L’auteur, économiste de formation est journaliste (La Croix, Agriculture Magazine, La France Agricole). Il a publié un certain nombre d’ouvrages dont Le retour des paysans, le cherche midi éditeur, 1993, chez le même éditeur en 2007 Le loup, l’homme et Dolly, PAC GATT OMC, le grand chambardement avec Jacques Blanchet, Dunod, 1995.

Dans un long prologue l’auteur évoque sa famille paysanne dans une campagne qui évolue, un moment de nostalgie : « Mes parents considéraient qu’un monde était en train de disparaître »1. C’est l’histoire « en train de s’achever avec l’abandon de ce patrimoine rural plus que millénaire, laissant la place à une agriculture industrielle, à une nourriture standardisée que l’auteur se propose de retracer en deux lourds volumes, plus de 1000 pages, dont il évoque à grands traits, dès le prologue, les principales étapes : la révolution néolithique, les effets de la révolution industrielle, l’émergence des nouvelles technologies

SACRÉES ORIGINES !

« L’une des premières étapes du processus qui débouchera sur la naissance de l’agriculture débute il y a plus de 14 000 ans en Galilée » ainsi commence cette vaste frise du temps long. Il reprend les travaux de François Valla2 sur les débuts de la sédentarisation, de Jean-Denis Vigne3 sur les premières domestications et les causes de ces innovations et les conséquences sur l’environnement (déboisement, aménagements hydrauliques). Outre le croissant fertile il évoque le riz en Chine ou les tubercules en Asie du Sud-Est, l’association maïs-courge-haricot de l’Amérique, le mil et le sorgho africains, montrant l’existence de plusieurs foyer de domestication tant animale que végétale. Avant sa diffusion vers l’Europe l’auteur fait un point sur la civilisation mésopotamienne.

Il montre que naît, sans doute, une nouvelle relation à la nature reprenant les propos de « Marcel Mazoyer dans La Plus Belle Histoire des plantes »4 qui met en relation des univers botaniques, des groupes humains, des civilisations diversifiées avec leurs plantes sacrées et leurs rituels agraires sans oublié le nomadisme qui permet de relier éleveurs nomades et grandes religions du Livre.Il pose la question du rapport de la sédentarité et de l’agriculture à l’écrit : à Sumer, en Egypte, les premiers traités antiques d’agronomie comme Les Travaux et les Jours d’Hésiode ou L’Agriculture nabatéenne d’Ibn Wahshiyya et Columelle bien sûr.

Un long et riche développement conduit le lecteur de la protohistoire à l’Antiquité.

DES TEMPS GAULOIS À L’ÉPOQUE MÉDIÉVALE

S’appuyant sur les écrits de Strabon l’auteur décrit l’agriculture en Gaule et les activités artisanales associées (charronerie). Il évalue les apports de la conquête romaine et l’organisation du territoire : pagus, vicus, villa et le développement de la viticulture. Si les « invasions barbares » (on peut regretter le choix de ce terme) ont entraîné des destructions la victoire des Francs s’accompagne d’une régression du statut des paysans et la naissance progressive du servage médiéval dans une période de troubles,de dérèglements climatiques et de disettes. L’auteur montre la lente évangélisation des campagnes. Il décrit la situation en Gaule carolingienne et cite le capitulaire De Villis, le système féodal et un certain renouveau à partir du XIe siècle : meilleurs rendements, innovations techniques sans, me semble-t-il, suffisamment nuancer la diffusion de l’assolement triennal. Il montre les défrichements et avec Robert Fossier5 le rôle du bois-énergie et les premiers gains sur la nature : alpages, polders, une période faste comme le résume Fernand Braudel : « Entre 1350 et 1550, l’Europe a connu une période de vie individuelle heureuse »6, époque des villages autour de l’église, lieux de sociabilité.
Un paragraphe traite des apports des croisades et de l’influence des agronomes arabes (en particulier Ibn al-Awwam – Le Livre de l’agriculture) en Andalousie et étudiés par Lucie Bolens7.

L’auteur montre également le rôle des monastères et leurs jardins mais aussi leurs exploitations agricoles notamment les Cisterciens. Il montre comment les progrès de l’agriculture favorisent le développement du commerce, des villes et conduisent à une Europe des marchands. Une place particulière est faite au monde de l’élevage.

