de Mohammed qui saisit toutes les opportunités pour se venger des gardiens. Cet ouvrage parle donc de ce quotidien routinier, incluant de nombreuses anecdotes, il permet petit à petit de rentrer dans cette prison si connue mais en même temps si opaque qui existe encore aujourd’hui.
A l’issu d’une longue procédure, Mohammed va finalement être libéré, mais le chemin de la sérénité est encore loin de lui. En effet, l’Arabie Saoudite ne veut plus de lui sur son territoire il ne peut donc rentrer «chez lui» chez les siens. Le Tchad, dont il a des origines, l’accepte sur son sol. Après un accueil (par l’ambassadeur…) en grandes pompes, il passe sa première nuit… en prison ! Il comprend alors qu’il se trouve toujours dans une certaine prison qui elle n’est pas faite de murs, mais de services secrets qui le traquent. Il tente alors de trouver une place dans ce nouveau monde qui ne veut pas de gens «comme lui». Il fuit au Soudan. Arrivé à Khartoum, il retrouve des anciens codétenus de Guantánamo, et du coup un semblant de vie sociale. Mais rattrapé une fois de plus par les services secrets il est contraint à retourner au Tchad.
L’histoire illustrée s’arrête ici, mais une dense postface nous retrace le parcours de Mohammed, d’une violence et d’une dureté incroyable depuis sa sortis de Guantanamo, dans la postface jusqu’en décembre 2017. L’annexe se compose de documents (en anglais et censurés pour certains) preuve de certains détails de l’histoire. On sait aujourd’hui de source sûre et l’info est récente que Mohammed est au Niger est vient d’ouvrir un petit restaurant, il attend désormais que sa famille puisse le rejoindre, il est apparemment laissé en paix…
Je recommande la lecture de cet album à toute personnes intéressées par les questions de privation de liberté, il peut être aussi intéressant de l’avoir dans les CDI de lycées car il va intéresser tous les adolescents qui aiment l’actualité et la BD. Les scènes de tortures sont suggérées, il s’agit d’un parti prit afin que ce livre puisse être accessible à tout âge, même si je le destine plus particulièrement à un public lycéen. Bref, une vraie histoire touchante qui dénonce la politique étasunienne du «tout terrorisme» du début des années 2000. Ce livre intéressera donc les élèves de 1ère (chapitre sur les nouvelles conflictualités) et leurs professeurs, tout en abordant un des enjeux du monde contemporain du programme de Terminale : la sécurité.
J’ai eu le plaisir de rencontrer Alexandre Franc, le dessinateur, à qui j’ai demandé une petite dédicace personnelle, mais aussi pour cette magnifique Cliothèque !
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Marie Reynaud, pour Les Clionautes
