Cet ouvrage consacré à l’histoire d’Orléans, capitale du Loiret, est le premier de la « série Centre-Val de Loire » ayant pour vocation de consacrer un volume à chacune des 6 villes chefs-lieux de département de la région (soit, outre Orléans, Blois, Tours, Châteauroux, Chartres et Bourges). La création de cette « série Centre-Val de Loire » au sein de la collection « Histoire de ville » est à l’initiative de la région qui a jugé utile en 2022 de financer, à travers l’Appel à projets régional d’intérêt académique « Urbaliger », les recherches et la publication d’une nouvelle collection d’histoire des villes ligériennes, codirigée par un historien moderniste (Gaël Rideau) et un historien du droit (Pierre Allorant), tous deux orléanais, publiée conjointement par les Presses universitaires de Rennes et par les Presses universitaires François-Rabelais de l’université de Tours, symbole de la coopération scientifique régionale renforcée par l’appui de la Maison des Sciences de l’Homme du Val de Loire, basée à Tours.

À une époque où la métropolisation devient un fait saillant, et objet de nombreux et parfois vifs débats, la collection se propose de mettre à la disposition des chercheurs, élus, architectes, urbanistes, conservateurs, médiateurs et en fait de tout citoyen curieux, les résultats de la recherche en histoire urbaine sur un lieu donné, métropole ou pas, de manière synthétique et illustrée. Fort d’une expérience initiée avec un volume sur l’histoire de Rennes (en 2006) et un autre sur Redon (en 2015), les PUR ont lancé cette nouvelle collection « Histoire de ville » en 2016 avec un volume sur Bordeaux (2019), Aix-en-Provence (2020), Fougères (2022) et Dijon (2023). Avec le volume sur l’histoire d’Orléans (2024) est initialisée la « série Centre-Val de Loire » qui devrait être continuée par cinq autres volumes consacrés à Blois, Tours, Châteauroux, Chartres et Bourges.

Concernant les deux directeurs de l’ouvrage, le premier est Pierre Allorant, professeur d’histoire du droit et des institutions, doyen de l’UFR de droit, économie et gestion de l’université d’Orléans, membre du centre de recherche juridique Pothier. Ses travaux portent sur la décentralisation et la déconcentration administrative, sur les relations entre le corps préfectoral et les élus municipaux, départementaux et régionaux, ainsi que sur la gouvernance de l’offre de soins. En outre, il est président du CHPP (depuis 2023) et des Amis de Jean Zay, il vient de publier Jean Moulin. Le préfet de la Résistance (Calype, 2024) et, avec Olivier Loubes, Jean Zay. Jeunesse de la République (Bouquins, 2024). Quant au second, Gaël Rideau, il est professeur d’histoire moderne à l’université d’Orléans. Il a notamment publié Honneur, bourgeoisie et commerce au XVIIIe siècle. Le Mémorial du marchand-drapier Pierre Étienne Brasseux (PU Bordeaux, 2019).

Comme il est écrit en quatrième de couverture « Si Orléans, de Jeanne d’Arc à juin 1940, tient une place symbolique centrale, son image de ville tranquille et consensuelle est à revisiter. Grâce aux récents apports des fouilles archéologiques, des recherches universitaires, et des écrits privés d’Orléanais, redécouvrez le passé de la cité johannique. S’intéressant autant à l’histoire « par en bas » des gens ordinaires qu’aux grands événements qui ont marqué la ville, cet ouvrage permet de voir Orléans autrement. Depuis l’Antiquité, elle joue effectivement un rôle singulier dans l’histoire de France : site stratégique proche de Paris, au sommet de la courbure de la Loire, cité des pouvoirs épiscopaux, judiciaires, politiques et universitaires, ville d’échanges de productions intellectuelles, littéraires et artistiques. Divisée lors des guerres de religion comme durant la Révolution française, la ville ne se résume pas à ses élites cultivées et fortunées, elle est aussi un espace urbain populaire. Grâce à une approche originale et enrichie d’une iconographie inédite qui valorise les collections des archives, cette nouvelle histoire d’Orléans offre une perspective large et nuancée sur une cité majeure du Centre-Val de Loire. ».

Outre le sommaire et une introduction, l’ouvrage comporte 5 parties chronologiques décrivant Orléans à l’époque antique, médiévale, moderne, révolutionnaire et contemporaine , assorties à la fin du livre d’une conclusion, d’un index des noms de personnes, d’un index des noms de lieux, d’un index des notions et, enfin, d’une bibliographie. Les deux directeurs de l’ouvrage ont confié chacune des 5 parties à des auteurs différents spécialistes d’une période historique : l’antiquité pour Matthieu René-Hubert et Arnaud Suspène, le moyen-âge pour Juliette Dumasy et Chantal Senséby, l’époque moderne pour Gaël Rideau, l’époque révolutionnaire pour Pierre Serna et enfin, l’époque contemporaine pour Pierre Allorant et Walter Badier. De plus, autre caractéristique du livre ajoutant un supplément au texte principal, chaque partie possède en son sein une à deux doubles pages (sorte de pastille richement illustrée !) consacrées à un thème et toujours rédigées par un spécialiste de la question : 5 pour la ville antique, 4 pour la médiévale et la moderne, 3 pour la révolutionnaire, et enfin, 7 pour la contemporaine.