Enfin les crises du XIVe siècle sont évoquées entre peste, disettes, jacqueries et guerres.

LES TEMPS MODERNES

Après un recul la croissance démographie repart à partir de 1440, notamment en France ce qui permet quelques nouveautés : pastel, chanvre… émergence du fermier-laboureur d’Île-de-France étudiés par Jean-Marc Moriceau8, l’auteur s’appuie sur les grands classiques que sont le Journal du sire de Gouberville9 et les travaux des historiens modernistes des années 60 -70 : Le Roy Ladurie, Pierre Goubert…

L’auteur montre aussi une « nouvelle géographie alimentaire mondiale » avec de nouvelles denrées rapportées d’Orient puis d’Amérique : épices, sucre de canne, indigo, maïs, patate, tomate… et le renouveau, avec le soutien des souverains, de la recherche botanique : Pierre Belon, André Thevet, Jean Nicot et le renouveau de la pensée agronomique avec les travaux d’Olivier de Serres à qui l’auteur consacre une dizaine de pages, écrits diffusés dans les almanachs ou avec La Quintinie, directeur des fruitiers et potagers royaux. L’auteur évoque plus généralement les progrès de la science des XVe au XVIIIe siècles. Il n’oublie pas pour autant la misère paysanne sous Louis XIV.

L’AGRICULTURE AU SIÈCLE DES LUMIÈRES

L’auteur aborde cette période par un nouveau rapport au vivant : monde plus vaste, découvertes de nouvelles civilisations grâce aux récits de voyage, le regard sur la nature devient plus scientifique. L’auteur décrit un monde de commerce, de concurrences et de spéculation autour du café, de l’introduction de plantes tropicales dans les grands jardins botaniques et des livres des botanistes qui se multiplient en Europe (Charles de L’Écluse, Mathias Delobel, Conrad Gesner, John Ray et les Jussieu), c’est le début de la classification avec Tournefort et Linné. L’auteur passe en revue les grands noms des Lumières : Buffon, Lamarck, Cuvier, Lavoisier ou plus littéraires Rousseau et Goethe. Ce sont aussi les débuts de l’économie politique (Ricardo), un paragraphe sur le colbertisme semble un peu égaré juste avant la présentation de L’Encyclopédie et du mouvement des physiocrates.

Après la politique de Turgot en France l’auteur décrit les révolutions agricoles hollandaise puis anglaise qui inspirent Louis Duhamel du Monceau, l’un des plus grands agronomes français, selon Denis Lefèvre qui montre, par de nombreux exemples, les découvertes scientifiques qui font évoluer les pratiques agricoles et l’élevage et marquent les débuts de la science vétérinaire.

LE TEMPS DES RÉVOLUTIONS

Après un tableau de l’agriculture et l’élevage à la veille de 1789 qui s’appuie sur l’ouvrage de Jean Boulaine, Histoire de l’agronomie en France10 et les descriptions de l’ incontournable Arthur Young mais aussi de Thomas Jefferson, de Nicolas Restif que l’auteur qualifie de premier écrivain paysan, il traite de l’attitude paysanne durant la Révolution (cahiers de Doléances, Grande Peur, naissance d’une nouvelle classe de paysans-propriétaires) et sous l’Empire (code rural, premières sociétés d’agriculture). C’est l’époque de la diffusion réelle de nouvelles cultures : Maïs, betterave, pomme de terre dont l’auteur retrace l’implantation de Parmentier à Deyeux et Barruel (betterave sucrière), denrées qui conduisent à la naissance de l’industrie agro-alimentaire: sucreries, appertisation, chocolaterie – Menier 1824, machine frigorifique – 1834. C’est aussi l’époque où se constitue le corpus d’un art culinaire bourgeois.

L’auteur aborde ensuite les travaux de trois savants qui vont révolutionner la connaissance et influer sur l’agriculture et l’élevage : Darwin, Mendel et Pasteur. Si le premier change le regard sur la nature le second, « inventeur de la générique », va permettre de comprendre la sélection des espèces cultivées et le troisième influencer à la fois l’élevage (vaccination de moutons contre la maladie du charbon) et les techniques de conservation (étude sur la fermentation).

