Après un premier volume très prometteurVoir le compte qui en a été fait dans la Cliothèque., on avait hâte de découvrir le deuxièmeVoir la présentation sur le site de La Découverte. (en attendant les autres…). Si le tome introductif avait été mené par Sylvain Venayre (par ailleurs directeur de la collection) et Étienne Davodeau, on doit le présent à Jean-Louis Brunaux et Nicoby. Fidèle au principe de la série, un historien est associé à un dessinateur.

On connaît Jean-Louis Brunaux comme spécialiste de la Gaule, en tant qu’archéologue et chercheur au CNRS, d’autant que les Clionautes ont rendu compte de certains de ses travauxLes Gaulois expliqués à ma fille, Le Seuil, janvier 2010, 106 pages, 8 €.
La Gaule, une redécouverte, compte rendu de la présentation du n° 8~105 de «La Documentation photographique», paru mai-juin 2015, qui avait été faite lors des Rendez-Vous de l’Histoire à Blois, le 9 oct. 2015.
. On recommandera notamment son Nos Ancêtres les GauloisParu chez Seuil, coll. «Points Histoire», 2015.. Il est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes de la période.

NicobyDont on peut lire l’autobiographie sur le site de La Revue dessinée. a participé à plusieurs enquêtes parues dans La Revue dessinée, notamment «Les écoutes made in France» (n° 6), «C’était la bande à Pilote» (n° 4), et «L’empire du jeu», sur le développement d’Adidas (n° 8). On lui doit aussi Une Vie de papa, paru cette année chez Dargaud.

Le propos de L’Enquête gauloise est de faire un point historiographique et de voir en quoi les connaissances que l’on avait sur la Gaule et les Gaulois ont été renouvelées, notamment grâce aux nombreuses campagnes archéologiques. Pour aider à le comprendre, on suit les auteurs au gré de leurs pérégrinations anachroniques ; certains personnages antiques font le trajet inverse, et se retrouvent projetés à l’époque contemporaine, comme César lors d’une séance de dédicaces de sa Guerre des Gaules. Par ce procédé, on trouvera des réponses aux questions qui ouvrent les chapitres :

  1. «Gaulois, qui êtes-vous vraiment ?» (p.2) ;
  2. «Une certaine idée de la Gaule» (p. 31) ;
  3. «Des âmes et des dieux» (p. 54) ;
  4. «Combattants sans frontières» (p. 76);
  5. «Made in Gaule» (94);
  6. «Au nom de la loi» (p. 122);
  7. «La guerre des Gaules n’a pas eu lieu» (p. 144).

Comme l’annonçait le premier volume, le but est de remettre en question les idées préconçues que l’on peut avoir. Il en est ainsi de la conquête romaine, qui ne s’explique pas tant par les talents de stratège de César et une supériorité militaire romaine, mais surtout par les profondes divergences qui sont nées bien antérieurement entre les tribus gauloises, notamment du fait de leurs intérêts économiques. C’est d’ailleurs l’une des occasions de comprendre l’importance de l’apport archéologique, qui vient nettement contrebalancer la version du vainqueur, d’autant que les Gaulois n’ont pas laissé de traces écrites.
L’album permet de nuancer très fortement l’image de barbares dont on a affublé ces peuples : l’invasion de Rome et de Delphes n’y sont pas pour rien. Les auteurs nous montrent l’ancienneté des relations entretenues avec les autres civilisations, notamment méditerranéennes, qui ont débouché sur des échanges de toute nature. On mesure également le degré de développement auquel les Gaulois sont parvenus, en matière militaire, mais dans leur organisation sociale et politique (notamment diplomatique), l’agriculture, les moyens et les structures de déplacement, etc.

Là encore, comme pour le premier volume, la partie bande dessinée est complétée par un dossier d’une dizaine de pages, qui vient compléter chacun des sept chapitres. On a également deux pages de sources diverses (ouvrages, films…) pour qui souhaiterait aller plus loin.

On recommandera l’ouvrage, très réussi, à un public curieux, d’autant que l’effort pédagogique des auteurs a été particulièrement important : en plus des compléments apportés par les dossiers, des cartes, des chronologies sont proposées. Si un minimum de culture est requis pour mieux profiter de cette «Enquête gauloise», on ne doit pas s’en détourner a priori : avoir lu les albums des aventures d’Astérix peut constituer un bon préalable, ne serait-ce que pour mesurer l’écart entre cette vision particulière du monde gaulois (due à ce qui en a été longtemps enseigné). C’est d’ailleurs le bagage avec quoi Nicoby entre dans l’histoire : le quasi-béotien peut donc le suivre en toute confiance.

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Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes