Première biographie car le seul travail existant sur Heydrich consistait en une thèse de Shlomo Arenson en date de 1969 portant sur la période 1904-1935. Dederichs, dont le but avoué dans l’avant-propos était de « mieux faire connaître à la nouvelle génération d’allemands et d’européens la vie d’un être monstrueux », celle d’un « criminel moderne », s’appuie à la fois sur les nombreux ouvrages formant une bibliographie de trois pages en fin de livre mais aussi sur des interviews de témoins de l’époque. Son espoir d’interroger les descendants de Heydrich fut déçu par leur refus de parler d’un parent dont les actes n’ont, selon l’auteur, pas suscité chez eux de regrets ou de gestes envers les victimes.
Dans un premier chapitre intitulé « l’officier de marine et les nazis » courant sur la période 1904-32, il est d’abord question du contexte familial dans lequel Heydrich baigna : bourgeois, musicien, patriote tels sont les adjectifs que l’on pourrait accolés à l’enfance du futur numéro deux de la SS. Puis viennent les premiers pas professionnels de Heydrich : marqué par la défaite de l’Allemagne lors de la première guerre mondiale et fasciné par le milieu militaire, le jeune Heydrich , appelé sous les drapeaux dans la marine, décide d’y faire carrière jusqu’à ce que celle-ci subisse un brutal coup d’arrêt en 1931.
Suite à cet échec, l’ex-officier de renseignement, dont les idées völkisch étaient très affirmées et influencé par un entourage en partie gagné aux idées nationales-socialistes, entra dans la SA puis dans la SS en 1931.Le chapitre 2 est l’occasion pour l’auteur de décrire « l’irrésistible ascension de Heydrich ». Dès son entrée dans la SS, il lie son destin à celui d’Heinrich Himmler. C’est ensemble qu’ils vont prendre en deux ans possession de la totalité des services de police du Reich. Parallèlement à cette progression dans la hiérarchie SS, Heydrich démontre tous ses talents d’organisateur et d’officier de renseignements, montant un fichier sur tout et sur tous y compris les hauts dignitaires du régime qui finirent par s’en plaindre, plainte sans suite.Dans le chapitre le plus long, il est question de ce qui a fait un partie de la « renommée » de Heydrich : la solution finale. L’auteur décrit Heydrich comme étant LE grand ordonnateur de l’extermination des juifs ; plus radical que Himmler qui se montrait, dans un premier temps, réticent à utiliser « la méthode bolchevique de l’extermination d’un peuple », méthode selon lui non germanique et impraticable ». Pour appuyer son propos, Dederichs de citer Eberhard Jäckerl (« architecte suprême du génocide », « l’exécutant le plus actif ») et Edouard Husson pour qui Heydrich représentait « le moteur le plus constant des actions les plus radicales de Hitler ». Rappelant les étapes du génocide (voir en annexe une chronologie du génocide), l’auteur évoque l’implication forte de Heydrich: sa volonté de placer à la tête d’einsatzgruppen des membres du SD pour « couler de l’acier dans leurs veines », la réunion de la Wansee, son souci d’efficacité dans la recherche des meilleurs moyens de réussir une extermination de masse bien que n’ayant jamais lui-même directement assisté à l’une d’entre elles. La détermination qu’Heydrich mit à remplir sa mission est la même qu’il mit à tenter d’élucider le mystère de ses origines … juives ; rumeur terrible pour Heydrich, rumeur sans fondements.
Ce chapitre permet aussi de découvrir un épisode peu connu de la vie du chef du RSHA : son engagement dans des opérations militaires. Heydrich, sportif émérite et admirateur de la chose militaire depuis son adolescence mais renvoyé pour indignité de la marine, participa en tant que pilote à des combats aériens lors des campagnes de Norvège, de Hollande mais Himmler mit fin à sa carrière militaire lorsqu’il fut abattu sur le front de l’est.
Entre-temps Heydrich fut appelé à d’autres fonctions : celle de suppléant, de statthalter de Bohême-Moravie. Bien que ce titre indique qu’il ne soit que le numéro deux derrière Konstantin Von Neurath, c’est lui qui disposait de la réalité du pouvoir. Encore une fois, il fit montre de la brutalité que nombre de ses contemporains, comme Walter Schellenberg (« un air de bête féroce ») ou Werner Best (« une personnalité démoniaque ») lui confère.