LA FIN DE L’AGRICULTURE DE GRAND-PAPA

L’apogée de cette agriculture commence avec les années 1830 : progrès du machinisme, sélections végétales notamment des blés, engrais, médecine vétérinaire et progrès généraux de l’élevage. Ce tableau demeure général ne prenant pas assez en compte les différences régionales même si les exemples choisis sont clairement localisés. Suivant les travaux de Jean-Luc Mayaud11 l’auteur montre la dynamique des comices et concours agricoles et le rôle de l’aristocratie terrienne et notamment en matière de sélection animale pour faire face à une demande urbaine croissante, à noter les premières initiatives vers un droit des animaux. En matière agricole c’est la naissance de l’empire Vilmorin dont l’auteur retrace l’histoire, aujourd’hui racheté par le 4e semencier mondial Limagrain mais aussi l’aventure des engrais à partir des travaux de l’Allemand Liebig et du Français Boussingault même dans les campagnes les sols s’appauvrissent faute de fumure jusqu’à l’adoption à la fin du siècle des fumures minérales. Autre domaine où la science progresse au bénéfice de l’agriculture et de la santé humaine : la lutte contre les insectes, les champignons (ergot de seigle, mildiou, phylloxera…) sans toutefois empêcher la crise du vignoble français qui conduit à la révolte du midi en 1907.

Le chapitre se termine sur ce que l’auteur nomme les « Sources de l’écologie », avec les observations d’Isaac-Bénédict Prévost, A. de Bary, Édouard Ernest Prillieux… Paul Marchal, l’un des pionniers de l’entomologie et spécialiste de l’embryologie des insectes qui montrent l’existence des interrelations du vivant, d’un « système nature ». C’est à l’Allemand Ernst Haeckel que l’on doit l’invention, en 1866, du mot « écologie » et l’auteur présente les travaux de Humboldt, d’Edgar Transeau qui établit le bilan énergétique d’un écosystème ou du Russe Nicolas Vavilov. Un paragraphe est consacré à la gestion écologique de la forêt notamment en France.

LA RÉPUBLIQUE DES PAYSANS

Ce dernier chapitre du premier tome est consacré à la place des paysans en politique : en France avec le suffrage universel (1848). Le paragraphe sue la charrue Dombasle et son inventeur s’il montre les progrès du machinisme agricole aurait sans doute plus sa place dans le chapitre précédent. C’est ce même Mathieu de Dombasle qui crée la première école supérieure d’agriculture en France. Le XIXe siècle est marqué par la naissance de l’économie rurale (Adrien de Gasparin, Léonce de Lavergne, Édouard Lecouteux ou Louis Grandeau) et de la diffusion des innovations grâce à une presse spécialisée (Journal d’agriculture pratique).

L’auteur aborde aussi les crises, plus spécifiquement françaises, dues aux calamités ou à la concurrence de nouveaux producteurs entraînant une baisse des prix à la fin du siècle, il évoque les politiques protectionnistes et un monde agricole qui peu à peu s’organise : débuts de l’enseignement agricole, ministère de l’agriculture (1881- l’agriculture, les eaux et forêts, les haras et l’hydraulique agricole), sociétés mutuelles d’assurances et premières coopératives, création de la première caisse locale de crédit agricole (1884). Un paragraphe concerne la situation en Angleterre et au Danemark (coopératives) et en Allemagne.

Est aussi évoquée les rapports du monde rural à la politique et décrite une culture paysanne12 de petits paysans propriétaires en France pas toujours ouverts aux innovations qui conduisent à un exode rural. L’auteur parle pour le tout début du XXe siècle d’apogée du cheval de trait, la mécanisation est plus rapide dans les pays neufs comme les États-Unis.

C’est enfin la saignée démographique de 1914-1918 qui touche le monde rural, guerre dont l’auteur décrit les effets pendant le conflit et après jusqu’à la crise de 29 puis la seconde guerre mondiale : la politique d’Henri Queuille. La création de l’INRA, le parti agraire des années 30, les premiers syndicats agricoles, l’intervention de l’État avec l’Office du blé (1936), la place des paysans dans le régime de Vichy (retour à la terre).