Introduction

Cette introduction, écrite à quatre mains par Pierre Allorant et Gaël Rideau et intitulée Lectures d’une ville, se veut substantielle (11 pages). En effet, les deux auteurs mettent en exergue les différents thèmes que l’ouvrage va aborder de manière transversale : l’importance du fleuve pour Orléans (Une ville en dialogue avec la Loire), Orléans un lieu de convergence dans l’espace et le temps (Carrefour, nœud, frontières : un espace de contact), l’évolution d’Orléans durant les siècles (Formes et transformations d’une ville), le rayonnement d’Orléans sur le plan intellectuel et culturel (Sociabilités, urbanité et circulations culturelles) et, enfin, Orléans une ville en conflit sous une apparence de consensus (Derrière un récit consensuel, une ville conflictuelle). De plus, les deux auteurs marquent bien leur ambition en voulant écrire une histoire de la ville et de la population orléanaises tout en se situant dans les pas de leurs « […] prédécesseurs, mais réévalués par les travaux récents qui renouvellent profondément l’histoire de la ville » (p. 22).

Orléans à l’époque antique

De 80 pages, la première partie intitulée « De César à Attila, l’émergence d’une ville dans l’antiquité », rédigée par Matthieu René-Hubert et Arnaud Suspène, est constituée de 5 chapitres : 1. Retrouver la ville antique d’Orléans, 2. La ville gauloise, 3. César et Cenabum, transition d’un monde à l’autre, 4. La ville gallo-romaine, et enfin, 5. Antiquité(s) tardive(s). A l’exception notable du chapitre 3, le chapitre 1 comporte une « pastille » écrite par Sébastien Jesset L’archéologie orléanaise et ses acteurs : le SAMO ainsi que le chapitre 2 avec le texte de Sylvia Nieto-Pelletier et Murielle Troubady Un atelier monétaire gaulois à Orléans : l’hypothèse du site de la Charpenterie et le chapitre 5 avec Vincent Drost Le trésor de Chécy : un pécule de soldat au début du Ve siècle après J.-C. ; seul le chapitre 4 présente deux doubles-pages de Franck Verneau intitulées L’adduction d’eau d’Orléans à l’époque romaine et Le sanctuaire de la Fontaine de l’Étuvée à Orléans.

Durant sept siècles, nous assistons à l’émergence et à l’affermissement de la ville d’Orléans (appelée Cenabum) à travers l’époque gauloise (IIe siècle– mi Ier siècle av. J.-C.) avec la naissance d’une agglomération et d’une communauté urbaines ; à l’époque romaine, César faisant brûler Cenabum en représailles (-52) mais redevenant prospère sous l’ère gallo-romaine (mi Ier siècle av. J.-C.– mi IIIe siècle apr. J.-C.) avec les métamorphoses de la ville symbolisée par la construction d’une enceinte. De surplus, vers 313, Orléans se convertit au christianisme puis elle subit le siège des Huns d’Attila, de 451.

Orléans à l’époque médiévale

Avec 83 pages, la deuxième partie titrée « Orléans au moyen-âge, l’affirmation d’une cité royale », écrite par Juliette Dumasy et Chantal Senséby, comprend 3 chapitres : 1. De la ville-capitale à l’emblème des rois de France avec une double-page de Françoise Michaud-Fréjaville sur Jeanne d’Arc et Orléans ; 2. Orléans, un haut lieu de la vie religieuse et culturelle du royaume avec un supplément de Pierre Martin sur Saint-Aignan d’Orléans : de la basilica au monument historique puis, enfin, 3. Une cité ligérienne dynamique. Activités et morphologie avec deux pastilles cette fois-ci avec la première de Clément Alix sur Les fortifications médiévales d’Orléans à la lumière des opérations archéologiques puis celle de Sébastien Jesset sur Habiter la ville du siège d’Attila au grand incendie de 989.

