Les éditions petit à petit, spécialisées dans le docu-BD, nous livrent ici une synthèse, destinée aux jeunes générations, sur le génocide perpétré dans l’empire ottoman et visant la minorité arménienne durant la Première Guerre mondiale.
La partie BD est à la fois sobre, émouvante et très bien servie par un subtil scénario de Jean-Blaise Djian et Groune Aprikian ainsi que par les très belles illustrations de Kyung Eun-Park. Le jeune lecteur suit la tragique destinée de la famille Hagopian depuis le village de Dendil jusqu’à Alexandrie en passant par Constantinople. L’histoire débute en 1914, à la veille de la Première Guerre mondiale et se termine en 1924 en Egypte lorsque Mikael retrouve enfin sa sœur Anouche.
La partie documentaire permet d’embrasser plus largement la période afin d’éclairer le lecteur sur les massacres de l’époque hamidienne, l’idéologie et l’organisation du génocide, l’existence d’une « résistance » (les Justes turcs), la lente et inégale reconnaissance du génocide, les enjeux mémoriels, …
Grand amateur des ouvrages des éditions petit à petit et de leur qualité, dans le présent ouvrage, quelques aspects me rendent un peu moins enthousiaste :
- La chronologie du génocide manque de clarté voire de cohérence. Dans la préface, les auteurs font durer le génocide jusqu’en juillet 1923 (sûrement en référence au traité de Lausanne … ?). Dans la partie documentaire, la date de fin de 1918 est cette fois mise en avant. Il est habituellement admis de faire arrêter le génocide en décembre 1916 avec la deuxième phase de destruction dans les camps de Syrie et de Mésopotamie comme celui de Der Zor.
- Les massacres de l’époque hamidienne sont présentés comme une « répétition générale », ce qui laisse à penser qu’ils annonceraient déjà le génocide à venir. Les historiens spécialistes de la question Hamit Bozarslan, Vincent Duclert, Raymond Kévorkian, dans leur ouvrage de référence Comprendre le génocide des Arméniens – De 1915 à nos jours, sont plus nuancés sur ce point. Si le génocide s’est produit dans une société où la stigmatisation des communautés chrétiennes était quasi institutionnalisée, rien n’indiquait clairement que la communauté arménienne se trouvait à l’aube d’une opération d’extermination pure et simple. Par exemple, les pogroms visant principalement les hommes et les biens matériels se distinguent d’une élimination systématique de la population. L’unionisme est à fois la continuité du hamidianisme (tout en le radicalisant à l’extrême) et une rupture portée par un « jeunisme » capable d’abattre en quelques mois les structures d’un pouvoir ancien.
- Quelques « coquilles » sont à corriger (ex : p.91, une armistice)
Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX