« Arrive un moment où la question de tuer au nom de Dieu ne se pose plus… Nous tuons, nous prions … et nous recommençons… ».

Pierre Boisserie & Éric Stalner, Saint-Barthélemy, L’intégrale, Éditions Les Arènes, 2018, p. 15.

Paris, 24 août 1572, entre 2500 et 3000 morts au nom de Dieu !

 

Présentation de l’éditeur. « Les guerres de Religion gangrènent la France dans sa totalité. Le fanatisme s’instille patiemment, incontrôlable, dévastateur, aveugle.

En 1562, Élie de Sauveterre, un jeune protestant, rejoint l’armée du prince de Condé pour retrouver son frère et sa sœur enlevés par les papistes. Des premières escarmouches au déchaînement ultime de la Saint-Barthélemy, emporté comme les autres par cette vague de violence frénétique, il sera bien malgré lui le héros de cette histoire-là ».

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Les trois volumes de la série Saint Barthélemy avec Pierre Boisserie et Éric Stalner, superbement mis en couleurs par Florence Fantini, sont réunis ici dans une intégrale toilée avec jaquette et plongent le lecteur ou la lectrice au cœur de la tourmente de l’Histoire et des évènements d’août 1572.

L’histoire d’un évènement tragique des Guerres de religion en France… Quand la(les) petite(s) histoire(s) rencontre la Grande.

L’album débute en 1562, dans le Sud-Ouest d’un royaume de France divisé par les guerres de religion entre « catholiques idolâtres » et « protestants hérétiques » (p. 3). Des paysans huguenots du domaine de Sauveterre se font massacrer. François Escat, baron de Sauveterre et son fils aîné Élie, s’empressent d’aller repousser les papistes en laissant le château sans aucune garde. Dans un combat acharné, les catholiques sont chassés mais à leur retour, les Sauveterre découvrent que le château a été attaqué et que les plus jeunes enfants du baron, Clément et Éloïse, se sont faits enlever par les papistes. Leur frère Élie, effondré et furieux, part à leur recherche et finit par intégrer l’armée protestante du prince de Condé à Orléans.

Dix ans plus tard, changement de décor, les planches nous plongent à Paris, le 16 août 1572, à la veille d’un mariage, celui d’Henri de Navarre et Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX (celle-là même qui entrera dans la légende sous le surnom de reine Margot). Les assistants de la noce, tant catholiques que huguenots sont très agités en raison de la rumeur d’une prochaine guerre contre l’Espagne catholique du roi Philippe II. L’amiral Gaspard de Coligny, chef de la faction protestante et principal conseiller du roi, a été appelé par la reine mère à la Cour en même temps qu’elle écarte les Guise. Depuis plusieurs mois, il tente de convaincre le roi d’envahir la Flandre, possession espagnole. C’est dans cette ville où les tensions entre les deux camps sont latentes qu’arrivent Élie et son père. Le matin du 22 août, soit quatre jours après le mariage princier, un capitaine gascon blesse Coligny de deux coups d’arquebuse. Cette tentative d’assassinat fait voler en éclat l’illusoire et fragile paix de Saint-Germain et la mécanique du fanatisme s’enclenche, entraînant contre son gré Élie de Sauveterre dans les évènements sombres et sanglants des massacres de la Saint-Barthélemy.

Cette bande-dessinée, véritable fresque historique solidement co-construite par Pierre Boisserie et Éric Stalner, mêle éléments fictionnels à des faits historiques solidement documentés. Elle permet ainsi sur fond des péripéties et du destin tragique d’une famille béarnaise qui, à l’image du royaume de France au XVIe siècle, est déchirée par les guerres de religion, de suivre à grands traits les grands évènements politiques de la périodes et les intrigues menées par des personnages historiques (Henri de Navarre, la Reine Margot, Catherine de Médicis, Le roi Charles IX ou encore l’Amiral de Coligny…) et des acteurs fictifs dans un récit jubilatoire et sordide d’un des évènements les plus sombres de l’Histoire de France. Les planches, toutes plus soignées et macabres les unes que les autres renforcent le côté tragique où se mélangent histoire et fiction pour le plaisir du lecteur qui spectateur des faits, ne peut pratiquement reprendre son souffle et avec effroi suivre cet enchaînement de sang et de larmes.  L’histoire est forte, les images lugubres mais puissantes. Bien entendu, cette bande-dessinée peut servir de support à l’enseignant.e qui désirerait bâtir une séance sur la Saint-Barthélemy à destination par exemple d’élèves de 5e ou de seconde (notamment autour de la question de la « violence » et du « fanatisme » https://lycee.clionautes.org/le-massacre-de-la-saint-barthelemy-1572-etude-sur-un-evenement-majeur-des-guerres-de-religion-en-france-tache-complexe.html) mais elle ravira également tout amateur ou amatrice de bande-dessinées historiques. À lire et acquérir pour soi et pour le CDI de son établissement !

Pour aller plus loin :

  • Denis Crouzet, « La violence au temps des troubles de religion (vers 1525 – vers 1610)», Histoire, économie et société, t. I, no 4,‎ 4e trimestre 1989, p. 507-525.
  • Denis Crouzet (préf. Pierre Chaunu, avant-propos de Denis Richet), Les Guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610, Seyssel, éditions Champ Vallon, coll. « Les classiques de Champ Vallon », 2005, 783-747 p.
  • Denis Crouzet, « Enquête sur un massacre : la Saint-Barthélemy », L’Histoire, no175,‎ mars 1994, p. 94-101. Voir également « Polémique sur la Saint-Barthélemy » (courrier des lecteurs), réactions de deux lecteurs et de Janine Garrisson aux propos de cet entretien, ainsi que la réponse de Denis Crouzet dans L’Histoire, no 177, mai 1994, p. 80-81. Autre réaction : Nicole Lemaître, « Les dangers de l’histoire virtuelle » (tribune), L’Histoire, no 180, septembre 1994, p. 79.
  • Denis Crouzet, La Nuit de la Saint-Barthélemy : un rêve perdu de la Renaissance, Paris, Fayard, coll. « Chroniques », 1994, 656 p.
  • Arlette Jouanna, La Saint-Barthélemy : les mystères d’un crime d’État, 24 août 1572, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », 2007, 407 p. [Compte-rendu en ligne].

 

 

Mort de Coligny©Les arènes édition 2018

 

Tocsin annonciateur du massacre ©Les arènes édition 2018
Paris, 24 août 1572©Les arènes édition 2018
Chasse de protestants ©Les arènes édition 2018

 


©Rémi Burlot, pour Les Clionautes