LE GRAND CHAMBARDEMENT

C’est avec ce titre que s’ouvre le Tome 2, sur l’immédiate après-guerre et la fin des pénuries (1947), la reconstruction et le plan Marshall. L’auteur détaille les réformes du ministre de l’agriculture Tanguy-Prigent et la priorité faite au développement du machinisme agricole, il évoque les premiers travaux de René Dumont. Il dresse un tableau du monde agricole dans les années 50 : statut de l’ouvrier agricole, début du remembrement, la fièvre aphteuse qui menace le bétail et les débuts de la PME de Charles Mérieux promise à un grand avenir13. Dans les pages sur l’élevage on parle aussi d’insémination artificielle et plus loin de sélection génétique. Il est aussi question de l’hybridation des graines (maïs) et des débats sur ces nouvelles techniques qui selon Henri Mendras sont : « un système de pensée technique et économique fondé sur le rendement et l’efficacité paraît à ce niveau étranger aux agriculteurs béarnais »14. Ces transformations sont accompagnées par la formation, une ouverture sur le monde (télévision, JAC, place des femmes) mais aussi une place toujours plus grandes de l’argent dans l’économie rurale : le monde agricole change. Ce sont aussi les débuts de l’Europe Verte, la PAC, plan Mansholt, ce qui donne l’occasion à l’auteur d’analyser les choix politiques des agriculteurs.

François-Henri de Virieu15, chargé des questions agricoles au Monde parle d’une agriculture industrielle en train d’émerger : changement de la taille des exploitations, des pratiques, des paysages.

L’auteur aborde ensuite la question de la lutte contre la faim dans le monde citant de nombreux d’écrits des années 60 et présentant le rôle de la FAO, la Révolution verte, entre succès et échec.

La fin des « Trente Glorieuses » annonce la chapitre suivant.

LE TEMPS DES DÉSILLUSIONS

L’auteur décrit le malaise paysan : mouvements de protestation de la fin des années 70 (Montredon), suicides, évolutions de la Politique agricole commune (longuement traitées), spécialisation en Europe et nouvelles concurrences ; on passe du paysan à l’agriculteur puis à l’entrepreneur, de la petite coopérative à la grande entreprise. La place de la FNSEA dans la mise en place des politiques agricoles met en évidence les écarts au sein même du monde agricole aggravés par la relation inégalitaire avec les grandes enseignes de distribution et la course aux prix bas et les scandales alimentaires évoqués par l’auteur.

Il montre une classe politique française attachée à la campagne et ses agriculteurs et plus largement la société avec les succès des romans du terroir (Henri Vincenot, Henri Pourrat, Émilie Carles, Claude Michelet, Claude Michelet…) et de quelques films comme Une hirondelle a fait le printemps ou C’est quoi la vie ? de François Dupeyron. L’auteur rappelle l’intérêt des intellectuels (Bourdieu16,Mendras17) des historiens (Duby, Agulhon, Vovelle…) pour la ruralité au moment même où elle est remise en question.

Pour illustrer ces évolutions l’auteur propose l’exemple de Laguiole entre élevage, bonnes tables, couteaux et tourisme (pages 200 à 204).

L’INCONTOURNABLE QUESTION DE L’ENVIRONNEMENT

Après un retour sur les débuts de l’écologie, déjà abordés dans le tome 1, l’auteur aborde l’écologie politique et les premiers auteurs (Jacques Ellul, René Dumont, Jean Dorst) et les premiers combats (DDT, larzac, Creys-Malville). Le lancement de l’année européenne de l’environnement (1971) marque la diffusion de ces inquiétudes dans le grand public en France comme à l’étranger et la création d’associations : Greenpeace, Les Amis de la Terre, une section écologie est créée au CNRS (1976). L’auteur retrace les grandes étapes de la question de l’appel du Club de Rome aux récentes COP et les différentes catastrophes écologiques qui jalonne ce parcours de Minamata à Fukushima.

Il évoque l’entrée des écologistes sur la scène politique avec René Dumont.

L’importance du sol et de sa préservation est une réalité pour les agriculteurs et plus largement pour la société entière comme le montre un assez long développement. Les questions de la biodiversité et du réchauffement climatique, c’est le terme choisi par l’auteur, sont devenues incontournables et remettent en cause certains pratiques agricoles. L’eau apparaît comme un « enjeu local, global , crucial »18 à cause de la pollution, de l’inégale répartition et est très liée à l’agriculture.

