Jürgen Kocka, de l’université Humboldt de Berlin, propose une approche du capitalisme. Dans ce livre, initialement paru en allemand, l’auteur entreprend de l’étudier car, comme il le précise dès l’introduction, c’est à la fois « un concept d’analyse utilisé dans les sciences sociales et une notion polémique qui a cours dans la critique sociale ».

Jürgen Kocka souhaite donc proposer une synthèse de ce concept. Impossible évidemment en à peine deux cents pages de tout dire sur le capitalisme et l’auteur veut plutôt distinguer les « principales phases et variations, les grands moteurs, les problèmes et les conséquences majeures ». Il précise de suite qu’il est plus familier de l’histoire de l’Occident mais aborde néanmoins d’autres continents à l’appui de sa démonstration. Le livre comprend un appareil de notes assez conséquent, une bibliographie ainsi qu’un index des noms propres.

Qu’est-ce que le capitalisme ?

Ce concept est né dans un contexte particulier qu’il est bon de rappeler. Il est né « d’un esprit critique et d’une perspective comparatiste ». Il est donc utilisé à la fois d’une façon scientifique et critique, ce qui peut poser problème pour analyser des situations. En quelques pages très claires et très synthétiques, Jürgen Kocka rappelle d’abord l’apport de trois penseurs essentiels : Marx, Weber et Schumpeter. Il montre l’apport de chacun ainsi que les critiques qu’il a pu générer. Il souligne par exemple que Schumpeter chercha avant tout à expliquer la dynamique de l’économie et c’est notamment pour cela qu’il se focalisa sur la figure de l’entrepreneur. Après ces trois penseurs historiques, Jürgen Kocka poursuit son tour d’horizon en examinant les apports de Keynes ou de Wallerstein. A l’issue de ce tour d’horizon il propose sa définition du capitalisme qui met l’accent sur la « décentralisation, la marchandisation et l’accumulation » comme traits fondamentaux.

Le capitalisme marchand

Ce chapitre envisage sous un angle historique la Chine, l’Arabie, puis l’Europe en la qualifiant de « retardataire dynamique ». Il revient par exemple sur le cas de la Hanse. Puis il évoque le développement des banques ainsi que l’importance de la double comptabilité. Jürgen Kocka souligne aussi les préventions morales contre le capitalisme en un temps où l’Eglise pesait de tout son poids en Occident. Il souligne les rapports entre économie et Etat et y voit des prémisses du capitalisme. Il utilise le terme « d’ilôts de développement capitaliste » pour qualifier la période.

Expansion

Ce qui marque la période chronologique suivante c’est le fait que, à présent, le capitalisme influence l’économie et la société dans son ensemble. Jürgen Kocka développe d’abord les liens entre colonisation et commerce en rappelant que vers 1500, les puissances européennes contrôlaient 7 % du territoire mondial et en 1775 c’était 35 % ! Pour appuyer son propos, il développe le cas de la compagnie néerlandaise des Indes orientales. Néanmoins, elle se distingue des multinationales du XX ème siècle par son aspect monopolistique. L’auteur examine ensuite les conditions qui peuvent expliquer un tel développement du capitalisme par les puissances européennes. A cette occasion d’ailleurs, il discute du livre de Kenneth Pomeranz « La grande divergence ».

Le capitalisme dans son époque

Après cette approche conceptuelle et historique, Jürgen Kocka poursuit en soulignant qu’aujourd’hui « l’attitude à l’égard du capitalisme oscille entre une acceptation désenchantée et des critiques acerbes ». Il s’interroge pour comprendre pourquoi en Europe le capitalisme n’est plus vu comme une utopie. L’auteur précise d’abord quelques grands traits sur industrialisation et mondialisation depuis 1800. Il montre que l’industrialisation a transformé le capitalisme : « elle a fait du travail salarié, sur la base d’un contrat, un phénomène de masse ». Il développe l’exemple de la firme