Gérard Siary est professeur de littérature comparée à l’université de Montpellier et traducteur de littérature japonaise. Il est l’auteur de cette vaste histoire du Japon, de la préhistoire à nos jours et propose ainsi une synthèse utile pour découvrir l’histoire de ce pays sur le temps long.
La première partie livre, d’une manière assez classique, des bases pour comprendre l’histoire du Japon avec un point sur les milieux, une synthèse sur les différents peuples et un chapitre synthétique intitulé « Le Japon à vol d’oiseau » pour donner des grands repères au lecteur afin de mieux se repérer.
La période Yayoi
Le livre s’organise ensuite par grande période, dans l’ordre chronologique. Il laisse une part importante aux sources les plus anciennes et aux mythes fondateurs du Japon. Les influences chinoises sont bien montrées, notamment lors de la période Yayoi (800/500 AEC-250/300) pendant laquelle se développe la riziculture. L’apport de périodes Jômon et Yayoi dans le mythe national sont aussi évoqués. Le renforcement du pouvoir sous la période Kofun est ensuite évoqué.
La période Asuka
Le développement de l’administration et la centralisation se poursuivent lors de la période Asuka, qui est aussi le moment où se développe un bouddhisme d’Etat. Si la réforme agraire participe au renforcement du pouvoir royal, les défaites militaires sont révélatrices de ses fragilités. Le titre officiel de ten.no pour l’empereur s’affirme à cette époque ainsi que le nom actuel du Japon. L’appareil administratif s’uniformise. L’empereur intègre une partie des anciens membres des clans à la nouvelle administration. Cela lui permet de choisir ses alliés et de constituer une administration civile. L’administration centrale s’appuie sur le ministère des affaires des dieux et sur le ministère des affaires suprêmes pour gérer les questions séculières. Le pays est divisé en provinces et districts, ce qui permet d’organiser la perception des impôts et le service militaire.
La période Nara
Sous la période Nara, l’influence chinoise est forte dans les constructions, l’écriture, la religion, le mode de vie. Les échanges avec l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et la Chine se développent grâce à l’envoi d’ambassades successives. Le commerce se développe à partir du Xe s. et s’intensifie au XVe s. Le pouvoir connaît cependant des crises de succession. La pression est importante sur le peuple : impôts en nature, service militaire, travail à la cour obligatoire.
La période Heian
La capitale se déplace de Nara à Heian, ouvrant l’ère du même nom en 794. Le nouveau pouvoir peine à imposer son autorité aux clans. L’Etat s’appuie sur des gouverneurs envoyés de la capitale. Les domaines privés se développent, renforçant le pouvoir de grands propriétaires terriens qui s’appuient sur des guerriers pour défendre leurs terres. Parallèlement, cela amenuise les rentrées fiscales. Le pouvoir politique se déplace vers les samouraïs, qui supplantent la noblesse de cour. Culturellement, l’influence chinoise diminue pour laisser place à une culture plus spécifique. La noblesse de cour rédige de la poésie, des dames de cour écrivent également en prose comme en témoignent les classiques : Notes de chevet de Sei Shonagon et le Dit du Genji de Murasaki Shikibu.
Le pouvoir est fragilisé par deux révoltes : celle de Taira no Masakado à l’est et celle de Fujiwara no Sumitomo à l’ouest. L’influence des Fujiwara se renforce : proches du pouvoir, ils accèdent à la régence. Au milieu du XIIe s., les clans guerriers prennent une importance considérables et interviennent dans les querelles de succession.
