La série de L’Histoire dessinée de la France se poursuit avec ce troisième opus, consacré à la période romaine de la Gaule, jusqu’à ce que l’on a appelé les « Grandes Invasions » (comme il y eut de « Grandes Découvertes »), aux temps où l’on usait (et abusait) des superlatifs pour qualifier ce qui arrivait à l’Europe occidentale.

L’universitaire Blaise Pichon s’est ici associé au dessinateur Jeff Pourquié pour nous donner un aperçu très synthétique et très pertinent de cette longue période. L’historien est mis en scène, et, comme dans les précédents volumes, il est confronté à quelques-uns de ses prédécesseurs, en l’occurrence Camille Jullian (mort en 1933) et Edward Gibbon (mort en 1794). Ce rapprochement est intéressant, car il permet de percevoir l’évolution des conceptions sur le passé, et des mots et expressions utilisés pour le qualifier. Les deux s’opposent ainsi sur la notion de « Gallo-romains », qui n’est qu’une vue de l’esprit selon Blaise Pichon, au sens où cela donne à croire que l’ensemble de la société gauloise s’est romanisée. Si cela est vrai des élites, qui ont recherché et ainsi encouragé la romanisation, la question reste entière pour le reste de la société, qui n’a laissé que peu de traces. On suit ainsi des divinités gauloises, Taranis, Épona, Cernunnos et Lug, dont l’influence tend à régresser tout au long de la période.

Mais les pérégrinations de Blaise Pichon durant les cinq siècles nous font explorer de multiples aspects de ce que devient progressivement la Gaule. La fiscalité, l’alimentation, la religion (et notamment l’expansion du christianisme), le commerce, les équipements urbains (les thermes…), etc. On voit aussi l’influence de plus en plus grande de l’armée, notamment dans la succession impériale, et comment l’Empire compose avec les peuples dits « barbares ». Blaise Pichon règle son compte à l’idée d’une chute de l’Empire romain, pour reprendre partiellement le titre de l’ouvrage principal d’Edward Gibbon. Il lui préfère l’idée d’une transition entre le monde antique et le monde médiéval, le pouvoir romain passant progressivement aux mains de puissances locales.

L’ouvrage comprend une seconde partie, beaucoup plus fournie, qui permettra de revenir sur un certain nombre des thèmes traités dans la bande dessinée. On y trouvera ainsi un point sur l’historiographie du XIXe siècle, fortement influencée par les textes antiques, faute de disposer des données de l’archéologie contemporaine, et soucieuse de légitimer les idéologies nationalistes de cette époque. On y lira aussi des pages très intéressantes sur les rapports entre Gaulois et Romains, entre résistance et collaboration, mais aussi sur l’établissement des cités, sur la religion, le commerce, et enfin sur la fin de l’empire romain.

À cela s’ajoute une galerie de portraits, une brève frise chronologique, et une bibliographie.

Comme les autres albums de la série, ce troisième volume répond aux attentes des lecteurs les plus exigeants, mais aussi des béotiens désireux d’approfondir leur culture générale. N’oublions pas le public beaucoup plus jeune, notamment scolaire, qui pourra se satisfaire de la partie dessinée et avoir ainsi une approche sérieuse sous une forme attractive.


Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes