L’heureuse entreprise de La Revue dessinée et de La Découverte se poursuit. Avant trois nouvelles livraisons prévues cette année (« Les Carolingiens », tome 5 ; « La Renaissance », tome 9 ; « Les guerres de religion », tome 10) et en attendant le tome 6 consacré aux temps féodaux (dont la date de sortie n’est pas encore annoncée), nous sont offerts deux volumes sur le Moyen Âge. On sera alors presque à la moitié de la collection, qui doit en compter vingt.
Le premier est consacré aux croisades, et le second aux trois fléaux qu’ont eu à subir les populations européennes. On rappellera le principe général : chaque thème est confié à des historiens spécialistes de la période et du thème retenu, et à des illustrateurs. On a ainsi deux grandes parties : la première (qui occupe environ les deux-tiers du volume) est une bande dessinée (toujours co-écrite par les deux auteurs) et une partie plus scientifique. Le tout repose sur les dernières avancées historiographiques, ce qui permet d’avoir à chaque fois un ouvrage de vulgarisation très sérieux, ce qui n’exclut pas l’humour. De telle sorte qu’un très large public peut y trouver son compte, des élèves du primaire (accompagnés, car de nombreuses questions sont à prévoir) aux adultes soucieux de parfaire leurs connaissances.
Le volume sur les croisades met en valeur deux personnages contemporains : un « passionné » d’histoire et une scénariste. Ils plongent littéralement dans le Moyen Âge, ce qui leur permet de rencontrer les protagonistes de la période et de s’imprégner de son atmosphère. Le récit ne prend pas tout de suite pour cadre les seules croisades. Le duo arrive en effet à Reims en 1223, au moment du sacre de Louis VIII. C’est l’occasion de découvrir la cathédrale, dont on s’étonne (même si elle est inachevée, comme elle le demeurera comme tant d’autres) de l’absence de peintures tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. On parcourt le monde urbain et le monde rural, ce qui permet d’évoquer assez rapidement ce qui les caractérise : le poids des redevances, celui de l’Église, mais aussi l’antisémitisme, etc. Un retour en arrière dans le temps, et on se retrouve à Vézelay en 1146, au moment où Bernard de Clairvaux prêche la croisade ; on rencontre également Guillaume le Maréchal, dont l’ouvrage de Georges Duby avait permis de reconnaître en lui un modèle de chevalier. On arrive alors à Aigues-Mortes, pour embarquer sur un navire génois à destination de Tunis, avant de faire cap sur la Sicile, en 1282, au moment des vêpres siciliennes. De retour sur le continent, à Marseille, le duo rejoint la route de Saint-Jacques-de-Compostelle par la via Tolosa. Chemin faisant, on découvre la croisade albigeoise, les Cathares et évidemment l’Inquisition, et l’héritage de la science musulmane. Ceci n’est qu’un résumé très approximatif, tant les auteurs ont désiré aborder beaucoup de thèmes médiévaux. Le résultat n’est pas très simple à suivre pour un historien : on s’attend à un fil chronologique, mais c’est en réalité un parcours géographique qui se déroule et permet d’évoquer tel ou tel aspect des choses, à la façon d’un touriste ; c’est finalement ce que sont les deux principaux personnages. Il n’est pas certain que de jeunes lecteurs puissent s’y retrouver : un avertissement sera de mise. La partie scientifique offre une meilleure cohérence du propos au travers de thèmes tels que l’engouement pour le Moyen Âge (le « médiévalisme »), tant dans les films que les jeux vidéo, les croisades, l’invention de la chrétienté, la société rurale, le monde urbain, etc.
Le volume sur la mort propose une lecture de la bande dessinée beaucoup plus facile. Le thème offre un regard sur les épisodes qui se soldent bien évidemment sur une forte mortalité. C’est aussi un biais assez original pour entrer dans les rapports sociaux et la violence qu’ils entraînent parfois. On passe ainsi du travail salarié aux crises alimentaires, des guerres (y compris les croisades que l’on retrouve donc) aux épidémies. En route, on découvre certaines conséquences de cette mortalité importante, dans le domaine politique par exemple, avec les perturbations occasionnées dans les successions dynastiques monarchiques (sans oublier la papauté), mais aussi le ralentissement sinon l’arrêt des activités économiques. Les auteurs évoquent aussi la recherche de coupables avec un fort développement de l’antisémitisme, les processions et rites expiatoires. Le XVe siècle marque une accalmie : la mortalité recule. Le volume sort des sentiers classiques et séduit par le choix du thème de la mort, dont on comprend ce qu’elle implique, tant lors des pics que de son reflux. La partie scientifique aborde des thèmes tels que les trois fléaux, le long conflit entre la couronne française et anglaise, la papauté, la culture (savante) médiévale, et une galerie de portraits assez originale puisqu’elle s’appuie sur des monarques ou François Villon, mais aussi la Mort.
Tome 7. « Et si on partait en pèlerinage ? Deux passionnés des croisades – et de Game of Thrones – se retrouvent à prendre la route pour revivre l’expérience des pèlerins des XIIe et XIIIe siècles. Au cours de leur voyage initiatique, non pas à la recherche du Graal mais sur les traces des croisés, ils traversent les siècles et multiplient les rencontres insolites. Moine voleur de reliques, marchands, laboureurs, chevaliers, inquisiteurs et hérétiques : tous témoignent des conditions de vie et des croyances de leur temps. De Londres à Toulouse, en passant par la Champagne, Vézelay, Tunis et Palerme, nos deux pèlerins se jouent de la chronologie pour mieux plonger au cœur de cette période charnière du Moyen Âge où peu à peu prend forme le royaume de France.
Tome 8. « Famines, guerres, épidémies : la Mort s’est bien amusée entre le XIIIe et le XVe siècle ! C’est donc à elle que les auteurs de ce volume ont confié le récit de cette époque sanglante. Déambulant à travers Saint-Denis, où sont enterrés Philippe le Bel et Bertrand du Guesclin, la Grande Faucheuse raconte avec délectation comment elle ramassa par millions les cadavres laissés par la peste noire et la guerre de Cent Ans. Amatrice de décès en tous genres, elle n’oublie évidemment ni le supplice crépitant de Jeanne d’Arc à Rouen ni les batailles intestines qui déchirèrent les familles royales. Sans se départir de son humour tranchant, notre guide raconte finalement comment une première idée de nation émergea en France de ces féroces affrontements ».