Un petit éditeur toulousain, Le Pérégrinateur, nous propose une collection d’histoires de villes, richement illustrées et rédigées par des universitaires. Après Toulouse et Marseille et avant Bordeaux annoncé pour l’automne, c’est à Jean Pierre Gutton qu’a été confiée la rédaction de l’histoire de Lyon. Cet ouvrage de vulgarisation est destiné au grand public mais l’enseignant d’histoire y trouvera quelques renvois vers les sources et surtout des illustrations textuelles qui font échos aux très nombreux documents iconographiques. Le récit chronologique de l’histoire de la ville évoque autant le passé économique, sociologique que l’histoire politique.

Jean Pierre Gutton, moderniste à l’université Lyon 2, ses sujets de prédilection: histoire des pauvres, des sociétés de secours et du monde ecclésiastique l, il est l’auteur d’une histoire du bruit et des sons mais aussi d’une Histoire de Lyon et du Lyonnais éditée aux PUF.

Dès l’époque néolithique et malgré un site difficile sur un confluent non fixé, les implantations humaines vont profiter de la situation de carrefour entre les mondes rhodanien, méditerranéen, alpin et vers le nord les espaces de la Saône et du bassin de la Loire. L’histoire de la ville elle-même commence avec la fondation de la colonie romaine en 43 avant J.C.. L’auteur évoque les diverses fouilles qui ont permis d’élaborer cette histoire et site les lieux (musées, rues) où l’on pourra retrouver ces traces du passé. Dès l’antiquité la ville connaît trois fonctions: commerciale, sur les grandes routes entre Europe du Nord Ouest et Italie, administrative ou politique et religieuse du culte à l’empereur et à Rome à la position de l’évêque comme chef de l’Église de France.

Lugdunum entre en déclin dès le 3ème siècle. Au Moyen Age gênée par sa position sur la frontière entre Royaume de France et Bourgogne donc Empire, elle se replie sur les rives de la Saône sous l’autorité de ses seigneurs ecclésiastiques. Quand au XIIIe siècle la ville devient française son essor économique s’appuie sur ses foires, franches dès 1206, et sa fonction religieuse avec l’accueil de deux conciles en 1245 et 1273-1275 qui entretiennent une vie intellectuelle malgré l’absence d’une université.
L’évolution de la ville est très marquée par les grands moments de l’histoire française: repli après la grande peste, essor lié à la politique italienne des derniers rois médiévaux. Elle connaît pourtant des spécificités comme le travail de la soie et la banque qui l’une et l’autre se développe rapidement à la Renaissance. L’auteur analyse ce brillant XVIe siècle : commerce, activité textile et rayonnement sur les campagnes proches des Monts du lyonnais à la Savoie, organisation politique avec un consulat de 13 juristes, développement de l’imprimerie, poètes et penseurs: rappelant que c’est à Lyon que fut publié en 1532 Pantagruel et mouvements religieux, Réforme et contre-réforme.
Mais c’est aux XVIIe et XVIIIe siècles que la ville s’étend vers la colline de la Croix Rousse et les ateliers des Canuts où battent les métiers à soie. La ville compte 100 000 habitants dans la décennie 1690. Les projets de “conquête” du confluent et de la rive gauche du Rhône de Delorme et Michel Perrache ne verront le jour qu’après l’épisode révolutionnaire. Le choix fédéraliste de 1792 coûtera à la ville une sanglante répression en 1793.

Pour les deux siècles contemporains l’auteur a choisi de développer d’abord les évolutions politiques avec l’évocation des révoltes des Canuts 1831 et 1834 qui font de la cité, une ville suspecte et surveillée par le pouvoir central, dont le maire ne sera élu qu’à partir de 1882. La ville est redessinée sous le second empire: percement des deux avenues de la presqu’île, endiguement, création du Parc de la tête d’Or. L’auteur montre aussi comment le sort des ouvriers lyonnais a pu susciter une prise de conscience des élites bourgeoises et permet le développement d’un catholicisme social autour d’Ozanam et de la société de St Vincent de Paul puis, au XXe siècle, des prêtres ouvriers du Prado.

On ne saurait écrire une histoire de Lyon sans tenter une explication de la permanence des radicaux à la mairie de Gailleton à Pradel en passant par Herriot. L’auteur met l’accent sur leur action de bâtisseurs bien visible dans la ville. On pourra s’appuyer sur ces quelques pages pour étude, en géographie, du tissu urbain de la métropole lyonnaise.
Cette histoire politique fait bien sûr une place à la seconde guerre mondiale et ses figures: Jean Moulin, Klaus Barbie, Paul Touvier mais aussi la naissance de “Témoignage chrétien” ou “Franc-Tireur”.

L’ouvrage se termine par l’étude des évolutions économiques et sociales: de la première ligne de chemin de fer St Etienne – Lyon à l’essor de la chimie, des innovations d’Ampère, Thimonnier ou des frères Lumière à la trace des missions catholiques parties de Lyon vers Madagascar ou l’Asie avec des hommes comme Pierre Poivre, Emile Guimet ou Ulysse Pila.

Ce livre comporte un index détaillé, les références des textes cités, notamment des extraits de récits de voyages et une bibliographie solide qui s’appuie sur les ouvrages de référence tout en citant des travaux très récents. Les illustrations nombreuses, bien mises en valeur sont sinon inédites du moins peu connues et font de cet ouvrage une bonne base pour qui veut mieux connaître Lyon.

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