Docteur en histoire à l’université Panthéon-Sorbonne Paris I, professeur de lettres–histoire au lycée Rabelais de Dugny et chargé de cours à l’IUT Saint-Denis de l’université Paris XIII-Saint-Denis, Fadi El Hage vient de publier aux éditions Nouveau Monde sa très belle thèse de doctorat sur l’Histoire des Maréchaux de France à l’époque moderne qui a obtenu le prix d’histoire militaire 2011.

Cet ouvrage imposant est divisé en quatre parties : tour à tour, le jeune chercheur se penche sur les thèmes qui suivent :
– Les maréchaux de France en tant que symboles de la continuité monarchique,
– Devenir maréchal de France,
– Les maréchaux de France et le service de l’État,
– Les fortunes et les gloires posthumes du maréchalat.

Chaque partie est divisée en chapitres, ce qui permet de tout savoir sur les maréchaux. La dignité de maréchal de France incarne la gloire militaire de la France. Et, comme le rappelle l’auteur, les trahisons et les décisions funestes de certains de ses membres créèrent un traumatisme durable. A titre d’exemples, il possible de citer Bazaine qui a causé la défaite de Sedan en 1870 et naturellement Pétain qui s’illustra si tristement durant la Seconde Guerre mondiale.

Les maréchaux ne formèrent jamais une entité sociale fermée. Après 1793, la France ne reconnut plus le titre de maréchal. En effet, l’auteur estime que la dignité de maréchal d’Empire constituait une rupture dans l’histoire militaire française, puis celui-ci n’avait pas le même rôle qu’auparavant. En effet, l’auteur note par exemple qu’il faut attendre la création des maréchaux d’Empire pour voir promus des officiers généraux issus des armées de la France révolutionnaire. Ce ne fut qu’à ce moment-là que le bâton cessa d’incarner une confusion des pouvoirs symbolisant l’Ancien régime.

Sous François 1er, le nombre des agents royal augmenta sensiblement et ce fut entre autre le cas des maréchaux. François 1er dut, il est vrai, lutter contre l’Espagne et le Saint Empire romain germanique. Ce qui était totalement inédit, puisque le royaume de France était jusque-là habitué à ne combattre que les Anglais. L’ennemi héréditaire anglais devint, durant cette période, tout à fait secondaire.

Pour l’auteur, le bâton de maréchal rappelait le spectre royal : le maréchal représentait la souveraineté royale. Les maréchaux étaient considérés comme des experts militaires et exerçaient de surcroît une fonction judiciaire dans le cadre de la juridiction du point d’honneur. Le maréchalat constituait l’aboutissement d’une ascension sociale. Rares étaient les maréchaux qui moururent au combat ou bien de mort violente. Turenne fait donc figure d’exception.

L’ouvrage est très complet et très documenté. Il comprend notamment la liste de tous les maréchaux de l’histoire de France. Le lecteur apprend par exemple que le premier maréchal remonte à l’époque des Mérovingiens. Connut une large diffusion l’idée pourtant excessive selon laquelle l’on eût pour habitude de récompenser une majorité de vieillards aux services peu reluisants. De nos jours, le bâton de maréchal n’est qu’une récompense de temps de guerre. Il n’y a actuellement plus de maréchal en France. L’auteur rappelle que le général de Gaulle était hostile à ce titre de maréchal de France. La fonction de maréchal incarnerait en effet une confusion des pouvoirs. Louis Philippe y fut également hostile.

La brillante étude de Fadi El Hage ouvre de stimulantes perspectives de réflexion et mérite de figurer dans toute bonne bibliothèque en raison de son érudition tous azimuts et de son style fort agréable à lire. Ce livre permet de découvrir cette fonction originale qu’est le maréchalat. Sans verser dans la basse idolâtrie, loin s’en faut, l’auteur rend un hommage appuyé à certains d’entre eux, comme Turenne, Vauban et bien d’autres maréchaux qui s’illustrèrent de la meilleure des façons.

Jean-Paul Fourmont