Une nombreuse équipe internationale de chercheurs ont contribué à cette synthèse sur les forêts tropicales. Deux groupes d’auteurs : trois naturalistes et des auteurs spécialistes des sciences humaines. Comme l’écrivent les éditeurs de cet ouvrage, « les forêts tropicales sont le cadre et le support de vie de millions de personnes dans le monde »1. Ces forêts qui ont longtemps été rêvées ou considérées comme un obstacle au développement sont aujourd’hui menacées, elles doivent être protégées dans le respect des populations qui y vivent : puits de carbone mais aussi support de cultures locales. Cet ouvrage analyse à des échelles et sous des angles divers et complémentaires les différents liens entre forêts et humanité.

La forêt tropicale couvre environ 2 milliards d’hectares, soit plus de trente fois la surface de la France. Elles abritent environ 350 millions des personnes, des « autochtones » dont les cultures, les identités et les modes de subsistance sont étroitement liées à l’écosystème forestier. D’autre part elles pour les pays tropicaux une source de devises importante par l’exploitation des produits de la forêt. C’est un monde complexe et paradoxal : « La forêt tropicale est l’un des écosystèmes les plus médiatisés au monde. Elle est aussi le lieu par excellence des paradoxes socio-environnementaux actuels : haut lieu de la biodiversité, mais aussi de sa destruction par l’ordre économique mondial ; source d’émission des gaz à effet de serre, ou piège à carbone ; réservoir de molécules miracles pour la santé humaine, mais aussi du virus Ebola. Souvent qualifiée de « vierge », elle porte pourtant presque partout les traces, mises au jour par les archéologues, d’activités agricoles anciennes (jusque dans les régions les plus inaccessibles d’Amazonie ou de Papouasie-Nouvelle-Guinée). »2. Le but de cet ouvrage est de décrire les relations des sociétés aux forêts tropicales dans un monde globalisé. Il est le fruit de nombreuses recherches conduites en Amazonie, en Afrique centrale, à Madagascar ou en Asie du Sud-Est par les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires au Nord et au Sud. Il s’agit de montrer la diversité des rapports à la forêt dans le contexte de la mondialisation.

1 Qu’est-ce qu’une forêt ?

La première partie de l’ouvrage s’interroge sur les définitions de la forêt, points de vue des naturalistes mais aussi des sciences sociales.

Après une approche par les sciences humaines de la définition même de forêt et de la déforestation, les auteurs naturalistes partant de l’idée d’un écosystème autonome où l’homme serait un intrus reconnaissent que les traces anciennes révélée par l’archéologie viennent contredire en partie la notion de forêt primaire.

Ces forêts sont des écosystèmes divers, organisés par des mécanismes biologiques qui interagissent avec la présence humaine pour y vivre, l’exploiter ou la protéger.

2 Les « peuples de la forêt », entre intégration et marginalisation

Se pose la question de la définition même de « peuples de la forêt », entre chasseurs-cueilleurs et populations qui tirent une part importante de leur subsistance de ce même espace par agriculture sur brûlis ou agroforesterie. Les quatre chapitres de cette deuxième partie réfute l’idée de modes de vie en « harmonie avec la nature », gardiens ou menace pour la forêt ? A partir d’exemples sur divers continents les auteurs montrent que contrairement au mythe que les peuples de la forêt ont des contacts anciens et multiples avec le monde qui les entoure, ils sont aujourd’hui intégrés à l’économie-monde, même s’ils sont souvent marginalisés et menacés3.

Un chapitre est consacré aux « nouveaux venus », du migrant sans terre à l’investisseur international industriel du palmier à huile ou à l’entrepreneur touristique. Ces nouveaux acteurs représentent, selon les situations, une menace ou des opportunités pour les populations autochtones.

Est-il encore possible pour ces populations de vivre en chasseurs-cueilleurs ? Aspects alimentaires4, sanitaires5.

3 Penser, représenter, partager la forêt

La façon occidentale d’aborder la forêt n’est pas partagée par d’autres populations c’est ce que veut montrer la troisième partie à partir d’exemples contrastés : les Karen de Thaïlande, la vision des enfants malgaches étudiée à travers leurs dessins, la notion de forêt domestique en Éthiopie . Chaque société a ses propres représentations de la nature et de la place de l’homme. On y découvre les « orphelins de la forêt », arbres épargnés lors de l’abattage d’une forêt pour l’agriculture chez les par les Ntumu du Sud-Cameroun, mais aussi une survalorisation dangereuse des « savoirs locaux sur la nature » (ch 9). Enfin est abordé à partir de l’exemple indonésien la question de la propriété des forêts entre droit étatique et droit coutumier pour gérer la forêt et en partager les bénéfices.

4 Cueillir, chasser, cultiver la forêt

Cette partie montre la diversité des modes de gestion de la forêt et des différents modes de vie des habitants. Sont abordés : L’agriculture itinérante sur brûlis6 et ses réalités d’aujourd’hui (ch 13), Elle passe en revue les différentes, le développement actuel de l’agroforesterie (ch 14) entre sylviculture et culture sous couvert7, les modes originaux de récolte du miel et de « domestication » des abeilles au Cameroun et en Indonésie, les formes de chasse et d’élevage, le commerce de viande de brousse, une activité non durable, la pêche en rivière8 et l’importance des produits forestiers non ligneux pour les économies locales et nationales.

5 La déforestation : d’un constat global à la diversité des dynamiques locales

Cinq chapitres pour traiter du sujet de la déforestation avec trois exemples emblématiques : en Amazonie brésilienne, mécanismes et le rôle des différents acteurs, inefficacité des politiques publiques, en Indonésie l’extension de la culture du palmier à huile et en Côte d’Ivoire, déforestation soutenue par l’État pour les plantations de café et de cacao.

Est abordé au chapitre 20 la difficile gestion forestière, entre prédation et gestion durable. Enfin, la question des « espèces invasives » est présentée avec l’eucalyptus et du goyavier en Chine et à Madagascar.

6 Une forêt très politique

Des politiques forestières coloniales aux à l’enjeu d’objet environnemental mondial cette dernière partie aborde des grands enjeux socio-environnementaux : comment la biodiversité et le changement climatique impactent les populations de la forêt dans un contexte de conventions internationales. Quand les politiques de conservation confirmant les droits des populations ou les excluent en délimitant des aires protégées comme au Laos ou au Brésil ou lieu d’écotourisme9. La question du paiement des services environnementaux est abordée par exemple avec la question des brevets sur les molécules extraites des plantes forestières10. Le chapitre 28 est consacré à la question de la forêt puits de carbone et au mécanisme de taxation (Red et REDD+) avec un exemple au Brésil.

 

La conclusion revient sur la notion de patrimoine mondial et sur le devenir des populations forestières.

_________________________________________

1Cité dans l’avant-propos p. 13

2Page 17

3Exemple de La forêt des Mebêngôkre en Amazonie : une histoire de rencontres et de luttes, encart pp. 70-71

4Chapitre 6, encart p. 92

5Encart pp. 98-101 à propos des virus et notamment Ebola

6Encarts sur l’Amazonie pp. 178-179 et sur le Cameroun pp. 182-183

7Encart à propos des agroforêts cacaoyères du Sud-Cameroun, des « arbres hors forêt ». L’exemple des terroirs betsileo à Madagascar pp. 196 à 199, des jardins agroforestiers chagga du Kilimanjaro pp. 204-206

8Encart : chez les Amérindiens Wayana de Guyane pp. 240-242

9Encart pp. 350-352

10Notamment encart pp. 322-324