Le plan se divise en cinq parties, toutes explicitées dès l’introduction, le fil rouge étant d’aller des écrits les plus proches du pouvoir jusqu’aux plus éloignés, c’est-à-dire les plus contestataires. Il s’agit de contributions très spécialisées mais toujours très clairement expliquées.
Célébrer le pouvoir
Ce premier chapitre rassemble quatre contributions qui nous font voyager à Byzance, en Inde ou encore du côté d’Aceh avec Romain Bertrand. Il s’agit dans cette première partie d’étudier les auteurs « dont le récit sur l’histoire vise à célébrer un pouvoir ». L’article sur Byzance est consacré à l’histoire ecclésiastique, et plus particulièrement à l’oeuvre d’Eusèbe de Césarée. La contribution suivante permet de faire le point sur les sources historiques en langue persane. C’est très clair, mais sans doute réservé à des spécialistes néanmoins. L’article sur la Mongolie témoigne bien de ce décentrement proposé dans ce livre. En effet, Jacques Legrand évoque le récit de l’histoire du peuple mongol, par des observateurs extérieurs, et aussi le récit des Mongols par eux-mêmes. On découvre de nombreux textes, au-delà du connu « Devisement du monde » de Marco Polo.
Adhérer aux pouvoirs
Emmanuel Poisson propose un article sur « Le Mémoire abrégé sur l’An Nam » qui est considéré comme le plus ancien livre d’histoire rédigé par un Vietnamien. Deux articles sont plus spécialement consacrés à des historiens, ou à des historiographies récentes. Il y a d’abord celui d’Odile Goerg qui s’intéresse à Aaron Belisarius Cosimo Sithorpe, considéré comme un historien précurseur en Sierra Léone. Son travail est important car il a proposé la «première histoire écrite par un autochtone sous la forme d’un catéchisme avec un système de questions réponses ». Elle s’intéresse à ses méthodes, ses techniques narratives. C’est ensuite autour de Didier Nativel de traiter de l’historiographie malgache. Cela permet de réfléchir à l’écriture de l’histoire au moment de la colonisation. Un autre article montre la diversité des histoires pour écrire celle de l’Inde.
Nathalie Kouamé propose elle de parler de « ceux qui font le récit du passé pour conseiller les pouvoirs ». De nombreux articles s’intéressent ici à l’Asie à travers le cas du Japon et de la Chine. C’est ce qu’elle appelle «édifier le pouvoir ».
Critiquer le pouvoir
On retrouve dans cette partie l’époque coloniale à travers le cas de l’Inde. Le sous-titre est important : « l’historiographie comme instrument politique dans l’Inde sous domination britannique ». Un des articles les plus étonnants est consacré à l’historiographie israélienne. Rina Cohen Muller évoque le cas particulier de ce pays où, pendant une quarantaine d’années après sa création, il n’était pas question de débattre autour de l’histoire. Les années 80 marquèrent un tournant avec notamment l’ouverture de certaines archives. On retrouve aussi l’influence du contexte politico-diplomatique du début des années 80. On peut aussi ajouter l’arrivée d’un million de Russes qui obligea à réfléchir à l’écriture de l’histoire. Un article traite aussi de l’histoire au temps de la Chine républicaine.
Dans la cinquième et dernière partie, il n’y a qu’une contribution consacrée à une entreprise commencée de longue date, à savoir « l’Histoire générale de l’Afrique ». Catherine Coquery Vidrovitch en retrace à la fois la genèse, les étapes et les difficultés.
Voici un ouvrage qui est une collection d’articles qui répond parfaitement à son titre, à savoir évoquer les historiographies d’ailleurs. Il peut s’avérer parfois ardu, non pas à cause des contributeurs, mais tout simplement parce que les faits dates et lieux évoqués sont parfois très loin de ce que l’on peut connaitre. Ce livre contribue, parmi d’autres, à une autre façon de faire et de réfléchir à l’histoire. Le discours occidental n’est décidément plus de mise dans un monde globalisé.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.