C’est assurément un ouvrage important que publient ce 12 janvier 2011 les éditions Autrement. C’est aussi un ouvrage qui peut susciter quelques interrogations parce que effectivement, ce livre est véritablement conçu comme un guide « touristique », richement illustré avec des itinéraires qui peuvent être ajustés en fonction du temps dont disposent les visiteurs. Toutefois, au-delà de cette présentation qui peut dans une certaine mesure surprendre et peut-être choquer, c’est d’abord et avant tout un livre d’histoire extrêmement précis sur la Shoah.

Effectivement, dès l’introduction de Piotr Cywinsk le directeur du musée d’État d’Auschwitz, le lecteur est prévenu : il s’agit de préserver une mémoire dès lors qu’il ne restera plus avec la disparition physique des survivants que les archives et surtout un site. L’ensemble complet des installations d’Auschwitz auquel on associe Birkenau représente 192 ha.
Les auteurs de l’ouvrage font preuve de beaucoup de précision et soulignent lors de la présentation des différents sites ce qui a été conservé dans l’état originel et ce qui a pu être reconstruit peu de temps après la guerre, notamment certains blocs crématoires.
La structure de l’ouvrage est véritablement celle d’un guide touristique ; à chaque témoignage, on indique aux visiteurs les directions à prendre et ce qui doit retenir l’attention. Une mention spéciale est apportée à ces photos de Léa Eouzan, qui peuvent surprendre. Alors que les images que l’on a d’Auschwitz sont en noir et blanc, la photographe a choisi la couleur qui « banalise » ces lieux de mort. On trouve tout de même quelques images en noir et blanc, des photos d’époque, et notamment ces deux photographies prises par un détenu du Sonderkommando au cours de l’été 1944. Il est également fait mention de la tentative d’insurrection en octobre 44.

Qualité de construction et efficacité des entreprises

Ces photos montrent paradoxalement la qualité de construction de ces édifices qui n’ont été semble-t-il, que peut restaurés. Si l’on fait abstraction de l’usage de ces bâtiments on ne voit au bout du compte que des édifices industriels ou des bâtiments rappelant un internat ou plutôt une caserne, puisque c’est une ancienne caserne de l’armée polonaise d’artillerie qui a été le point de départ de l’aménagement du camp de concentration d’Auschwitz..

Les auteurs ont également ajouté des précisions sur les entreprises allemandes qui se sont installées à proximité des camps ou même dans les camps avec leur spécialité et les effectifs employés. On y trouve mention de l’IG Farben mais également de cette firme, Topf und Söhne, qui fabriquait d avant-guerre des fours industriels avant-guerre et qui s’est ensuite spécialisé dans la construction de crématoires pour l’incinération des corps. Cette entreprise fabriquait et entretenait des fours, des systèmes de ventilation initialement destinés aux silos à grains mais reconvertis pour l’utilisation du Zyklon B et des munitions.
Sous réserve d’inventaire précis et d’une confrontation scientifique à propos des sources de cet ouvrage, on appréciera la commodité d’usage qui permettra aux professeurs qui auront encore la possibilité, en cette période de restrictions budgétaires, d’amener leurs classes sur ce site, de préparer efficacement cette visite. On ne peut qu’encourager les centres de documentation des lycées à faire l’acquisition de cet ouvrage. Il pourra même, si l’organisation de voyages scolaires devient de plus en plus difficile, servir de substitut à une visite sur le terrain. Ce n’est certes pas satisfaisant mais la nécessité d’enseigner cette question qui interpelle notre civilisation rend parfois nécessaires des accommodements de ce type.

Les camps de concentration d’Auschwitz I, Birkenau, Monowitz et leurs kommandos ainsi que le centre d’extermination de Birkenau sont des faits historiques connus. Au delà du centre d’extermination pour les Juifs, les nazis souhaitaient édifier à Auschwitz une cité idéale nationale-socialiste avec une administration, des infrastructures, des exploitations minières et agricoles.

Certains de ces sites disparaissent avec le travail du temps et le développement humain et économique polonais, d’autres sont restaurés, reconstruits, marqués par des monuments et des musées.
En parcourant les lieux, en suggérant des itinéraires et, en dernière partie, en revenant sur les traces juives de Cracovie, ce livre voudrait transmettre un certain savoir qui puisse permettre de mieux comprendre ce qu’on voit si on va à Auschwitz ou si on en regarde seulement des images.

Jean-François Forges est professeur d’histoire. Membre de la commission « Pédagogie et formation » du Mémorial de la Shoah et du conseil scientifique de la Maison d’Izieu (Ain), il collabore aux activités pédagogiques pour la formation des professeurs et intervient régulièrement sur les problèmes de la transmission de la mémoire et de l’histoire des régimes concentrationnaires.
Pierre-Jérôme Biscarat est membre du service pédagogique de la Maison d’Izieu et du conseil scientifique du Mémorial de Caen.
Léa Eouzan a réalisé un reportage photographique spécialement pour ce guide.
Madeleine Benoit-Guyod a conçu les cartes et plans de ce guide.