L’auteur traite de l’agrochimie : son développement après-guerre, les insecticides avec l’exemple du DDT, le Roundup sans trancher sur la nocivité il rappelle que depuis 1991, la Mutualité sociale agricole a mis en place un réseau de toxicovigilance ; et des politiques de limitation de l’emploi des pesticides. Le sujet très contemporain du rapport à l’animal n’est pas oublié : vache folle, élevage hors-sol (l’auteur rappelle la passion des éleveurs pour leur troupeau), nouveau regard sur le monde animal qui conduit certains à un extrémisme de défense de la cause animale. C‘est l’occasion de montrer l’ambivalence de la demande sociale autour de l’ours, du loup et les rapports parfois rudes entre bergers et défenseurs de la nature et de poser cette question : Vers une civilisation végétarienne ?

La question alimentaire est déclinée entre défi de la qualité, modification des habitudes alimentaires, AOC et production biologique, rapport des citadins à la campagne et aménagement du territoire ; et réalités économiques : marketing, prix pour le consommateur et rémunération des agriculteurs. Reprenant une formule devenue classique : Pays, Paysans, Paysages l’auteur développe l’idée d’une campagne issue d’une histoire multiséculaire et rappelle que sa représentation est-elle aussi très ancienne, dès le Moyen-Age (Ambrogio Lorenzetti – Sienne1330, Très Riches Heures du duc de Berry…), on le sent nostalgique face aux transformations récentes.

DE L’INFINIMENT GRAND (LE VILLAGE PLANÉTAIRE) À L’INFINIMENT PETIT (LE GÈNE)

La mondialisation n’est pas nouvelle dans l’histoire des Hommes comme le rappelle l’auteur : « sans esclave pas de coton »19 mais elle s’accélère pour lui surtout depuis 1973 et cela conne l’occasion de revenir sur un homme et un combat : José Bové et le Larzac et la solidarité des paysans par-delà les frontières et les continents (1993 est créé Via Campesina). Les grandes négociations commerciales du Gatt à l’OMC marquent la fin du XXe siècle qui prennent peu en compte les écarts de productivité de 1 à 1 000 selon les pays du monde mis en évidence par Marc Dufumier : « « Quand vous avez cinquante kilos de riz en vente à Dakar, cinquante kilos en provenance de Casamance, cinquante kilos en provenance de Thaïlande, cinquante kilos en provenance des États-Unis au même prix, il y a cent fois plus de travail dans ce qui vient de Casamance que dans ce qui est librement importé des États-Unis […] (il) devra accepter une rémunération du travail cent fois moindre que son collègue et néanmoins concurrent de Louisiane ou de Caroline du Sud !»20. Un autre exemple est donné avec la guerre du coton qui oppose la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Pakistan et les pays d’Afrique de l’Ouest, notamment le Burkina Faso et permet d’introduire une réflexion sur les OGM de la découverte de l’ADN aux biotechnologies et le brevetage du vivant entre rêves, échecs, réglementation en France et dans le monde et contestations (l’auteur présente les polémiques sans prendre parti). Le cas du soja est pris comme exemple.

LE DÉFI ALIMENTAIRE MONDIAL

Le bilan des objectifs du millénaire est plutôt nuancé même si les inégalités se réduisent. Le défi est contenu dans un formule : Malbouffe au Nord, malnutrition au Sud, avec une présentation des causes des émeutes de la faim de 2008, crise qui remet en lumière la question alimentaire cependant rapidement passée au second plan des débats internationaux derrière le changement climatique. Divers points sont présentés : action du PAM21, spéculation sur les denrées alimentaires, problème de la financiarisation du foncier et accaparement des terres. Produire plus pour nourrir toujours plus d’hommes, si l’auteur se réfère à Marc Dufumier22, il développe surtout les besoins d’importations de la Chine et de l’Inde avant de proposer un bilan nuancé de la situation en Afrique mais vue de manière un peu trop globale. Les grands exportateurs sont cités (Brésil, canada, Australie, Russie), quant aux États-Unis ils apparaissent comme un géant fragilisé. Les atouts de l’Europe terminent ce tour d’horizon de l’agriculture mondiale mais l’agriculture française est présentée comme en crise (lait, baisse de revenu des agriculteurs, volaille bretonne, arboriculture).

L’ensemble est décrit de façon assez général.

