Les enfants, dès tout petits, sont émerveillés d’apprendre.
Pourtant l’école devient ensuite, pour beaucoup d’entre eux, synonyme d’anxiété ou d’échec. Aujourd’hui, les connaissances scientifiques sur le cerveau bouleversent notre approche de l’éducation. Les neurosciences affectives et sociales montrent qu’une relation chaleureuse et empathique génère un cercle vertueux : l’enfant se sent compris, il est motivé, sa réussite scolaire augmente et l’enseignant se sent compétent. À l’inverse, l’éducation punitive produit un effet contraire à celui recherché. Quant à la dévalorisation et aux humiliations verbales, elles ont un impact aussi néfaste que les coups.
Dans ce livre majeur, Catherine Gueguen analyse les règles fondamentales et les formations qui permettent aux adultes comme aux enfants de développer leurs compétences émotionnelles et sociales. L’empathie, cela s’apprend, l’écoute peut se renforcer, l’attention à soi et aux autres se travaille…
Tous les enfants peuvent être « heureux d’apprendre » !
Et les adultes, heureux de les accompagner sur ce chemin !

Depuis le succès de Pour une enfance heureuse, qui traitait des rapports parents-enfants, elle sort un second livre Vivre heureux avec son enfant. Elle sort son troisième livre Heureux d’apprendre à l’école, qui traite principalement de la relation enseignant-élève.
« De très nombreuses études s’accordent à dire que lorsque l’enseignant entretient une relation chaleureuse et empathique avec un enfant, les effets retentissent sur l’enseignant lui-même, qui est satisfait de son travail, et sur l’élève qui se sent sécurisé et confiant, ce qui l’encourage et stimule son désir d’apprendre. Il progresse alors sur tous les plans: personnel, social et scolaire » (page 24)

Catherine Gueguen a été pédiatre à l’Institut hospitalier franco-britannique de Levallois-Perret. Spécialisée dans le soutien à la parentalité, formée en haptonomie et en Communication Non-violente, elle anime des groupes de travail pour les médecins, les psychologues, les éducateurs, les sages-femmes.

Sachant que certains élèves passent, durant l’année scolaire, plus de temps avec leurs professeurs qu’avec leur famille proche, Catherine Gueguen valorise dans son ouvrage les dimensions émotionnelles et relationnelles de cette relation particulière. Ainsi, si enseigner nécessite des compétences intellectuelles, cette action suppose aussi des compétences émotionnelles et sociales. Gueguen démontre comment les émotions et comportements des enseignants, ont des effets directs l’apprentissage de leur élève. Basant son approche sur de nombreuses études académiques et scientifiques la pédiatre prouve que l’empathie doit être la base de cette relation. « Se sentir compris c’est être confiant, donc être motivé, et cela participe de la réussite scolaire. »

Ce livre ne va pas vous apprendre à enseigner ni à créer des séquences d’apprentissage, et ce n’est d’ailleurs pas son ambition, il va juste faciliter la compréhension de cette relation enseignant-élève et démontrer comment on peut en tirer parti pour l’enseignant, et pour l’élève. Ce livre se divise en quinze chapitres qui explorent chacun une spécificité de ce rapport quotidien avec nos élèves.

La qualité de la relation enseignant-élève est déterminante

Dans ce chapitre est abordé la notion d’empathie, en effet un élève apprend mieux lorsque la relation avec son professeur est riche. L’empathie ne devant pas s’entendre comme une forme de laxisme, mais bien comme une base de départ.

