La « question coloniale » ainsi que les mémoires qui l’accompagnent restent vives et très présentes aussi bien dans l’espace que le débat publics sous la forme de crispations, de tensions ou de manipulations. Il y a désormais une quinzaine d’années, trois des directeurs de cet ouvrage avaient déjà écrit sur la « fracture coloniale »Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire, La fracture coloniale – La société française au prisme de l’héritage colonial, La Découverte, 2005. Ici, loin de toute instrumentalisation, cette Histoire globale de la France coloniale est une somme monumentale et indispensable pour tous ceux et celles qui veulent véritablement saisir l’histoire coloniale française dans toutes ses dimensions et sous toutes ses facettes.

Une somme monumentale car Nicolas BancelNicolas Bancel est historien, professeur ordinaire à l’université de Lausanne (UNIL), codirecteur du Groupe de recherche Achac et chercheur au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation (CRHIM) à l’UNIL., Pascal BlanchardPascal Blanchard est historien, codirecteur du Groupe de recherche Achac et chercheur associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation (CRHIM) à l’UNIL., Sandrine LemaireSandrine Lemaire est agrégée, docteure en histoire de l’Institut universitaire européen de Florence, enseignante en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Jean-Jaurès de Reims et codirectrice du Groupe de recherche Achac. et Dominic ThomasDominic Thomas est historien, politiste, professeur Madeleine L. Letessier au département de langues européennes et d’études transculturelles (université de Californie, Los Angeles). ont sélectionné et rassemblé une centaine de textes rédigés depuis une trentaine d’années par les grands spécialistes français et internationaux afin de retracer le parcours complet de l’histoire coloniale et postcoloniale, de la constitution d’un domaine ultramarin au XVIIIe siècle aux débats et tensions qui traversent notre société. Cet ouvrage de plus de 800 pages, découpé en cinq parties, relève le défi d’offrir une vision à 360° sur l’histoire mais aussi l’idéologie et la culture coloniales. Un magnifique dossier composé de 110 illustrations commentées ainsi qu’une très riche bibliographie viennent prolonger le plaisir et la réflexion. 

Une somme indispensable car d’une grande rigueur intellectuelle et scientifique. Comme le précisent Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas, les travaux proposés, thématisés, permettent d’éclairer une période en s’intéressant à ses enjeux spécifiques. Et si les auteurs sont donc multiples (Pierre Singarevélou, Sylvie Thénault, Achille Mbembe, Raphaëlle Branche, Benjamin Stora ou notre collègue des Clionautes Dominique Chathuant), il existe une continuité et une réelle cohérence entre les différents chapitres que le lecteur peut aussi interroger ensemble. Cette pluralité nous éloigne, de fait, de la tentation d’une interprétation historique partiale, partisane ou caricaturale. Au contraire, elle nourrit et enrichit la réflexion.

Comme le dit Benjamin Stora dans son article, en écrivant cette histoire de l’Empire « il ne s’agit évidemment pas de se flageller » mais de  « chercher, fouiller, gratter les plaies, mais aussi célébrer les victoires, commémorer les choses les plus extraordinaires qu’a réalisées la France » (p.699). Cet ouvrage réussit magistralement à éviter un écueil, celui de « renvoyer les blessures dos-à-dos ». Pour Benjamin Sora, à propos de la guerre d’Algérie, « on ne peut dire simplement qu’il y a eu des souffrances des deux côtés comme l’a fait Nicolas Sarkozy en novembre 2006. La guerre d’Algérie, c’est 400 000 morts, minimum côté algérien, 30 000 victimes côté français ».

C’est aussi une véritable histoire globale qui présente les différentes dynamiques historiques, sociales ou culturelles sur le temps long et aussi bien pour l’Hexagone que pour les colonies (Indochine, Maroc, Polynésie, Algérie, Cameroun, …). Cette histoire réussit aussi à englober celle de la métropole avec celle des colonies « dans une même perspective analytique tout en soulignant les connexions de l’histoire coloniale de la France à l’histoire mondiale » (p.16).

Dans la très belle préface, l’auteur Mohammed Mbougar Sarr (prix Goncourt 2021) souligne à juste titre toute la pertinence et la richesse de l’ouvrage : « par son ampleur historique, la pluralité des signatures qui le portent, la multiplicité des perspectives qu’il offre et ouvre sur la colonisation, ce travail est (…) promis à devenir, dans le monde francophone, une référence majeure pour tous les publics ». Ce qui est sûr, c’est que pour nous enseignants, cette Histoire globale de la France coloniale est une véritable mine, un livre-outil à consulter le plus régulièrement possible ! A noter que certains chapitres intéresseront tout particulièrement les candidats à l’agrégation externe d’histoire 2023-2024 dont la question de contemporaine portera sur Les sociétés africaines et le monde : une histoire connectée (1900-1980) et ceux du CAPES 2024-2025 pour la question L’Empire colonial français en Afrique – métropoles et colonies, sociétés coloniales, de la conférence de Berlin (1884 – 1885) aux accords d’Évian de 1962.

 

Voici un aperçu du sommaire :

Première partie – PREMIER EMPIRE ET UTOPIE COLONIALE

  1. La constitution d’un domaine ultramarin
  2. De l’abolition de 1848 à l’idée impériale

Deuxième partie – FRANCE IMPÉRIALE ET CONQUÊTES

  1. L’expansion coloniale
  2. La formation d’une culture coloniale

Troisième partie – APOGÉE COLONIAL ET REVENDICATIONS

  1. Un colosse aux pieds d’argile
  2. Un consensus colonial ?

Quatrième partie – INDÉPENDANCES ET FIN DU « RÊVE COLONIAL »

  1. Les prémices de l’effondrement
  2. Les derniers feux de l’Empire

Cinquième partie – APRÈS L’EMPIRE ET MÉMOIRE

 

Le sommaire détaillé :

http://www.philippe-rey.fr/images/Collectif-Histoire-de-la-france-coloniale-sommaire.pdf

 

Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX