Mot de passe pour aborder le rapport qu’une société entretient avec son passé, son présent et sont futur, la notion de régime d’historicité demande beaucoup d’explications. C’est la fonction de cet ouvrage très dense, dans lequel plusieurs contributeurs discutent de cette notion.

Un texte inédit de Paul Ricœur, disparu en 2005, évoque la distance temporelle et la mort en histoire.

L’histoire dont on sait qu’il faut la différencier du Roman national est une fabrication et Paul Ricœur présente ici son objectivité incomplète.
Elle relève d’une épistémologie mixte, d’un entrelacement d’objectivité et de subjectivité, d’explication et de compréhension.
Le langage historique est nécessairement équivoque, associant l’évènementiel et le permanent, le structural. Pour le philosophe l’historien est l’explorateur de ce qui relève de l’humanité. Il prend appui, pour l’essentiel, sur la définition qu’en donne Marc Bloch dans son « Apologie pour l’histoire Métier d’historien »
L’objet est de montrer que la pratique historienne est une pratique en tension constante entre une objectivité à jamais incomplète et la subjectivité d’un regard méthodique qui doit se déprendre d’une partie de soi-même en se clivant entre une bonne subjectivité, « le moi de recherche » et une mauvaise, « le moi pathétique ». Tout l’effort de Ricoeur, dans ce domaine comme dans d’autres, est de démontrer que les voies de passage de la recherche de vérité sont celles de détours nécessaires et rigoureux, l’historien procédant par rectifications.
Extérieur par rapport à son objet, en fonction de la distance temporelle qui l’en éloigne, et en situation d’intériorité par l’implication de «son intentionnalité de connaissance» l’historien s’inscrit dans un contrat de vérité qui, depuis Thucydide et Hérodote, guide toute investigation historienne et fonde sa méthodologie.
Dans le texte inédit qui date de 2000, Paul Ricœur revient sur la relation de l’historien à la mort. En histoire on travaille avec les morts d’autrefois même si l’histoire du temps présent fait partiellement exception, dans la mesure où elle appelle à sa barre des vivants. Cette réflexion sur les témoins survivants à des évènements considérés comme inaudibles, dans la mesure où les évènements extraordinaires dont ils témoignent paraissent irrecevables à l’aune de la compréhension ordinaire des contemporains.
La mort en histoire n’est pertinente que dans une histoire évènementielle pour laquelle comptent les décisions et aussi les passions de quelques personnalités marquantes. Enfin le rapport à la mort est une des représentations-objets dont l’histoire nouvelle s’est plu à faire l’inventaire. Il existe en effet une histoire de la mort – en Occident ou ailleurs – qui constitue l’une des conquêtes de l’histoire des mentalités et des représentations. Pour Ricoeur, la mort est impliquée dans l’acte même de faire de l’histoire.
La mort signe en quelque sorte l’absence à l’histoire, l’absence au discours historiographique. À première vue, la représentation du passé comme royaume des morts paraît condamner l’histoire à n’offrir à la lecture qu’un théâtre d’ombres, agité par des survivants en sursis de mise à mort. Reste une issue tenir l’opération historiographique pour l’équivalent scripturaire du rite social de la mise au tombeau, de la sépulture.

Un autre article retient également l’attention, celui de Patrick Garcia, le Président et l’histoire de France, 1958-2007. Il ne traite pas l’actuel Président dans ses rapports avec l’histoire mais un autre ouvrage vient compléter la série.

Dans cet article, l’auteur revient sur la conception de l’histoire comme référence du Président, homme de la Nation, selon de Gaulle, qui doit répondre de son histoire.
Le Président est ainsi le locuteur de la Nation et elle est récurrente dans le discours présidentiel. elle sert, mais cela est évident, à introduire le discours. On parle de «futurisme», un régime d’historicité dans lequel le futur escompté construit le sens du présent et du passé. L’histoire n’est pas la commémoration écrivions nous sur le texte d’une pétition à propos d’une loi mémorielle enterrée… ( Peut-être une référence à la mort après tout). le discours commémoratif évolue tout de même, en fonction de la perception sociale de l’évènement. Un 11 novembre avec de Gaulle n’a pas le même sens qu’avec Valéry Giscard d’Estaing qui introduit la souffrance des hommes. De la même façon François Mitterrand y rajoute la portée symbolique de la réconciliation franco-allemande tandis que Lionel Jospin, même s’il n’est pas Président et Nicolas Sarkozy, lors du dernier 11 novembre y rajoutent les mutins de 1917. L’histoire est alors un enseignement dont on doit tirer des leçons. La division toujours mauvaise doit laisser place à l’unité, incarnée par des grandes figures comme Jeanne d’Arc ou Vercingétorix. Jacques Chirac a été capable d’infléchir cet usage de l’histoire. son discours du 16 juillet 1995 est une rupture avec le passé. Il introduit des données importantes comme la reconnaissance des harkis.

Christian Delacroix est historien, professeur agrégé à l’université de Paris-Est, Marne-la-Vallée. François Dosse, historien, professeur des universités à Paris XII, a publié à La Découverte en 2007, Gilles Deleuze & Félix Guattari. Biographie croisée (La Découverte, 2007). Patrick Garcia est historien, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise. Tous trois ont dirigé Paul Ricoeur et les sciences humaines (La Découverte, 2007). Avec les contributions de : Jean-Marc Besse, Yannick Bosc, Daniel Creutz, Catherine Darbo-Peschanski, Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Marie-Odile Godard, François Hartog, Jochen Hoock, Pascal Michon, Henry Rousso, Philippe Simay, Enzo Traverso, Stéphane Van Damme.