Des Mérovingiens aux Capétiens, Orléans est à la fois une ville-capitale et une résidence royale. De 1057 à 1343, les volontés d’émancipation municipale d’Orléans sont contrariées pendant près de quatre siècles. De 1346 à 1515, l’érection du duché d’Orléans permet de retrouver l’unité avec la royauté française grâce à Jeanne d’Arc durant la Guerre de Cent ans (siège d’Orléans en 1428). Auparavant, Orléans est une cité épiscopale ancienne et prestigieuse avant le XIIe siècle puis elle évolue vers de nouveaux cadres pour une vie dévotionnelle intense du XIIIe au XVe siècles, avec un centre culturel et scolaire précoce sans oublier la création d’un centre universitaire majeur (en 1303), notamment en droit. Orléans est également une cité ligérienne dynamique en devenant un nœud majeur de communications (réseau dense de voies terrestres et cité fluviale), une place commerciale de premier plan sans compter l’extension urbaine à l’aune des fortifications avec ses pôles religieux et sièges politiques.

Orléans à l’époque moderne

De 90 pages, la troisième partie intitulée « Orléans à l’époque moderne : apogée commercial, centre politique, ville en tensions », rédigée par Gaël Rideau, est dotée de 2 chapitres seulement : 1. Des tensions politiques et religieuses au modèle urbain dévot (1510-1660) avec deux pastilles dont la première est de Gaël Rideau sur La Saint-Barthélémy orléanaise vécue écrite par et la seconde Christophe Speroni sur Plans et vues d’Orléans du XVIe au XVIIIe siècle puis 2. Prospérité, transformation et rayonnement d’une ville intranquille (1660-1780) avec trois doubles-pages avec notamment Pierre Martin sur Saint-Aignan d’Orléans : de la basilica au monument historique, Sylvie Granger sur l’Itinéraire d’un maître à danser à Orléans et, enfin, Jean-Pierre Vittu sur Cénacles, sociétés littéraires, académie (XVIe-XVIIIe siècles) .

Des années 1520 à 1580, Orléans est au centre des affrontements religieux entre protestants et catholiques devenant tour à tour protestante (1562-1563) et catholique avec l’acmé de la Saint-Barthélemy orléanaise (25-27 août 1572), soit au lendemain du massacre de Paris, qui fait 1 200 morts. Seuls les étudiants allemands sont épargnés. La ville, qui comptait une importante communauté protestante, est désormais entièrement catholique. Des années 1580 à 1660, Orléans est repris en main avec fermeté par les catholiques. De 1610 à 1710, Orléans vit au rythme du dynamisme économique retrouvé après les guerres de religions mais elle est aussi secouée en parallèle par des guerres, famines et épidémies. De 1660 à 1780, Orléans connaît son apogée commercial malgré une stagnation démographique.

Orléans à l’époque révolutionnaire

Avec 62 pages, la quatrième partie ayant pour titre « Orléans au temps des révolutions », écrite par Pierre Serna, est constituée de 4 chapitres : 1. Une révolution acceptable pour Orléans (1789-1791) ; 2. Orléans républicaine (1792-1794) ; 3. Fonder la République bourgeoise à Orléans, et enfin, 4. La Restauration monarchique inachevée ou la résilience orléanaise à l’œuvre (1800-1820). À l’exception notable des chapitres 1 et 4, le chapitre 2 comporte deux doubles-pages : la première par Christophe Speroni Le déboulonnage de la statue de Jeanne d’Arc en 1792 et la seconde par Frédéric Jimeno Le peintre Jean Bardin (1732-1809) sans oublier le chapitre 2 avec le texte de Jean-Pierre Vittu Le jardin botanique d’Orléans sous la Révolution et l’Empire.

Dès 1789, Orléans est touché par une grave crise frumentaire (juillet-septembre 1789). En 1790, l’Assemblée nationale ayant décidé l’unification administrative de la France, le département du Loiret est créé avec Orléans comme préfecture et renforce le pouvoir judiciaire de la ville en en faisant le siège de la Haute Cour chargée de juger des contre-révolutionnaires, début 1792. Sous la Convention (1793-1794), après le vote de la loi des suspects, le gouvernement décida d’envoyer en province des représentants en mission pour épurer les administrations locales et lutter contre le fédéralisme comme à Orléans. C’est ainsi que deux de ces derniers arrivèrent, en septembre 1793, muni de pouvoirs illimités : la municipalité, les tribunaux, la gendarmerie et le clergé orléanais sont épurés. Entre 1795 et 1799, sous le Directoire, Orléans est victime d’une impossible modération. De 1800 à 1820, avec les Restaurations monarchiques, les élites orléanaises républicaines ont su faire des compromis avec le pouvoir royal en place.

