« La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie ».
« Je vote l’abolition pure et simple de la peine de mort ».
Victor Hugo
L’abolition, le combat de Robert Badinter pourrait être intitulé, le combat d’une vie. Les auteurs n’ont pas choisi sa lutte au hasard. En effet, docteur en histoire, la scénariste Marie Barniaux-Vaïente s’est positionnée sur des combats féministes, pour l’abolition universelle de la peine de mort. Elle a basé son récit sur les chocs successifs de l’avocat Robert Badinder, quand il a défendu et côtoyé des condamnés à l’échafaud. Elle a puisé ses réflexions dans l’ouvrage éponyme qui livre les impressions successives de l’abolitionniste convaincu.
Le récit commence en 1972 par l’exécution de Roger Bontems et de Claude Buffet, coupables d’une prise d’otages à la prison de Clairvaux, qui finit par un double assassinat. Malgré l’issue du procès montrant l’unique responsabilité de Buffet, les jurés condamnent à mort les deux complices.
« Ton problème à toi, ce n’est pas de savoir ce qui est juste ou non, ton seul problème, ta raison d’être, à toi, avocat, c’est de défendre. » p.29.
Révolté par la mort d’un homme qui n’a pas réellement tué, et qui ne sera pas gracié par le président Georges Pompidou, l’avocat devient un inconditionnel de l’abolition.
« C’est parfois vrai, parfois faux. Mais de toute façon, ça n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est que tu fasses tout pour sauver ton bonhomme. »
En 1976, Robert Badinter accepte donc de co-défendre Patrick Henry qui a séquestré et tué un enfant de huit ans de sang-froid. L’attitude de ce dernier pendant l’instruction, choque la France entière. Relâché dans un premier temps faute de preuves, il provoque la Justice en affirmant sa position en faveur de la peine de mort pour les tueurs d’enfant.
« Je ne ferai pas la plaidoirie de la défense de Patrick Henri, mais le procès de la peine de mort. »
« Nous ne laisserons pas gagner la bataille de la haine, le cercle vicieux de la vengeance doit s’arrêter aujourd’hui à Troyes ».
L’avocat pénaliste oriente son réquisitoire sur la responsabilité des jurés « participant à un assassinat programmé par l’État », et qui ne se prononce pas sur la culpabilité déjà établie, mais sur le droit de vie ou de mort d’un homme. Il s’appuie sur des paroles de Bontems : « Guillotiner n’est rien d’autre que de prendre un homme et le couper, vivant en deux morceaux. »
La peine prononcée à l’encontre de Patrick Henri sera la réclusion à perpétuité.
On ne peut s’empêcher de relier les convictions de Robert Badinter à la réminiscence de souvenirs antérieurs très douloureux qui remontent après cette première victoire, lorsqu’il réalise, en 1945, que son père a été exterminé par le système concentrationnaire nazi qui a le pouvoir de tuer sans jugement, sans raison…
Malgré l’opinion majoritaire des Français en faveur de la peine de mort, François Mitterrand, élu président de la République, gracie « l’enfant », Philippe Maurice condamné à mort à tout juste 24 ans. Robert Badinter est nommé garde des Sceaux. Le 18 septembre 1981, l’abolition de la peine de mort est votée par 369 députés sur 487 votants à l’assemblée nationale et le 30 septembre 1981 elle est adoptée par le sénat.
Pour l’avocat, le droit de grâce est ainsi supprimé, ce qui a permis de mettre un terme au dernier reliquat de la monarchie. La France devient alors le 36 ème État du monde à abolir la peine de mort…
Le 9 octobre 2021, les 40 ans de l’abolition de la peine de mort sont célébrés avec un discours du président Emmanuel Macron au Panthéon, en présence de l’ancien ministre, sénateur, et membre du conseil constitutionnel, Robert Badinter.
Malo Kerfriden a su trouver le ton juste avec son dessin très épuré, noir et blanc, ponctué de bleu ou de brun. Ses portraits d’une grande fidélité traduisent parfaitement les différentes émotions.
Ce roman graphique constitue un témoignage réussi du parcours d’un homme hors du commun qui lutte encore pour des valeurs humanistes universelles. Il contribuera à former les jeunes générations sur les principes inaliénables de notre République à préserver.