La période Kamakura
Sous la période Kamakura, les Minamoto exercent une domination militaire sur l’ensemble du pays. Yorimoto devient régent militaire, il dispose des pleins pouvoirs. La nouveauté, c’est que le régent n’appartient ni à la famille royale ni à la noblesse de cour. Il installe un système de vassalité. Désormais, la noblesse guerrière accapare les terres. Le shugo, le protecteur provincial, remplit un rôle de police et d’organisation militaire alors que le jito, le bailli, collecte les impôts, les corvées et les taxes pour le shogun, en plus de ses tâches militaires. Le clan Hojo, à qui appartenait la femme de Yorimoto, prend le shogounat à sa mort. Le clan est confronté à l’attaque du Japon par l’empire chinois. L’envahisseur est repoussé grâce à un typhon. Mais la situation économique difficile aboutit à des troubles et à la fin du shogounat des Hojo.
La période Muromachi
La période Muromachi s’étend sur deux siècles et demi, de 1338 à 1573 et est marqué par la présence du clan Ashikaga au poste de shogun. Cependant, le pouvoir de ce clan décline au profit de chefs militaires locaux dans un climat de guerres intestines. Les protecteurs de province ont un pouvoir croissant et remplissent à partir du XVe s, le rôle de gouverneurs. Mais à la fin du siècle, ils sont écartés par leurs vassaux, les daimyo, qui règnent en princes indépendants. Les temples acquièrent plus d’autonomie et deviennent les centres de la vie intellectuelle et spirituelle. Leur puissance s’appuie sur des moines guerriers et sur une réelle assise économique fondée sur des prêts aux paysans et aux guerriers. La culture zen se développe : érection du temple d’or, développement des jardins et de la cérémonie du thé. Une présence chrétienne se développe autour du jésuite François Xavier.
La période Azuchi-Momoyama
La période Azuchi-Momoyama est marquée par l’opposition entre Ieyasu et Hideyoshi. Ce dernier mène des campagnes militaires en Corée. Le catholicisme se développe avant d’être interdit : 26 martyrs chrétiens sont crucifiés à Nagasaki en 1597. Le commerce avec la Chine est interrompu au profit du Portugal. Le commerce avec l’Europe se développe.
La période Edo
La période Edo, de 1603 à 1868, se caractérise par un développement du commerce mais une fermeture relative du pays. Les produits japonais se vendent en Europe, nourrissant le développement de l’orientalisme. L’agriculture se développe et les petits paysans deviennent propriétaires de leur terre. Ieyasu devient shogun en 1603 et le règne des Tokugawa dure jusqu’en 1867. La société se divise désormais en 4 classes : samouraïs, paysans, artisans, marchands. La capitale, Edo, compte 1,1 million d’habitants au XVIIIe s. C’est alors la ville la plus peuplée au monde.
La fin du XVIIIe s est marquée par l’éruption de l’Asama et par les disettes. La société agraire passe à un système proto-industriel. Un traité d’amitié et de commerce, le traité Harris, est conclu avec les Etats-Unis en 1860. La France, la Grande-Bretagne et la Russie signent aussi des accords avec le Japon. Ces traités sont dits inégaux dans la mesure où ils privent le Japon de son autonomie douanière et juridique.
La période Meiji
La période Meiji (1868-1912) marque l’entrée du Japon dans l’histoire moderne, c’est une période de transformations majeures : abrogation des classes, conscription et école obligatoires, industrie compétitive, expansion territoriale. La capitale est transférée à Tokyo et l’administration est centralisée. De 1871 à 1873, la moitié du gouvernement part en mission en Occident pour tenter de renégocier les traités inégaux. C’est un échec, mais ce voyage influence les réformes. Armée et marine évoluent, en s’inspirant respectivement de la Prusse et de la Grande-Bretagne. Le ten.no promulgue la Constitution impériale en 1889. L’empereur exerce le pouvoir avec l’accord du Parlement, composé d’une chambre haute avec des membres nommés de manière héréditaire et d’une chambre basse élue. Le ten.no convoque et dissout le Parlement, est le chef suprême des armées, a le pouvoir de déclarer la guerre, conclure la guerre et ratifier les traités. Il participe au sentiment d’appartenance à la nation des Japonais.
