Cette bande dessinée n’est pas une biographie du Führer. Pascal CrociPascal Croci, scénariste et dessinateur autodidacte, vit dans l’Aveyron. Il a connu la consécration grвce а Auschwitz, bande dessinée-document qui a reзu le Prix Jeunesse de l’Assemblée Nationale en 2000. Il fait ses premières armes en dessinant des bandes dessinées religieuses dans la presse catholique. Puis, il s’affranchit de ce travail de commande pour réaliser ses premières œuvres d’auteur. Son univers gothique met en scène des drames romantiques où la femme magnifiée est généralement trahie par les siens. En 2005, il s’attaque а la légende de Dracula et réalise sa suite Dracula, le mythe d’après le roman de Bram Stoker. Soit deux hommages а la littérature et au cinéma de vampires. Enfin avec Auschwitz traduit en 10 langues, il obtient une reconnaissance internationale. livre ici une réflexion sur la noirceur de l’âme humaine, celle capable de nuire aux autres si une figure d’autorité les y incite.

Dans les premières pages, Adolf Hitler est dépeint tel le joueur de flûte de Hamelin qui a su charmer et envoûter des rats qui sortirent des maisons, des caves et des greniers et qui coururent derrière lui. « La mélodie les émouvait jusqu’au fond de l’âme et répondait à leurs aspirations confuses, leur nostalgie, leurs passions, leurs espoirs. Elle les berçait, elle les excitait, elle les enchantait, exerçait sur eux une force d’attraction irrésistible » (p.4-5).

Cette bande dessinée utilise des sources variées qui donnent beaucoup de profondeur et de consistance à la réflexion : l’interrogatoire d’Irma Grese, des extraits de Mein Kampf, du journal d’Anne Franck, de la correspondance échangée entre la firme Bayer et le commandant d’Auschwitz, du Juif Süss ou encore une interview de Léon Degrelle. Les scènes de films essentiels sur la période, Shoah de Claude Lanzmann ou Le vieux fusil de Robert Enrico, sont aussi suggérées.

La fascination pour la personne du Führer et pour l’idéologie nazie est principalement étudiée à travers le prisme des femmes, les « furies de Hitler » (Wendy Lower, Les furies de Hitler – Comment les femmes allemandes ont participé à la Shoah ?, Tallandier, Texto, 2019). Ainsi, le lecteur croise Geli Raubal, Unity Mitford, Irma Grese, Henriette von Schirach ou encore Magda Schneider (la mère de Romy).

Le traitement majoritairement en noir et blanc et les silhouettes romantiques plongent parfaitement le lecteur dans cet univers tourmenté. 

Un album, pour les adultes, qui ne peut laisser indifférent car dérangeant. Une bonne connaissance de la période et des sources ne pourra que faciliter la lecture et aider à la bonne compréhension de cette bande dessinée ambitieuse, riche et intelligente. 

 

« Moi je veux que derrière nous quelqu’un puisse parler, que quelqu’un puisse dire … On ne peut pas laisser ça complètement aux historiens. Je n’ai rien contre eux, mais ce sont des gens qui travaillent sur le papier … Moi je travaille avec ma chair. S’il y a une inquiétude à avoir pour l’avenir c’est qu’il n’y aura plus personne pour dire « je » ! »

Charles Baron, déporté à Auschwitz, décédé en 2016.

 

Pour les Clionautes, Armand Bruthiaux