Orléans à l’époque contemporaine

De 91 pages, la cinquième partie intitulée « Orléans, de la préfecture balzacienne à la métropole ligérienne », rédigée par Pierre Allorant et Walter Badier, est faite de 2 chapitres : 1. Une ville conflictuelle marquée par les crues, les crises et les guerres (1820-1940) avec trois doubles-pages dont deux écrites par Sylvain Dournel sur La Loire orléanaise, emblème d’une activité portuaire florissante puis révolue et sur Deux siècles de loisirs ligériens et la dernière par Pierre Allorant sur Jean Zay et l’école de la République au Panthéon puis, enfin, 2. Vivre dans une capitale régionale au second XXe siècle avec, cette fois-ci quatre pastilles dont l’Exode à Orléans et exode des Orléanais en mai-juin 1940 par Alexis Lecoq, Le CERCIL (1991-2011) par Margaux Lalouette, Jeanne d’Arc sur un air de Fêtes. Un ADN orléanais par Yann Rigolet et, enfin, Maurice Genevois et « Ceux et celles de 14 » au Panthéon par Pierre Allorant .

De 1820 à 1870, le paysage urbain est transformé par l’évolution des activités d’Orléans marquées par une industrialisation tardive et limitée où les élites dirigeantes et le petit peuple se côtoient dans une ville profondément inégalitaire. De 1870 à 1940, outre le fait qu’Orléans souffre de la guerre de 1870 et est occupée par les Prussiens, elle devient une ville de l’arrière en accueillant l’armée indienne britannique, dès 1914. Durant la même période, Orléans est une ville radicalement républicaine, de l’Affaire Dreyfus à Jean Zay. De 1940 à 2001, Orléans sous l’Occupation est une ville martyrisée, occupée par les Allemands et bombardée par les Alliés, de mai à août 1944. Ensuite, pendant la Libération, les autorités orléanaises se renouvellent pour restaurer la démocratie, reconstruire et asseoir une capitale régionale mais endeuillée par la mort de Jean Zay. Les années du maire MRP Roger Secrétain (1951-1971) est à la source de la renaissance d’Orléans : le plus grand établissement sanitaire de l’US Army et de l’US Air Force de 1951 à 1967 (avec 12 000 américains et leurs familles) ainsi que le campus universitaire de La Source. Orléans est à la une de l’actualité nationale : des Floralies internationales à la « Rumeur d’Orléans » antisémite en 1969. De 1971 à 2001, Orléans est marqué par la municipalité du radical René Thinat qui devient maire d’Orléans (1971-1978) en innovant avec l’équipement de proximité de la « métropole-jardin » et tente de changer la ville et de la rendre à ses habitants avec « Orléans-sur-Loire », le GEMAO et la Tribune d’Orléans.

Conclusion

La conclusion, qui est conséquente avec ses 14 pages, se tourne vers l’avenir d’Orléans en faisant des hypothèses diverses, ayant pour titre L’affirmation de la métropole, capitale du Val de Loire aux portes du Grand Paris (2001-2024) (p. 436-450) et toujours écrite à quatre mains mais avec Pierre Allorant et Sylvain Dournel. D’abord, les deux auteurs mettent l’accent sur l’ouverture d’Orléans à la Loire et l’embellissement du centre-ville pour changer l’image de la ville puis se posent la question du passage de la métropole-jardin à la métropole intense (?) mais affirment que les mobilités sont encore perfectibles concernant les voies de communication à Orléans. Puis, ils questionnent la priorité à la santé et à l’hospitalité en interrogeant l’évolution de la métropole orléanaise en transition vers le bien-être afin de faire face à un désert médical endémique et dangereux pour la pérennité de la santé de la population orléanaise…

L’histoire d’une ville régionale profondément renouvelée par l’historiographie actuelle

À la fin de l’introduction, les deux directeurs Pierre Allorant et Gaël Rideau terminent par ces mots : « Des manques apparaîtront, assurément, des choix ont dû être faits, des thèmes sont encore à explorer. C’est la vocation de ce livre d’être une butte témoin, point de repère et point de départ pour d’autres travaux » (p. 23). Au terme de l’étude de l’ouvrage, et grâce notamment à une iconographie sourcée et du meilleur choix, cette Histoire d’Orléans est une très belle réussite à la fois pour la coédition des PUR / PUFR (pour ce premier opus de la « série Centre-Val de Loire ») et pour l’équipe orléanaise menée par Pierre Allorant et Gaël Rideau qui ont su s’entourer des meilleurs spécialistes d’Orléans pour les textes principaux et secondaires (doubles-pages thématiques).

Grâce à la coédition de deux éditeurs universitaires (Rennes et Tours) et la création d’une nouvelle série sur l’histoire des villes, cet ouvrage en un seul volume de près de 500 pages a voulu renouveler en profondeur l’histoire de la ville d’Orléans à la lumière des travaux académiques et archéologiques de ces quarante dernières années. Ce récit d’Orléans s’est voulu « synthétique et abordable pour le grand public curieux, tout en fournissant aux étudiants et aux enseignants un ouvrage de référence pour leurs recherches futures, à faire à la fois court, simple et neuf » (p. 13). Assurément, la mission est accomplie avec brio !