Docteur en histoire, Didier Le Fur est l’auteur de plusieurs biographies consacrées à Louis XII, Charles VII et Henri II. Il vient de publier L’Inquisition. Enquête historique. France, XIIIe-XVe siècle, paru aux éditions Tallandier.
Dans cet ouvrage, Didier Le Fur entend rétablir la vérité sur l’Inquisition en battant en brèche certains poncifs. La chose n’est vraiment pas aisée, tant l’Inquisition dérange. Pis, c’est un sujet qui fait tâche pour l’Église. Celle-ci apparait d’ailleurs dans le film « Au nom de la rose », où l’on comprend très bien son aspect obscur : chasse aux sorcières, procès, torture, bûchers, c’est tout ce qu’évoque l’Inquisition pour tout un chacun.
Ce tribunal pontifical créé par le pape Grégoire IX entre 1231 et 1233 avait initialement une noble mission consistant à sauver les âmes. Son but était de combattre les dissidences religieuses, comme les Vaudois et surtout les Cathares. La croisade de Simon de Montfort en pays albigeois laissa un cruel souvenir. A cette occasion, Simon de Montfort prononça une phrase célèbre « tuez-les tous, dieu reconnaitra les siens ». Un aphorisme qui résume en quelque sorte le vice congénital de l’Inquisition. Cette phrase aurait été prononcée à Béziers, donc pas en pays Albigeois et pas par Simon de Montfort mais par le légat du Pape, Arnaud Amaury. Note Bruno Modica
Sauf cas particuliers toutefois, les Juifs ne furent pas d’après l’auteur victimes de l’Inquisition. Les inquisiteurs exerçaient leurs fonctions sous le contrôle du pape et de leur ordre religieux. En principe, le prévenu n’avait pas droit à un avocat. En règle générale, l’Eglise rejetait par ailleurs les mauvais traitements, mais il y eut malheureusement beaucoup d’excès. Comme Rome était loin, les plus hautes autorités de l’Eglise ne pouvaient pas tout contrôler.
Cependant, l’Inquisition s’effondra à partir de 1330. Philippe Le Bel se servit de l’Inquisition pour écraser les Templiers. La sorcellerie permit à l’Inquisition de survivre jusqu’au Moyen Age. C’est au pape Jean XXII qu’on doit l’action de l’Inquisition contre le diable. En effet, ce pape s’était persuadé que le démon le persécutait. Il voyait le mal partout. Pour ce pape, l’hérésie n’était plus seulement une affaire d’opinion, mais elle se manifestait également par quelque chose.
Il ne fut pas difficile de persuader le monde rural de tout cela. En effet, les paysans n’avaient pas renoncés à leurs pratiques ancestrales. Tout ce qui n’était pas la norme était poursuivi, comme les homosexuels. L’Eglise se mit à combattre les « sectes » avec l’aide de l’Inquisition. La royauté et l’influence grandissante du parlement de Paris contrôlèrent de plus en plus les procès de l’Inquisition. De la compétence de l’église, il ne resta finalement plus que les cas d’hérésie simple.
Ce livre résume parfaitement l’état des connaissances de l’Inquisition. Il comporte une bibliographie et des modèles d’interrogatoire ainsi qu’une chronologie. Cette enquête est une réussite !
Jean-Paul Fourmont