La relative tranquillité régnant dans le protectorat n’empêcha pas Heydrich de ressentir le besoin de montrer sa force car il considérait qu’un « tchèque était un esclave et chaque bonté est interprétée comme une faiblesse » ; exécutions, déportations et rationnement de population suivirent sa population. Malgré cette brutalité, il pensait honnêtement que la « racaille tchèque » le respectait ce qui peut permettre d’expliquer, en plus du sentiment de supériorité qui l’animait, l’absence de protection dont il disposait lorsqu’il se déplaçait dans le protectorat. Cette faille permit l’attentat du 27 mai 1942. Heydrich ne perdit la vie que quelques jours plus tard. Le protektor de Bohême-Moravie eut droit à des funérailles nationales, on éleva un monument sur les lieux de l’attaque un monument orné d’un buste gardé par des SS jusqu’en 1945. Evidemment, le Reich ne pouvait en rester là et laisser impunément assassiner l’un de ses plus éminents représentants ; des premières exécutions eurent lieu à Prague mais elles ne suffirent pas aux plus déterminés. C’est ainsi qu’il fut décidé de rayer de la carte le village de Lidice : des rumeurs laissaient entendre que ses habitants avaient accueilli des parachutistes tchèques venus d’Angleterre ; il n’en fallut pas plus pour que les SS fassent de Lidice un des lieux symboles de la barbarie nazie qui gagna l’ensemble du protectorat dans une vague de terreur connue sous le nom de heydrichiade.
La fin de l’ouvrage est consacrée au sort réservé aux membres de sa famille, en l’espèce son épouse qui non seulement échappa à la condamnation d’un tribunal tchèque mais parvint à obtenir de l’état allemand une pension de veuve de guerre. Farouche défenseur de son mari, Lina von Osten, bien que passée dans les mains des tribunaux de dénazification, n’en avait pas pour autant, selon Dederichs, abandonné ses idées. De la même façon, nombreux sont les collaborateurs de Heydrich qui connurent un sort plus généreux, seul Otto Ohlendorf fut exécuté.
Reste Heydrich lui-même et son RSHA qui ne furent condamnés par aucun tribunal ce qui amène l’auteur à penser que cette absence de condamnation explique le succès de Heydrich, auprès de nombre de néo-nazis, considéré au choix comme « the naziest nazi oh them all » ou le second des nazis juste derrière le fûhrer.
Nous sommes en présence d’un ouvrage dont l’intérêt se résume à sa situation de première biographie de Reinhard Heydrich; utile aussi par les annexes quoiqu’on puisse les trouver ailleurs: une galerie de portraits intitulée « les acolytes de Heydrich » parmi lesquels il glisse Hitler ( !!!), un organigramme de la sécurité d’état. On peut regretter certaines longueurs notamment quand l’auteur s’étend sur six pages sur la vie du père de Heydrich ou sur toute une série de personnages tels que les chefs des einsatzgruppen.
Enfin il ne faut pas en attendre de cet ouvrage des révélations ni sur l’état nazi, ni sur le génocide. Bien sûr des passages peu connus de la vie du personnage sont évoqués mais les conclusions que l’auteur tire de l’implication de Heydrich dans le mouvement nazi, dans la SS et dans l’extermination sont tout sauf surprenantes : un homme un rien arriviste, obéissant aux ordres, zélé, carriériste. déterminé, sur de son fait, soucieux de revanche sur le système, soit une série de traits de caractères bien banale.
Au final, on est en droit de se demander si l’auteur atteint l’objectif pédagogique annoncé ; mettre en lumière le parcours d’un criminel d’exception. Tout au long du texte, Dederichs cite contemporains et historiens qui qualifient Heydrich « d’homme qui claque comme un coup de fouet », de « jeune et cruel dieu de la mort », « de diable en personne. On peine à retrouver illustrations et analyses approfondies venant appuyer ces citations, l’ensemble du texte étant trop convenu pour susciter un intérêt soutenu.
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