Hayat est une jeune Dom, minorité syrienne ostracisée par le reste de la société, née à Alep en 1985 dans le quartier d’Ashrafiye.
Issue d’une famille nombreuse, elle profite de l’enrichissement progressif de son père et poursuit brillamment sa scolarité. Son père décède alors qu’elle a quinze ans, et, comme ses sœurs avant elle, Hayat est mariée à un cousin de dix ans son aîné.
Mère de deux enfants en 2011, Hayat subit le conflit armé qui éclate en Syrie alors que son mari, homme veule et joueur, est très largement absent de la vie familiale.
Elle accouche de son troisième enfant alors que sa famille a déjà quitté la Syrie. Hayat prend alors la décision de partir pour l’Europe…
Ce beau roman graphique met en lumière la situation des Doms en Syrie. Bruno Herin indique (p.183) que les Doms syriens « souffraient d’une certaine marginalisation tant sociale que géographique ». Pratiquant le « nomadisme commerciale », les Doms s’étaient pour beaucoup spécialisés dans la fourniture de soins dentaires. Il n’y aurait quasiment plus, aujourd’hui, de Doms en Syrie. Nombreux sont ceux parmi eux à avoir fuit le conflit pour se réfugier dans le nord de la France et à Bruxelles.
Hayat est un personnage de fiction mais qui « regroupe » en elle nombre de réalités vécues par d’autres exilées au cours de sa geste. Si les bonheurs simples de la vie sont bien mis en avant, les autrices évoquent également les mariages forcés à caractère endogamique, les violences faites aux femmes par leurs époux ou encore le poids étouffant des traditions.
Hayat est une très belle bande dessinée, fort bien documentée et pouvant venir appuyer une séquence évoquant le Moyen-Orient contemporain ou le sort des exilés lorsque sont traités les mouvements migratoires.
Grégoire Masson