Que viennent faire les émotions à l’école

S’appuyant sur des chercheurs (Carl Rogers, Marshall Rosenberg ou encore Antonio Damasio) Catherine Gueguen établit un fait : « Il n’y a pas de séparation entre notre corps, nos émotions et notre cerveau. » Ainsi il vaut mieux encourager l’expression des émotions que de chercher à les refouler. Celles-ci sont des réactions biologiques que l’élève doit exprimer, même si notre société a tendance à les nier : « Arrête de pleurer… » Concernant les jeunes enfants (5-6 ans) les crises sont souvent appelées des « caprices », mais ces « orages émotionnels » s’expliquent par des circuits cérébraux encore immatures. Apprendre aux enfants à gérer leurs émotions prend du temps, car ils n’ont pas encore le recul nécessaire à analyser les situations, notamment dans leur vie scolaire.

L’empathie au cœur de la relation

Reprenant des travaux de Jean Decety (neurobiologiste à Chicago) Gueguen propose une définition de l’empathie : il s’agit « d’une capacité innée qui permet de détecter et de répondre aux signaux émotionnels d’autrui, capacité nécessaire pour survivre, se reproduire et avoir du bien-être. » Il existe trois facettes empathiques : l’empathie affective, l’empathie cognitive, et la sollicitude empathique. Même si cette capacité est innée, elle est liée à l’ocytocine (hormone du plaisir et de l’empathie) ce qui suppose que cette empathie doit être développer : plus on est empathique avec quelqu’un, plus ce dernier sera empathique.  » Un enfant qui ne reçoit que peu ou pas d’empathie dès les premiers mois de sa vie produira par conséquent peu d’ocytocine et éprouvera de grandes difficultés dans ses relations : il restera maladroit, même s’il souhaite intellectuellement être empathique. Néanmoins, sa capacité à être empathique demeure au fond de son être, prête à se réveiller s’il reçoit de l’empathie : il sécrètera alors de l’ocytocine. »

Les compétences socio-émotionnelles

 » Etre compétent émotionnellement et socialement, c’est connaître les différentes émotions qui nous traversent, savoir les exprimer et les réguler, savoir comprendre l’autre (…) quand l’enseignant et l’élève acquièrent ces compétences, ils se transforment et se sentent vraiment à l’aise au sein de la classe. » Ce chapitre propose d’analyser les compétences émotionnelles : Qu’elles sont-elles ? Comment les exprimer ? Comment les comprendre ? Comment les réguler ? Comment entretenir des relations satisfaisantes ? Et enfin, comment résoudre les conflits ?

L’attachement : comprendre la qualité du lien à l’enfant

Cette fois-ci C. Gueguen fait appel à John Bowlby pour étayer ses propos. La théorie de l’attachement est un « besoin vital, fondamental (…) en d’autres termes (il s’agit) de la création d’un lien avec la personne qui prend soin de lui (…) Cette personne constitue la base de sécurité affective vers laquelle l’enfant se tourne en cas de détresse. » Selon Mary Ainsworth, il existe quatre types d’attitude en lien avec l’attachement : l’attachement anxieux-évitant, l’attachement sécurisé, l’attachement anxieux-ambivalent et l’attachement insécurisant désorganisé. Après avoir décrit ces différents comportements l’auteur s’attache à expliquer les raisons de ces différences et s’intéresse ensuite à l’attachement enseignant-élève et propose quelques conseils afin de la maximiser.

La relation avec l’élève se travaille et s’apprend

N’oublions pas notre rôle d’adulte, notamment celui de modèle. Il existe des formations à l’empathie qui proposent des méthodes différentes : « les participants expérimentent l’empathie par de multiples ateliers, jeux de rôles, lectures ou films suivis de réflexions autour de l’empathie, puis d’une mise en pratique. » Dans le monde entier il est possible d’apprendre à développer ses compétences socio-émotionnelles. L’auteur propose alors la description d’une étude de cas menée par Lorea Martinez, enseignante en Espagne et aux Etats-Unis d’Amérique. Dans cette étude est souligné le fait que quoiqu’il en soit « cette approche dans un établissement scolaire requiert que les enseignants soient soutenus et accompagnés (…) elle insiste également sur la nécessité pour les enseignants d’avoir du temps et des espaces où ils peuvent collaborer, se soutenir et échanger autour de leurs pratiques. »