Pour évoquer le dilemme produire plus mais protéger l’environnement, l’auteur renvoie aux travaux de Michel Griffon23 qui milite pour une agriculture qui concilie productivité accrue, respect de l’environnement et souci de l’équité. La souveraineté alimentaire est définie par Olivier De Schutter,

rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation jusqu’en 2014 : « le droit d’avoir un accès régulier, permanent et non restrictif, soit directement ou au moyen d’achats financiers, à une alimentation quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante correspondant aux raditions culturelles du peuple auquel le consommateur appartient, et qui lui procure une vie physique et mentale, individuelle et collective, épanouissante et exempte de peur ».

L’auteur relaie un slogan que ne renierait pas les tenants du développement durable quand Pierre Rhabi rejoint Thomas Sankara24 : Produire local, consommer local tout en luttant contre le gaspillage alimentaire (Amap, commerce équitable, potagers urbains25) : un balayage dans l’air du temps.

Dans son éloge de la petite exploitation l’auteur défend l’idée d’une diversité de l’agriculture entre traditions et modernité et ce à l’échelle mondiale et le besoin d’un retour à l’agronomie.

Si on veut restituer la conclusion, on retiendra cette phrase : « Les agriculteurs doivent désormais réfléchir à un nouveau contrat avec la société »26 et son éloge d’un vieux paysan breton André Pochon, un homme attachant que j’ai eu l’occasion de rencontrer.

Une somme qui réunissant les apports de travaux récents et plus classiques permet de disposer d’une base solide pour enseigner cette question. Cet ouvrage offre de nombreux exemples et des renvois vers de nombreux auteurs pour illustrer un cours. Il est complété une très abondante bibliographie.

______________

1Cité p 23

2François Valla, L’homme et l’habitat L’invention de la maison durant la Préhistoire, CNRS éditions, 2008

3Jean-Denis Vigne, Les débuts de l’élevage, Le Pommier, 2012

4Jean-parie Pelt, Marcel Mazoyer, Théodore Monod, Jacques Girardon, La plus belle histoire des plantes , Seuil, 2004

5Robert Fossier, Villages et villageois au Moyen Âge. Editions Christian, 1995 ( CR in Persée https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1996_num_39_156_2666_t1_0383_0000_3)

6Cité p . 134

7Lucie Bolens, Agronomes andalous du Moyen Age, Droz, 1981

8Jean-Marc Moriceau, Les Fermiers de l’Île-de-France : l’ascension d’un patronat agricole, Fayard, 1994

9Etudié par Madeleine Foisil, Le Sire de Gouberville : un gentilhomme normand au XVIe siècle, Flammarion, 1986

10Jean Boulaine, Histoire de l’agronomie en France, Edition Technique et Documentation, 1992

11Jean-Luc Mayaud, 150 ans d’excellence agricole en France, Belfond, 1991

12Qui s’exprime aussi bien dans le livre d’Ephraïm Grenadou, Grenadou, paysan français, édité par Alain Prévost, au Seuil en 1966, celui d’Émile Guillaumin, La vie d’un simple, Stock, 1904 que celui de l’historien (qualifié de philosophe par l’auteur) Gaston Roupnel, Histoire de la campagne française, Grasset, 1932 et réédité en 2017 chez Tallandier

13L’entreprise BD Mérieux, fondé en 1963, est aujourd’hui une multinationale pharmaceutique bio-Merieux

14Cité p. 35

15François-Henri de Virieu, La Fin d’une agriculture, Calmann-Lévy, 1967, cité p. 104

16Pierre Bourdieu, Célibat et condition paysanne, in Études rurales, 5–6 (Avril–Septembre 1962)

17Henri Mendras, Les Sociétés paysannes, éléments pour une théorie de la paysannerie, Armand Colin, Col. U, 1976

18Cité p. 259

19Cité p. 360

20Cité p. 379

21Programme alimentaire mondial

22Voir la conférence : Marc Dufumier, Gilles Fumey, La Faim dans les pays pauvres, au FIG 2020 et la recension de l’ouvrage : Marc Dufumier, Olivier Le Naire, L’Agroécologie peut nous sauver, Arles, Actes Sud/ Colibris,, 2019 dans la cliothèque

23Michel Griffon, Nourrir la planète, Odile Jacob, 2006

24Cités p.524

25« Selon la FAO, 800 millions de citadins s’adonnent à cette agriculture urbaine » (cité p. 533)

26Cité p. 557