En expansion rapide dès la fin du XIXe siècle, la chimie allemande aspirait à une cartellisation que couronna dans un premier temps la création en 1905 de la “petite IG” associant Bayer, Basf et Agfa. La fusion complète des principaux acteurs de la chimie allemande intervient en 1925 avec la création de l’IG-Farben (la “grande IG”), qui ne tarde pas à s’organiser en branches de métier. L’éclat de sa réussite s’appuie sur l’excellence de son expertise technologique, déclinée en différentes familles à partir du tronc commun nourricier de l’industrie des colorants : médicaments, engrais, matières plastiques, caoutchouc synthétique, textiles artificiels, aluminium et magnésium, carburants de synthèse. L’IG réalise des percées technologiques majeures en mettant au point le polystyrène, la synthèse de l’ammoniac et celle du méthanol. Surtout affectée par la crise de 1929 dans ses débouchés internationaux, l’entreprise tire parti des deux guerres mondiales pour prospérer spectaculairement, même s’il lui faut pour cela passer sous les fourches caudines des exigences militaires de l’État.
La chute de l’Allemagne en 1945 sonne le glas du puissant monopole industriel de l’IG-Farben. Le démantèlement autoritaire de la société par les alliés, qui imposent sa dissolution en 1952, scelle les responsabilités de l’industrie allemande dans le nazisme aux yeux de l’histoire, d’autant que le principaux cadres dirigeants de l’IG ont été jugés à l’occasion d’un procès de Nuremberg bis en 1948. Pourtant, l’auteur formule les arguments d’un timide procès en réhabilitation, en soulignant notamment les allergies idéologiques des patrons de l’IG-Farben à l’égard de la politique antisémite des nazis.
Plus à l’aise sur les dimensions techniques de son sujet qu’à l’égard des problématiques historiques qui leur sont associées, ce petit livre propose un tour d’horizon très factuel qui souffre d’un certain manque de sens de la synthèse. Il s’appuie sur une bibliographie assez courte mais éclectique, qui associe des ouvrages en français, anglais et allemand, et sur la consultation des archives de la société Bayer et des rapports d’enquête alliés de l’après-guerre. Ce survol rapide et modeste a surtout pour mérite son caractère clair et concis, qui lui confère les attributs d’un outil d’initiation à défaut de ceux d’une analyse historique de fond. Il en résulte une étude de cas accessible, aisément déclinable dans les divers registres de l’histoire du capitalisme industriel, de la science ou des deux guerres mondiales. Sous cet angle, il peut notamment être utile aux enseignants du secondaire.
Guillaume Lévêque © Clionautes.