La communication non violente

S’il faut commencer par maîtriser un élément du processus, en tant qu’enseignant, c’est la communication non-violente (CNV). Le fondateur de cette approche s’appelle Marshall Rosenberg, un psychologue américain. S’inspirant de Carl Rogers, il met au point « un formidable dispositif théorique et pratique autour des émotions et de l’empathie au service d’une relation humaine de qualité. » Il présente sa méthode dans un livre intitulé Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs. Dans ce chapitre Gueguen, écrit un « plaidoyer pour la communication non-violent à l’école. » Donnant ses raisons et ses arguments elle propose un exemple : « Nathalie, enseignante, me dit : Mes élèves m’épuisent, ils sont infernaux et je le leur dis. (…) ils m’empêchent de faire mon travail qui est d’enseigner. Il faut que les élèves m’écoutent sans parler, sans m’interrompre. » Selon l’auteur avec une approche de CNV, le problème pourrait être minimisé, et d’expliquer comment et pourquoi. Elle termine ce chapitre en partageant ensuite des témoignages d’enseignants qui pratiquent la CNV dans leurs classes.

Quand les enseignants développent leurs compétences socio-émotionnelles

Les deux chapitres qui suivent sont liés celui-ci propose d’analyser « les conséquences de la formation des enseignants au développement des compétences socio-émotionnelles…

Comment transmettre les compétences socio-émotionnelles aux élèves

…tandis que le second « est consacré aux bénéfices des ces compétences quand ce sont les élèves eux-mêmes qui les ont développés. » Gueguen propose notamment une thérapie facile à mettre en place : la bibliothérapie. Elle détaille aussi des programmes (SEL, RULER…) et propose des travaux pratiques simples à mettre en œuvre sur le thème de l’empathie (notamment un sur Le Journal d’Anne Franck, pour l’histoire !)

Quand les élèves acquièrent ces compétences socio-émotionnelles

Logiquement, si le développement personnel se fait de façon appliquée, les relations sociales et la réussite scolaire s’améliorent. « De nombreuses études montrent que l’acquisition de ces compétences permet à l’élève de progresser dans tous les domaines. » Quels sont donc les impacts de ces compétences sur la scolarité ? Plutôt positifs, surtout si cela débute jeune.

Complimenter ou encourager ?

Comment soutenir l’enfant/l’élève ? Il faut faire attention à l’utilisation du compliment permanent. En effet, selon Catherine Gueguen « les compliments peuvent rendre dépendant, anxieux et passif. » Un enfant trop habitué aux compliments peut en devenir dépendant et craindre le jugement des autres, ce qui ne l’aide pas à être autonome. La clé serait peut-être de « féliciter l’enfant pour ses efforts, ses actes et non pour ses qualités. » (Haim Ginott).

Les derniers chapitres ont pour objet principal le cerveau. Le cerveau se modifie grâce à la neuroplasticité et à l’épigénétique, une relation de qualité a des effets positifs sur le cerveau, le stress entrave le développement de l’enfant, et le cerveau de l’enfant et de l’adolescent face au stress. Agrémentés de schémas et d’exemples ils permettent aux néophytes de comprendre facilement l’impact du cerveau dans les émotions.

En conclusion, ce livre, agréable à lire, de part ses multiples exemples concrets (en tous cas lorsque l’on enseigne) et ses multiples propositions, a le mérite de faire la lumière sur tout ces éléments qui manquent encore cruellement dans les formations du PAF de l’EN (même si on y vient…) Les situations expliquées raisonnent facilement dans l’esprit des enseignants, et même si je ne suis pas sûre de la capabilité de toutes ces propositions, ce livre permet de réinterroger le quotidien pédagogique de manière efficace et motivante. Il s’adresse à tous les enseignants de la maternelle au supérieur qui sont intéressés par les pédagogies innovantes.