En adoptant les technologies occidentales, l’industrie japonaise décolle à la fin du XIXes. La population et le niveau de vie augmentent. Le pays peut alors renégocier les traités inégaux, notamment en 1902 où une alliance anglo-japonaise se met en place. Le Japon se taille aussi un empire colonial en s’emparant de Taiwan en 1895, des territoires russes en Chine en 1905, de la Corée en 1910, du Shandong et des possessions allemandes des mers du Sud en 1919.
La période Taisho
L’ère Taisho, de 1912 à 1926, est marquée par l’émergence d’une société urbaine, par une phase de libéralisation politique, par une consolidation économique et par un renforcement du rôle international du Japon. En effet, la Grande Guerre favorise la hausse des exportations. Ce tournant démocratique est remis en cause par la crise de la fin des années 1920, qui favorise l’idéologie ultranationaliste.
La période Showa
L’ère Showa, de 1926 à 1989 est scindée en deux parties, marquée par la fin de la divine souveraineté impériale à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Le règne d’Hirohito s’ouvre sur la crise économique et la montée des contestations populaires. Des groupements nationalistes cherchent à renverser l’élite pour établir un régime militaire. De plus, la classe politique est corrompue (achats de voix, pots-de-vin…). Une guerre avec la Chine éclate en 1937. Le massacre de Nankin, qui fait 40 000 à 300 000 morts chez les civils, symbolise la violence de l’armée nippone. Le conflit tourne ensuite à l’impasse. Par conséquent, les dépenses militaires sont en augmentation.
Par ailleurs, le Japon et l’Allemagne signent un traité anti-Komintern en novembre 1936, suivi d’un pacte tripartite entre le Japon, l’Allemagne et l’Italie en septembre 1940. L’état-major japonais est persuadé qu’une attaque surprise dans le Pacifique affaiblira les forces américaines, aboutira à une paix rapide et à une reconnaissance de l’hégémonie nippone. Le raid sur Pearl Harbor le 26 novembre est suivi d’une série de victoires aux Philippines, en Birmanie, en Nouvelle-Guinée. Les Japonais s’approprient les matières premières.
En juin 1942, la situation s’inverse avec le décryptage du code japonais par les Américains et un enchaînement de défaites. Le Japon doit donc se retirer des territoires occupés. Les kamikazés ne ralentissent pas l’avance américaine. Le Japon doit faire face à des bombardements massifs qui détruisent 60 villes, puis à la rupture du pacte de neutralité par l’URSS et enfin aux deux bombardements atomiques. La capitulation est signée le 2 septembre 1945.
Par conséquent, le pays est sous occupation américaine jusqu’en 1952. Le ten.no est maintenu sur son trône. Il annonce qu’il n’est pas d’origine divine et que son lien avec la nation repose sur un respect et une confiance mutuels. Le général MacArthur, qui agit comme un nouveau shogun a une mission : démocratiser le Japon. Il dissout l’armée et la marine, s’appuie sur les institutions politiques, démantèle l’industrie de guerre et certains conglomérats. En 1946, la nouvelle constitution est promulguée. Le peuple est désormais souverain. La Diète détient le pouvoir législatif. Le Cabinet est responsable devant elle. La réforme agraire et la politique industrielle participent au redressement de l’économie, ainsi que la guerre de Corée.
La haute croissance permet au pays de devenir la seconde puissance mondiale à la fin des années 1980. Mais les années 1990 sont marquées par une récession, qui débute avec l’éclatement de la bulle foncière en 1990. La période Heisei s’ouvre en 1989. S’ajoutent aux difficultés économiques, une baisse démographique qui s’aggrave. L’impact de la catastrophe de Fukushima est aussi évoqué. Quelques pages évoquent la période Reiwa, à partir de 2019, le retrait d’Akihito au profit de Naruhito. Le livre s’achève par un bilan des enjeux qui concernent le Japon à commencer par le vieillissement et ses relations diplomatiques.
Jennifer Ghislain pour les Clionautes