Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de Lille dans le cadre de la Prépa-ENA et chargé de formation au CNED de Lille
L’ouvrage reçu en service de presse des éditions Belin mérite assurément de figurer dans les centres de documentation et bibliothèques du secondaire et du supérieur. Le propos est résumé dans le titre et ne manquera pas d’intéresser bien des lecteurs.

Si les parcours d’études dans les sciences dures sont bien connus, il n’en va pas de même pour les sciences sociales. Les traditions universitaires sont en effet très variables d’un pays à l’autre, et cet ouvrage, en plus de son aspect utilitaire est aussi une belle invitation au voyage.
Mais ce petit ouvrage va encore plus loin. Il relève de l’histoire tout court lorsque sont présentées les différentes étapes de la formation des universités, le lien avec les différentes écoles historiques, géographiques, sociologiques et philosophiques, bref des grands courants de pensée.

On appréciera par exemple l’excellent article de Michel Christian sur l’histoire en Allemagne, et notamment le renouvellement méthodologique de l’histoire sociale dans les années soixante et notamment le courant Alttagsgeschichte, celui de l’histoire du quotidien, une révolution analogue à celle des annales en France dans les années trente.

La géographie n’est pas non plus oubliée et notamment en Grande Bretagne dans l’article de Mathieu Giroud. Précocement institutionnalisée, la discipline était un enjeu de pouvoir dans le cadre du développement colonial. Les années soixante là encore ont permis de dépasser l’approche régionale classique entre les hommes et leur milieu pour introduire une géographie « humaniste », prenant en compte les hommes comme des êtres possédant des mondes intérieurs. Cela amène à des questionnements sur la façon dont les hommes perçoivent leurs milieux. Nous ne sommes pas loin des espaces vécus.

Pour terminer cette très rapide présentation car cet ouvrage est vraiment à découvrir, une petite mention de l’histoire en Espagne. C’est Isidore de Séville qui fut, entre 506 et 626 le premier historien espagnol. Cette histoire d’Espagne est aussi le reflet d’une histoire nationale complexe et très mal connue en France en dehors des épisodes de la Reconquista redigérés dans les programmes d’histoire des classes de seconde et la guerre civile espagnole de plus en plus souvent absente des manuels et de la vulgate programmatique issue de l’Inspection générale en France.

Ce choix n’est pas neutre évidemment, la notion de guerre civile dans un pays proche n’étant pas dans l’air du temps marqué par le compassionnel et le « concept » de brutalisation. (Que le dictionnaire de Word ignore). Pour en revenir à cette historiographie espagnole, l’article de Paula Navio Latorre est une belle réussite.
José Ortega y Gasset disait : « l’historien est le prophète des rêves » et cela se vérifie sans doute dans la permanence de la référence historique dans le discours intellectuel, ce qui ne signifie pas forcément la réutilisation ou l’instrumentalisation de l’histoire, on serait tenté de dire, « à la française ». Au contraire l’Espagne aujourd’hui a su jouer entre le devoir de mémoire, ce qui n’est pas une formule dans un pays touché par une guerre civile meurtrière et le droit à l’oubli. Un équilibre subtil qui finalement permet à un pays où l’Eglise exerce une forte influence de mettre en œuvre, avec l’assentiment majoritaire de la population une législation libérale du point de vue des moeurs qui rappelle d’avantage les pays d’Europe scandinave que les pays méditerranéens.

Cet ouvrage donc va très au-delà de son objet, ce qui ne l’empêche pas de rester pratique et accessible. Un index des termes qui désignent les structures universitaires, des indications sur les cursus et examens seront également fort utiles. De quoi donner envie à l’auteur de ces lignes de se mettre dans la peau d’Erasme, largement présenté en tête d’ouvrage, et de faire son tour d’Europe des Universités.

Bruno Modica © Clionautes