Arnaud Pautet, professeur en classes préparatoires, propose dans cet ouvrage de revisiter un classique, à savoir la chronologie de l’histoire de France.

130 dates pour dire l’essentiel

L’auteur insiste dans son introduction sur la nécessité de choisir des dates et de n’en avoir retenu « que » 130. Il souligne son choix pour ne pas proposer uniquement une histoire politique ou militaire. Il rappelle que les programmes enseignés reflètent autant l’air du temps que les fronts pionniers de la recherche  et qu’en France l’histoire est un « vrai enjeu dans le débat public ». L’ouvrage est structuré en cinq parties, identifiées par un code couleur. Dans une telle configuration très structurée, Arnaud Pautet trouve tout de même le moyen de proposer quelques dates moins attendues, ou encore de corriger des idées reçues à la lumière des travaux récents des historiens. A la fin de l’ouvrage, on trouve un glossaire et un index très utile des personnages cités tout au long du livre. Dans la très grande majorité des cas, le pari de la lisibilité sur un tel format est tenu, mais on relève quand même quelques cartes parfois un peu petites comme celle sur l’Europe du traité de Versailles ou un graphique sur la démocratisation scolaire peu heureux en terme de proportionnalité. 

Une date, une double-page et de nombreuses entrées

Chaque date retenue fait l’objet d’une double-page avec un sous-titre pour indiquer tout de suite le sens de l’évènement. On découvre ensuite le contenu de ce qui s’est passé sur une demi-page organisée en paragraphes. Sur la page de droite, on trouve dans la majorité des cas une carte pour situer, mais il peut également s’agir d’un graphique ou d’un schéma, pour expliquer par exemple ce qu’est un daguerréotype. En-dessous, il y a un encart sur ce qu’on en a dit à l’époque, donc des témoignages, un focus sur un personnage et enfin une réflexion sur ce qu’a apporté l’évènement dans l’histoire. On peut remarquer la volonté de proposer, pour chaque date choisie, une approche la plus variée et la plus complète possible.

La France avant la France

La première fiche est consacrée à Alésia et est très emblématique du fonctionnement décrit. Ainsi, la partie « Ce qu’on en a dit » propose un extrait de « La Guerre des Gaules » et à propos de la portée de l’événement, Arnaud Pautet revient sur le mythe Vercingétorix. Sur Clovis, l’auteur apporte des éléments sur le fameux vase de Soissons où l’on s’aperçoit qu’il ne faut pas prendre au premier degré les écrits de Grégoire de Tours. Un peu plus loin, il corrige aussi certains stéréotypes sur les Cathares. Parmi les dates moins connues peut-être, celle de 602 qui correspond au synode de Chalon qui bouscula le clergé franc. On pourra citer comme autre article celui consacré à la fondation de Cluny qui apporte plusieurs explications au succès d’une telle entreprise avec pas moins de 800 établissements dans l’Occident chrétien. Parmi les 26 entrées qui constituent cette première partie notons également la date de 1143 avec la traduction du Coran en latin.

La naissance de la nation France

Arnaud Pautet braque d’abord dans cette deuxième partie le projecteur sur Saint- Louis, occasion de revenir sur l’image du Roi saint et de la nuancer. Il évoque également les dégâts de la Peste dès 1347 et cite à l’occasion les travaux de Philippe Ariès. L’auteur décortique également la période des guerres d’Italie en précisant ce que fut exactement la bataille de Marignan. Citant Philippe Hamon, il souligne que la glorification de cette bataille repose sur trois références : une chevaleresque avec la figure du roi-chevalier, une impériale avec François Ier en César contre les Helvètes et une religieuse avec le roi vainqueur qui se dit protégé par sa relique de la Sainte Croix. Cette partie comprend quatorze entrées.

La construction de l’Etat moderne

Dans cette troisième entrée se trouvent les grandes dates attendues, que ce soit 1539 avec l’édit de Villers-Cotterêts, ou 1572 pour la Saint-Barthélémy en expliquant au passage l’expression de « saison des massacres ». L’affaire des poisons en 1679 fait l’objet d’une entrée, occasion d’évoquer en prolongement la chasse aux sorcières. Parmi les autres utilisations possibles de l’ouvrage d’Arnaud Pautet, on peut signaler qu’il s’avèrera très utile dans un cadre scolaire comme le montre l’entrée sur 1756 avec Emilie du Châtelet qui fait découvrir les travaux de Newton. Celle-ci constitue en effet un point de passage et d’ouverture du nouveau programme de seconde. Le document iconographique proposé permet une mise en perspective puisqu’il est consacré aux académies et sociétés de lecture en province aux XVII et XVIIIe siècles.

Le XIXe siècle : réconcilier les deux France, monarchique et révolutionnaire

L’année 1789 a droit à trois entrées et on pourra signaler au passage l’intérêt de la rubrique personnage avec ici notamment le duc d’Aiguillon. Rappelons qu’il fut un chaud partisan de la Révolution jusqu’en 1792 et l’un des premiers députés de la noblesse à se rallier au Tiers-Etat. Un peu plus loin, et après avoir évoqué l’abbé Grégoire ou Robespierre, Arnaud Pautet s’arrête sur Jean-Frédéric Perregaux, spéculateur et régent de la Banque de France. Toujours dans la logique des nouveaux programmes de lycée, on relève une utile double-page sur le point de passage et d’ouverture que constitue 1830 avec une carte intitulée « La France des Trois Glorieuses, phare de l’Europe ? ». Poursuivant le fil du XIXe siècle, l’auteur souligne que le baron Haussmann fut controversé car si son œuvre se voit encore, elle fut réalisée au prix d’expropriations et d’un creusement de la dette. Arnaud Pautet poursuit sa mise en avant de personnes comme Maria Blondeau, une ouvrière venue manifester en 1891 et tombée lors de ce premier mai sanglant.

La France entre deux mondialisations

Ce chapitre commence évidemment par la marche à la guerre en 1914 mais aborde aussi la création de l’impôt sur le revenu. C’est l’occasion pour Arnaud Pautet de rappeler ce qu’il appelle « le temps long du ras-le-bol fiscal ». Cette partie voit là encore se succéder les grandes dates attendues comme le 6 février 1934, le Front Populaire en 1936, la rafle du Vel d’Hiv en 1942 ou encore la naissance de l’Etat-providence en 1945, ce qui permet de s’interroger sur son état actuel. Après l’entrée sur la mise en place de la V ème République, l’auteur revient sur la révolte, peut-être oubliée, qui gronda l’année suivante dans les DOM. A part un article sur les lois mémorielles qui embrasse quinze ans, le livre s’arrête en 1992 avec le traité de Maastricht.

Arnaud Pautet réussit donc son pari : le format choisi permet en effet une vision large de la date retenue tout en permettant de glisser, çà et là, quelques éléments historiographiques et de corriger certaines idées reçues. Il lui permet aussi de mettre l’accent sur les acteurs de l’histoire, mêlant grands attendus et personnes moins connues. Cet ouvrage constitue donc un outil de travail à acquérir dont on peut découvrir ici quelques pages.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.